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Or dans cette rencontre vous étant également libre, felon les regles du monde, de l'avoir, ou de vous en pafler, la raison generale qui oblige de renoncer à toutes les chofes vaines & fuperflues, comme celle-là, fubfifte à votre égard,& par confequent vous oblige à vous en priver.

Puifque vous demeurez d'accord que cette chofe eft vaine & inutile, & que le monde vous permet de vous en pafler, qui vous peut obliger de faire une dépenfe fi confiderable pour l'avoir, que cupidité?

XIV.

Trois fortes d'efprits.

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Il y a des efprits qui n'ont que de la furface fans fond, il y en a qui ont du fond fans furface, & il y en a enfin qui ont & furface & fond tout ensemble. Les premiers trompent le monde & fet: mpent eux-mêmes, étant pris & se prenant pour ce qu'ils ne font pas. Le monde fe trompe dans les feconds, en ne les prenant pas pour ce qu'i's font, mais ils ne fe trompent pas eux-mêmes. Il n'y a que les derniers qui ne trompent ni les autres ni eux-mêmes.

Tome VI.

I

XV.

Quand on peut juger que l'on a raison dans les differens que l'on a avec des perfonnes

très-habiles.

Il n'y a rien de plus pénible dans la vie & de plus humiliant tout ensemble que lorsque l'on fe trouve divifé de fentimens avec des perfonnes, dont on eftime d'ailleurs l'efprit, la fcience & la pieté, en forte qu'ils croyent évidemment faux ce qu'on croit évidemmentveritable.

Quand cette diverfité n'arrive qu'entre des perfonnes qui ne cherchent point Dieu, on a moins de fujet de s'en mettre en peine. On voit dans les interêts & les cupidités des hommes charnels la caufe de leurs erreurs; mais quand on ne voit point cette fource, non feulement on eft troublé par cette contrarieté de fentimens, mais on entre même en défiance de ce que l'on croyoit voir avec plus de certitude.

Car quel moyen de n'être point ébranlé par cette raison? Je croi chercher Dieu, ces perfonnes le croyent auffi; je ne connois dans mon cœur aucun interêt qui m'ait fait entrer dans ce fentiment, je n'ai pas droit de foupçonner aufli d'interêt des perfonnes que je connois

plus vertueuses que moi: cependant ils defapprouvent ce que j'approuve, ils méprifent ce que j'eftime, ils croyent faux ce que je croi veritable.

S'il ne s'agiffoit que de préferer leurs jugemens aux miens, & leur efprit au mien, peut-être que le refpect que j'ai pour eux me feroit conclure que c'eft moi qui me trompe; mais je vois que des perfonnes dont j'eftime auffi beaucoup l'efprit, la lumiere & la pieté, ont toutes les mêmes penfées que moi, & que je ne puis me condanner fans les condanner auffi.

Leur autorité ne peut donc pas l'emporter fur la lumiere jointe à une autre autorité qui balance la leur. Je ne puis même douter de la verité de mon fentiment, quand j'en envisage les raisons. Mais quand en me feparant de la vue de ces raifons particulieres, je ne regarde que cette contrarieté d'opinions entre des perfonnes que j'eftime, il m'est impoffible auffi de n'entrer pas en quelque crainte de me tromper. :

Car enfin nous tenons tous le même langage: qui m'affurera donc que ce n'est point moi qui me trompe,& non pas eux Mais après avoit bien confideré toutes chofes avec autant de definteressement que j'ai pu, il m'a femble que j'avois des

raifons particulieres & feparées même de l'examen du fond, qui devoient me faire croire raisonnablement que c'eft eux qui Le trompent & non pas moi.

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La premiere eft que dans la connoifLance que j'ai de leur efprit, je diftingue affez ce qu'ils doivent approuver, & ce qu'ils doivent rejetter,& entre les raifons, celles qui font claires, de celles qui ne le font pas.

Je ne voi pas qu'ils ayent le même difcernement. Ils propofent des chofes que je trouve extraordinairement dérai fonnables, comme des verités inconteftables, & qu'il ne faille que marquer fans preuve pour en perfuader le monde. Je conclus de la que s'ils ne fe trompent pas dans le fond, ils fe trompent certainement dans la connoiffance de la proportion de leurs raifons avec l'efprit des autres, puifqu'ils peuvent croire que ce qui nous paroît fidéraisonnable,nous paroîtra raifonnable.

On n'écrit pas dans la vûe de la feule verité, mais auffi dans la vue de la perfuafion des autres, & l'on ne doit rien écrire que l'on croye devoir être pris pour faux par des perfonnes judicieuses, Monfieur N.... n'a donc pas cru què ces remarques dûffent être prifes pour friyoles & contraires au bon fens; Of

elles ont été prifes comme telles; il s'eft done trompé : & une erreur groffiere dans la maniere rend fort probable une erreur dans le fond.

2. Nous n'avons rien vu dans les remarques de Monfieur N.... que ce que Fonfavoit déja, & l'on peut dire que Fon n'y a rien appris. Or ileft certain qu'il ne fait pas toutes les penfées qu'on a eues fur fes remarques; car fans doute il y auroit répondu & réme dié, & partant on a fujet de croire que l'on voit plus qu'il n'en voit fur ce fijet.

3. Ces Meffieurs ne voyent pas que fi leur fentiment étoit public, rien ne feroit plus capable de leur faire tort & de les décrier auprès des perfonnes de pieté; cependant on en parle avec fes amis comme d'une chofe indifferente,& ces aparlent avec d'autre perfonnes qui ne font pastropamis, ils ne voyent done pas cet effroyable inconvenient, ils n'ont donc pas fur ce point toutes les lumieres qu'il feroit à defirer.

4. L'autorité qui m'appuie dans mon fentiment me femble infiniment plus confiderable que celle qui pourroit me porter à celui des autres. Il eft prefque feul de fon opinion: toute l'Eglife lui eft contraire, & principalement tous les Saints des derniers tems. Or quoique je

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