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& chacun alla fe coucher.,

Lorfque Mademoiselle de la Charce & Mademoiselle d'Aleyrac furent fans témoins, la derniere prit la parole & dit: Hé bien,mafœur, voudriez-vous encore habiter les fteriles montagnes de Dauphiné? Mademoiselle de la Charce ne répondit que par un fouris ; il me femble, continua la Cadette,que le monde ne vous fait plus tant d'horreur, & que vous avez moins d'empreffement de quitter cette Ville, que vous n'en marquiez il y a quelques jours, il est vrai que les amufe mens de cette journée font bien capables de dégouter de la folitude, je ne scai même si celui qui a paru le moins vif, n'est point celui qui vous a plû davantage. La promenade, ajouta-t-elle, eft un plaifir tranquile; cependant je me fuis imaginé que celle des Jardins de Saint-Cloud ne vous

avoit pas été indifferente. Je vous avouerai,répondit Mademoiselle de la Charce, que de cette promenade dépendra le bonheur ou le malheur de ma vie, je fuis aimée du Comte, ma chere fœur ; après les sentimens que vous avez malgré moi démêlés dans mon cœur pour lui, je ne vous cacherai point la fatisfaction que me cause fa tendreffe, fi elle eft telle qu'il me l'a voulu perfuader; rien n'égalera ma felicité, s'il ressemble à la plupart des hommes, & qu'il devienne infidele; je fens bien que je ne pourrois m'en confoler & qu'il me feroit impoffible d'imiter fon inconftance. Ne vous fatiguez pas, répondit Mademoiselle d'Aleyrac, à prévoir des maux qui n'arrive. ront point, vous n'infpirez pas de médiocres paffions,l'exemple du Marquis de Cremieux le prou. ve affez par malheur pour lui,

a trop

le moment de votre fenfibilité n'étoit pas arrivé, je vois que l'on ne peut aller contre fon étoile, je fouhaite que la vôtre vous conduife à un port fortuné, je croi que vous êtes délivrée de l'inquiétude que vous caufoit Madame de Clairville. Je ne fuis pas affez injufte, dit Mademoiselle de la Charce, pour conferver des foupçons mal fondés ; le Comte de folidité pour penser à une perfonne qui en montre fi peu. Je le crois comme vous, interrompit Mademoiselle d'Aleyrac, mais prenez garde qu'elle ne s'intereffe plus à lui, qu'il ne vous feroit utile à l'un &à l'au tre; car malgré fon air évaporé & les vivacités du Comte de Velfbergt, il me femble qu'elle fait plus d'attention aux actions & aux paroles du Comte de Caprara, qu'il ne convient à une humeur telle que la fienne nous

paroît: les coquettes ne veulent rien perdre, elles difent que un & un font deux, lorfqu'elles fe voient déchues de leurs prétentions; leur vengeance va plus loin que celle des perfonnes qui veulent paroître prudentes, celleci facrifie leurs reffentimens à la modération que doit infpirer cette vertu, mais les étourdies ne fuivent que leurs premiers mouvemens, ainfi prenez vos précautions, & fouvenez-vous qu'elle eft Normande, Nation qui a la réputation d'être fertile en artifice & en diffimulation, & qui met tout en ufage pour parvenir à ses fins: il faut donc éviter qu'elle ne découvre la bonne intelligence que j'imagine qui va regner en. tre vous & le Comte. Vous croiez bien, repartit Mademoiselle de la Charce, que je ne me livrerai pas affez à mon inclination, pour la laiffer penetrer: outre les raifons

qui regardent la veuve,je dois ménager mon pere, ma mere, le public & l'eftime du Comte: ainsi, ma fœur, quoique j'aime, vous ne devez pas craindre que je m'é. loigne un moment des regles de mon devoir & de la vertu, dont je ferai toujours profeffion. Je n'ai aucuns foupçons fur ces chofes là, répondit Mademoiselle d'Aleyrac, il ne s'agit que d'éviter les yeux de la veuve, de crainte qu'elle ne connoiffe vos fentimens, & ceux du Comte; car je me figure qu'elle en auroit bientôt divulgué le fécret qu'il eft ef fentiel de cacher, tant par rapport à vous, que parce que le myftere eft un des agrémens de l'amour, à ce que j'ai oui dire. Puif-, que vous fçavez que je fuis peu inftruite fur cette matiere, je fou haite, reprit Mademoiselle de la Charce, que vous vous en teniez à la Theorie,étant perfuadée que fi

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