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lier l'orgueil de l'homme, qui eft le plus grand & le plus dangereux de tous fes maux, par cet effroyable contrepoids & cet étrange rabaiffement. Car ny ayan rien de fi vil qu'un réprouvé, & n'y ayant perfonne qui foit afluré, s'il n'eft point de ce nombre malheureux; il n'y a parconfequent perfonne qui fache s'il n'eft point dans le dernier degré de la vileté, de la baffeffe & de la mifere.

Mais l'homme n'a aucun fujet de fe plaindre de cet état, & il doit au-contraire, en rendant hommage à la justice de Dieu, rendre en même temps graces à fa bonté & à fa mifericorde, en fe tenant bienheureux d'y être: car ayant merité une condannation certaine, c'eft beaucoup pour lui de n'être réduit qu'à l'état d'une incertitude de fon falut, qui ne lui en ôte pas l'efperance.

II.

Dieu lui permet même, ou plutôt il dui commande de tâcher de diminuer cette incertitude, & de faire tout ce qui Jui eft poffible pour avoir une jufte confiance qu'en mourant il obtiendra le fort & la récompenfe des juftes: car quoiqu'il refte toujours quelque incertitude, il y a néanmoins des degrés de donte qu'on peut éviter, & dans lesquels il n'eft pas permis de demeurer.

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Il y a des états dans lesquels on ne fauroit avoir qu'une réponse de mort. C'est-à-dire, qu'il eft certain qu'en y mourant on eit infailliblement danné Et ce font tous ceux qui enferment des. engagemens criminels. Toute l'incertitude qui y peut refter, c'eft qu'on peut efperer d'en fortir tant qu'on eft en vie, mais en y demeurant, on ne peut attendre qu'une dannation certaine. Dieu ne permet à perfonne de demeurer volontairement dans cette forte d'incertitude, & quiconque ne travaille pas à en fortir, non feulement eft coupable par les malheureux engagemens qui forment cet état, mais c'est même un nouveau peché d'ydemeurer volontairement, & de ne pas faire toutes fortes d'efforts pour en fortir.

IV.

C'eft encore un état très-blamable, lorfqu'ayant quelque fujet d'efperer la mifericorde de Dieu, on fe peut néanmoins reprocher fur ce point une gran de négligence, & d'avoir eu peu de foin de pratiquer ce que faint Pierre nous 1. Petr. recommande, de rendre notre vocation 1. 10. certaine par nos bonnes envres. Car enfin le falnt étant l'unique bien des, Ajj

hommes, ce n'eft point une matiere où l'indifference foit fupportable. Il faut tâ, cher de l'affurer le plus que l'on peut, & l'incertitude n'eft tolerable en ce point que lorsqu'elle eft neceffaire & inevitable. Qui peut la diminuer y eft obligé. Or il eft certain qu'on le peut, & qu'il y a un état auquel le commun des Chrétiens Fent arriver, où ils peuvent avoir une jufte confiance de leur falut. Nous devons donc tous travailler à nous mettre dans cet état: Nous devons tous marcher vers la mort & le jugement qui la doit fuivre avec une efperance ferme de la mifericorde de Dieu.

V.

Mais comme dans une matiere qui -nous importe fi fort il est très-dangereux de fe tromper, en prenant une préfomtion témeraire pour une confiance legitime, c'eft un avantage confiderable que les fondemens de cette confiance foient marqués par quelqu'un de la lumiere duquel on n'ait aucun fujet de fe défier; & c'eft ce que l'on pourra rencon- · contrer en méditant ferieufement un excellent paffage de faint Augustin, qui a eu deffein de procurer à fon peuple cette folide confiance, en renfermant en peu de paroles les fondemens fur lefquels elle

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doit être appuyée: En voici les termes: InPf.6 4 Ambulantes in fide, exfultantes in Deo, facientes opera bona, exhauriendo quotidie [minuta peccata] jejunando, orando, eleemofinas faciendo, dicendo puro corde: Di mitte nobis debita noftra, ambula fecurus exfulta in via, canta in via. Noli timere judicem: Ceft-à-dire,,, Marchant dans la foi, „ mettant en Dieu votre joie, pratiquant » les bonnes œuvres, prenant soin de vous "purifier continuellement des moindres » fautes; par le jeûne, par la priere, par „les aumônes, & difant tous les jours d'un cœur fincere: Pardonnez-nous nos pechés; marchez avec confiance & aveo joie, avec des chants d'allegreffe, ne redoutez point la venue de votre juge.

VI.

Voilà l'abregé de la direction de faint Auguftin fur la chofe du monde la plus importante, qui eft de favoir quel eft l'état de vie qui nous donne lieu d'efperer qu'en mourant Dieu nous recevra entre les bras de fa mifericorde. Celtà-dire, que voilà les conditions que faint Auguftin a crues neceffaires à tous les Chrétiens pour marcher dans leur voie avec une confiance raifonnable. Qui les reconnoît en foi fans fe flatter peut avoir cette confiance raifonnable; mais qui ne

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les reconnoît point, ne peut marcher que dans une préfomtion temeraire. On pent bannir les troubles & les inquietu des quand on fent effectivement en foi ces difpofitions; mais c'est un malheur infini d'être fans crainte lorfqu'on ne les a pas.

Celui qui n'y eft pas encore peut y tendre, & il y peut arriver en donnant toutl'ordre necellaire à la réformation de fa vie. Mais celui qui s'eft établi dans une fauffe fecurité ne travaille plus à en acquenir une veritable,& marche fans crainte dans ce chemin d'illufion jufqu'à ce que la mort l'en détrompe inutilement.

Il n'y a donc rien de plus fouhaitable qu'une confiance bien fondée, ni rien de plus terrible qu'une confiance préfomtueufe & mal fondée. La raifon & la foi nous obligent également de chercher l'une & d'éviter l'autre,& parconfequent l'une & l'autre doit porter tous les Chrétiens à s'inftruire à fond de l'étendue de ces conditions marquées par faint Anguftin,à tâcher de les penetrer, & à fe donner bien de garde de prendre le change. Et c'eft pour les y aider qu'on a deflein de les examiner ici, & de tâcher de faire difcerner ceux qui les ont & ceux qui ne les ont pas

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