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peu amusante, & pour moi le defagrément d'avoir écrit quelque chofe qui ne vous plût pas. Èh: qui ne le craindroit, quand on a l'honneur de vous connoî. tre? Tenez-moi compte, Madame, de la violence que je me fais. Il y a de la générosité à facrifier à votre curiofité la bonne opinion que vous avez de moi.

L'Hiftoire que je vous envoie, est une Avanture de galanterie affez peu chargée d'événemens confidérables. Mais ne peut-on rien écrire d'intéreffant, fans y mêler du merveilleux ? J'aime mieux ne dire rien que de vrai.

Les liaisons étroites que j'ai euës avec Mademoiselle de la Charce, qui étoit d'ailleurs ma compatriote, m'ont mis à portée de fçavoir exactement tout ce qui regarde les personnes intéreffées dans cette Histoire, & vous me connoiffez affez pour ne

pas me foupçonner de l'avoir alterée.

Peu de perfonnes ont fçû au vrai la cause de l'héroïque action qui a fait tant d'honneur dans le monde à Mademoiselle de la Charce, & qui lui a procuré la protection & les bienfaits du feu Roi Louis le Grand, de glorieufe mémoire.

Peutêtre trouvera-t-on qu'en 'découvrant les motifs qui ont fait agir ce grand Prince, je diminue le prix du fervice que notre Héroïne a rendu à l'Etat. L'Amour est une paffion qui pa roît méprisable à ceux à qui la nature a refufé un cœur tendre, ou le pouvoir d'en faire quelque ufage, foit qu'elle les ait privez d'affez de charmes pour plaire, foit que leur tems ne foit pas en core venu: cependant qu'on exa mine avec attention tous les évé nemens confidérables qui font

arrivez, fi l'on veut, depuis l'épo que du monde ; & je m'affure qu'on trouvera que la plus gran de partie des chofes remarqua bles qui fe font paffées dans tous les tems, doit fon origine à cette paffion. Elle a caufé des boule versemens de bien des façons, des deftructions de Monarchies, des fondemens d'Empires; elle a produit des Héros qui feroient peutêtre demeurez dans l'obfcurité, s'ils n'avoient été animez par fes feux. Que l'on ne blâme donc pas Mademoiselle de la Charce, de n'avoir pû en garantir fon cœur ; elle s'eft toujours conduite de maniere qu'elle n'a dérangé ni fon devoir, ni même la vertu la plus austere : les critiques ne pourront exercer leurs fatyres fur ce qu'ils appren dront de fa vie.

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La naiffance de Mademoiselle de la Charce eft des plus illustre

'de la Province de Dauphiné, & même du Royaume : le nom de fa Maison eft la Tour-du Pin celle de Madame de la Charce n'eft pas moins distinguée. Monfieur de la Charce a toujours fait une figure confidérable en Dauphiné, ils ont eu deux fils & deux filles; notre Héroïne ( je peux lui donner ce titre, puifque toute la France, & même le Roi, ne le lui a pas refufé) étoit l'aînée des filles. Ce n'étoit point une beauté finguliere, mais fa perfonne compofoit un affemblage de graces, de bonne mine, & de majefté; elle n'avoit ni l'air de délicateffe, ni celui de minauderie, dont la plûpart des femmes font leurs ornemens. On peut dire qu'elle auroit eu nombre de Partifans à la Cour d'Augufte, étant ce que l'on appelle une Beauté Romaine. Son cœur

avoit beaucoup de raport à ceux

des anciennes Romaines; il étoit élevé, exempt de foibleffe, & rempli de fentimens qui lui atti roient l'eftime de tous ceux qui la connoiffoient. Il ne faut point oublier ici Mademoiselle d'Aley. rac fa foeur cadette; comme elles ont toujours été ensemble, je ferai obligé d'en parler fouvent. Celle-ci étoit fort aimable, elle avoit moins de majesté, un air de douceur prévenoit en fa faveur elle avoit beaucoup de goût pour les Sciences; la Poëfie l'occupoit agréablement, elle s'y étoit adonnée dès fon enfance, & avoit fi bien réuffi, qu'il nous refte nombres de fes ouvrages, lefquels vous avez approuvez quelquefois.

Environ l'âge de douze ans, Madame de la Charce fe priva du plaifir d'avoir fes filles auprès d'elle. Quoiqu'elle n'oubliât rien pour leur donner une éducation

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