Imágenes de páginas
PDF
EPUB

devoirs, d'obéir à fes loix, doit être netre principale paffion. Si ce defir domine & s'affujettit tous les autres; fi nous rapportons à cette fin le corps de nos actions & le gros de notre vie, nous pouvons dire que nous marchons dans la foi. Mais fi au-contraire la vue de notre salut n'eft le principe que d'un petit nombre d'actions; fi elle ne produit que des applications paffageres ; fi les interêts humains font beaucoup plus agiflans fur nous, nous avons peu de fujet de croire que nous marchons dans la foi.

XII

Saint Auguftin, après cette premiere condition que nons venons d'expliquer, en ajoûte une autre qui en eft une fuite, & qu'il exprime par ces paroles: Exfultans in Deo, Vous réjouissant en Dieu; & cette joie qu'il exige comme une difpofition eflencielle & infeparable d'un vrai Chrétien, a fans doute deux principaux objets.L'un eft la delivrance de l'état du peché par la remiffion que nous en avons obtenue, qui fait qu'une ame chrétienne s'écrie avec David: Domine eduxifti ab inPf.19.4. ferno animam meam, falvafti me à defcendentibus in lacum. Vous avez, Seigneur,retive mon ame de l'enfer, vous m'avez sauvé du milieu de ceux qui defcendent dans la

Fole. L'autre eft l'adoption à l'état des enfans de Dieu qui donne droit aux biens éternels dont l'efperance doit donner de la joie à tous ceux en qui elle eft legitime, felon qu'il eft dit, Spe gaudentes: RE- Rom.124JOUISSEZ-vous dans votre esperance. Qui- 124 conque n'a point en foi dans quelque degré le fentiment de cette double joie,n'eft pas dans un etat digne d'un Chrétien, & qui lui puiffe donner une jufte confiance; & s'il eft abfolument fans joie, il faut qu'il ait oublié, comme dit faint Pierre, qu'il a été purifié de fes pechés,,. Petrá puifqu'il n'en a plus de joie, & qu'il ne 1.9. penfe plus à fon adoption, ni aux biens aufquels elle lui donne droit.

XIII.

La joie que doit donner à un vrai Chrétien la vocation au Chriftianifine, enferme celle de la participation anx biens dont il jouit déja, & l'attente de ceux aufquels il a droit dans l'autre vie. Ainfielle comprend cette admirable lu miere dont tout Chrétien jouit, qui eft ce fecret ineftimable de la rédemtion des hommes, caché fi long-tems en Dieu, & découvert dans les derniers tems: elle comprend l'incorporation au corps de JESUS-CHRIST, l'union avec l'Eglife en qualité d'un de fes membres, le droit

à l'heritage du Ciel qui nous appartient. Voilà les fujets de joie qu'on ne fauroft êter à un Chrétien, & qui lui doivent caufer ime joie interiente & effective, quoiqu'elle ne foit pas toujours fenfible.

XIV.

Mais de peur que nous ne nous trompions dans le difcernement de ces conditions qui étant fpirituelles, & confiftant plus dans des difpofitions que dans des effets, font plus fujettes à l'illusion, Saint Auguftin y en ajoûte trois autres qui confiftent dans des actions dont nous pouvons avoir une plus grande certitude. La premiere, eft de faire de bonnes œtrvres,faciens bona opera. Ainfi il ne fuffit pas de n'en point faire de mauvaises, il en faut faire de bonnes. Il ne fuffit pas de ne point pecher, comme l'on dit, par commiffion : il faut auffi ne point pecher par omiffiou, faciens bona opera : & ces bonnes œuvres doivent comprendre premierement l'accompliffement de tous les de voirs de juftice qui font indifpenfables: car quiconque ne fatisfait pas à ces devoirs n'a point de folide devotion, & par confequent n'a point de fujet d'une confiance legitime. Mais il faut encore fatisfaire aux devoirs de charité, & c'eft -même particulierement ce que faint At

guftin entend par ces bones œuvres : Nous devons tous aimer notre prochain: nous devons tous aimer l'Eglife, & cet amour ne doit point être fterile ni oifif. Car il n'y a point d'amour qui foit fterile : il doit produire des fruits de bonnes cnvres: il faut affifter le prochain ou par des aumônes corporelles, ou par des offices d'une charité fpirituelle; & fi l'on ne peut faire antre chofe, il faut au-moins l'édifer par les bonnes auvres, par l'exemple de fa patience,de fa douceur,& de fes autres vertus. Ainfi perfonne n'eft difpenfe des œuvres de charité:car fi nous ne fommes pas en état de pratiquer celles qui conviennent aux riches, nous ne pouvons nous dispenser de celles qu'on ne fauroit óter aux pauvres, & nous nous y devons porter avec d'autant plus de foin,que Dieu nous a ôté les moyens d'exercer les autres.

XV.

Entre ces œuvres de charité, il faut avoir une attention particuliere à s'aquitter de celles qui nous tiennent lieu de talens, c'est-à-dire, de celles pour lesquelles Dieu nous ayant donné une aptitude particuliere, nous a marqué par là qu'il les exige de nous. Ces talens forment des dettes & des obligations envers Dieu qui demande de nous que nous nous en fervions pour la fin à laquelle il les a desti

nés. Qui les laiffe inutiles, enfouit fon talent, & s'attire la condannation de ce ferMatth. viteur pareffeux, qui au-lieu de le faire profiter, s'étoit imaginé qu'il lui fuffifoit de ne le pas perdre, & de le rendre tel qu'il l'avoit reçu, fans en avoir fait aucun ufage.

25. 18.

XVI.

Mais la feconde condition qu'ajoute faint Augustin, qui eft de reparer par fes jeûnes, fes aumônes, & fes prieres les fautes ordinaires qu'on ne fauroit entierément éviter en cette vie, est encore plus propre pour diftinguer ceux qui peuvent avoir une jufte confiance de leur falut, d'avec ceux en qui elle eft fufpecte de prefomtion. A quelque degré de vertu qu'on foit parvenu, elle ne fauroit être entiérement exemte de fautes. Si ces fautes détruifoient la confiance, perfonne n'en pourroit avoir : & fi nonobftant ces fautes on devoit avoir une égale confiance, les Chrétiens vigilans fur leurs actions, n'auroient aucun avantage au deffus des autres.

Ce qui les diftingue donc, & ce qui fait que la confiance des uns eft jufte, & celle des autres eft fufpecte de preque fomtion, c'eft que les uns réparent par la pénitence les fautes venielles où ils tombent, & que les autres en font un amas qu'ils ne réparent point.

« AnteriorContinuar »