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par une crainte falutaire de la mort. Car c'est une chofe effroyable de voir des hommes condannés à la mort, & prêts d'entrer par la mort dans un état éternel,l'envifager avec fi peu d'effroi, former des deffeins fi vaftes, jouir fi tranquilement de leurs plaifirs criminels, & travailler avec tant d'empreffement à acquerir des biens dont ils jouiront fi peu

ΧΧ.

Punitions da pechè necessaires après-
le peché.

Toutes les punitions du peché font tellement utiles aux hommes,qu'ils ne pour roient fubfifter fans ces punitions dans cet état de corruption.

Que feroit-ce du monde, fi les hommes étoient immortels: & jufqu'à quel point porteroient-ils leur infolence & leur tyrannie? Si la mort étoit agreable,. ils fe feroient tous mourir. Si les maladies n'étoient doulourenfes,ils fe feroient rous malades. Si les vices n'étoient point fuivis d'incommodités,ils s'y plongeroient fans mefure. S'ils ne s'incommodoient point en mangeant, ils mangeroient toujours. Si l'homme étoit impaffible, il ne craindroit rien. Il fant donc qu'il meure, qu'il meure avec douleur, que les maladies le tourmentent, que fes vices foients

punis, qu'il foit fujet à fouffrir la douleur, qu'il ait fujet de craindre la douleur & la mort.

Il est donc vrai de dire que les hommes font fi déreglés, qu'ils font incapables de fubfifter dans l'état où Dieu les a formés,& que ç'a été non feulement par un effet de fa juftice, mais auffi de fa mifericorde qu'il les a affujettis à toutes les miferes qu'ils reffentent.

XXI.

Origine des Ceremonies.

Si les hommes étoient parfaitement raisonnables, il eût fuffi de faire connoître qu'un tel eft Magiftrat, afin de lui faire rendre obéiffance; mais parcequ'ils font groffiers & attachés à leurs fens, il a été utile de donner à ces Magiftrats.certains ornemens exterieurs qui les diftinguaffent, & d'ordonner qu'on leur fit certains geftes, & pour ainfi dire, certaines grimaces, qu'on appelle céremonies. Cette invention a réuffi felon le deffein de ceux qui l'ont trouvée.

Mais ces ceremonies ont incontinent

changé de nature dans l'efprit du peuple; car au-lieu qu'on ne doit au Magistrat qu'un refpect purement exterieur & une reconnoiffance qu'il eft Magiftrat, c'està-dire, chargé de faire executer les loix,

ce qui peut fubfifter avec l'idée qu'il ett un méchant, un malheureux un homme digne de mépris; le peuple & tous les efprits charnels mefurant tout par leur orgueil,trouvent que c'eft une grande chose & un grand bonheur que de donner ainfi des ordres, d'être obéi, & de recevoir d'es honneurs exterieurs: ainfi il commence à confiderer les Magiftrats comme grans, élevés, heureux; & ces Magiftrats connoiffant ces jugemens que l'on porte d'eux, commencent auffi à s'en eftimer davantage, & à fe plaire dans leur condition.

XXII.

Difficile à juger de ce qui eft ou poffible
ou impoffible.

Il femble que l'ignorance où les hom mes font de la puiffance de la nature, leur ôte tout droit de définir ce qui est poffible ou impoffible, puifque pour le faire, il fant favoir toute l'étendue des caufes & tous les refforts qui compofent les machines des corps.

Combien y a-t'il de chofes qui nous euffent paru impoffibles, fi l'experience ne nous avoit fait voir qu'elles font poffibles?

Qui eût dit qu'avec un peu de poudres on feroit fauter des Montagnes.? qu'en

flottant une aiguille à une pierre, elle acquerreroit la proprieté de fe tourner toujours vers le Pole? que de raifons on auroit trouvées pour montrer que cela étoit impoffible?

Qui n'auroit jamais vu l'operation que les Chymiftes appellent précipitation, n'appelleroit-il pas impoffible la promeffe que feroit un Chymifte, de féparer en un moment toutes les parties du corail, des perles ou de l'or, répandues dans une quantité d'eau, & liées avec toutes les parties de cet eau? Dé quel agent, diroitil, fe pourroit-on fervir, & le moyen de trouver affez de couteaux pour féparer ce nombre infini de parties confufes? Mais nonobftant toutes ces belles raifons une goute d'une certaine matiere en féra l'effet.

Qui fait de même s'il n'y a point quel que liqueur dans la nattire capable de faire précipiter toutes les huineurs étrangeres qui chargent le corps? La nature peut bien form er un foye, une ratte, un poumon dans le ventre des meres,de je ne fai quelle matiere, pourquoi ne pourrat'elle pas avec une autre matiere reformer ce qu'il y a de gâté dans ce foye, dans cette ratte, dans ce poumon?

Il n'y a point, dit-on, d'agent dans la nature capable de produire cet effet:

mais dans toutes les caufes uniques on croyoit de même qu'il n'y en eût point: avant qu'on les eût trouvées.

XXIII

On eft moins en danger de fe tromper en ju-geant en mal qu'en bien.

L'on peut dire avec verité que quoique nous devions avoir plus d'inclination à louer le bien qu'à blâmer le mal, il y a fouvent néanmoins plus de verité & d'af-furance à blâmer le mal dans les méchans qu'à approuver le bien dans ceux que nous croyons vertueux. La lumiere commune du Chriftianifme fuffit pour nous faire juger avec affurance que quelque action eft mauvaise; mais il n'y a qu'une lumiere extraordinaire qui puiffe nous alsûrer que quelque action eft bonne.

XX IV..

Difficile de louer & de faire la vie d'un

Saint.

J'avoue que dans le fentiment d'ob-fcurité où Dieu a voulu que la vertu de fes Saints fût dans cette vie, j'ai peine à me répandre avec effufion à louer qui que ce foit ; & qu'il me femble quelquefois que c'est un hommage que l'on doir à Dieu de lui laiffer le jugement des vertus qu'il a données à fes ferviteurs, &

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