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me de la Charce fe chargea de lui en faire la premiere ouverture: mais elle fut très-furprise du peu de difpofition qu'elle rencontra dans le cœur de fa fille pour un établiffement auffi for. table: elle écouta tout ce qu'elle lui dit avec douceur, & y répondit de même, efperant que le tems rameneroit la raison, & fe flattant qu'elle étoit trop bien née, pour refifter aux volontez de fon pere, furtout en une chofe qui lui étoit avantageufe. Cette Dame rendit comp. te à Monfieur de la Charce de fa négociation, il ne la prit pas avec la même tranquilité, il trouvoit fon profit à cette alliance, le Marquis le laiffoit le maître par rapport à l'interêt, C'eft la coutume quand il y a des garçons dans une famille, de fe débarafler des filles qui ne veulent pas prendre le parti du cloî

tre le plus promptement que l'on peut, fans confulter leurs inclinations. Monfieur de la Charce penfoit ainfi, il avoit l'humeur impérieufe, & croioit que rien ne devoit refifter à fes defirs. Picqué des refus de fa fille, fans perdre un moment, il alla la trouver dans fa chambre où elle étoit avec fa fœur, il lui dit en entrant: Je viens apprendre vos fentimens, Mademoiselle; on dit que vous vous oppofez à ce que je fouhaite : je fuis bien aife d'en tirer l'aveu de vous-même.

Mon pere, répondit Mademoifelle de la Charce, je ferai toujours foumise à toutes vos volontez; mais je vous fupplie de ne me point condamner à m'éloigner fi-tôt de vous: mon attachement pour vous & pour ma mere, n'a point laiffé de place dans mon coeur à d'autres incli nations; permettez-moi de con.

ferver toujours celles qui font convenables à mon devoir & à mon penchant. Votre devoir, interrompit Monfieur de la Char. ce d'un ton plus haut, confifte à m'obéir, je veux que vous époufiez le Marquis de Crémieux; que pouvez-vous fouhaiter de meilleur? fa naiffance, fon bien, fa perfonne, tout me convient. J'avoue, reprit Mademoiselle de la Charce, qu'il eft eftimable en tout; & que fi je n'avois pas un éloignement extrême pour le mariage, j'aurois lieu d'être contente de mon fort, s'il m'attachoit à lui. Vous haïffez le mariage, répondit Monfieur de la Charce avec un fouris amer ; qu'aimez-vous donc ? On verra fi on peut fatisfaire votre goût. Le bonheur de paffer mes jours avec vous repartit Mademoifelle de la Charce, fans que le mélange d'un engagement puifle

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faire une diverfion; je fouhaite de n'avoir d'autres foins que celui de vous plaire & de vous rendre fervice. Voilà de trèsbeaux raisonnemens, interrompit Monfieur de la Charce; mais toute votre éloquence eft inutile, & ne fçauroit cacher l'obstination à me défobéir : vous pouffez la tendreffe pour moi plus loin que je ne le veux, j'en cederai volontiers la moitié à un époux de mon choix : ainfi déterminezvous à me donner fatisfaction promptement, voilà le moyen de me plaire. Il fortit en achevant ces paroles, & laiffa Mademoiselle de la Charce pénétrée de douleur.

Mademoiselle d'Aleyrac, qui ne trouvoit point que fa fœur eût tant de sujet de s'affliger, lui dit tout ce qu'elle put imaginer pour la confoler, & la porter à fuivre les volontez de fon pere;

B

mais elle ne put rien obtenir. Mademoiselle de la Charce lui peignit avec des couleurs fi vives l'averfion qu'elle fentoit pour un lien qui ne finiffoit qu'avec la vie, qu'elle lui infpira pref. que les mêmes fentimens; elles fe flatterent toutes deux que Madame de la Charce feroit moins fevere; & qu'elle pourroit rame. ner Monfieur de la Charce. Elles prirent un moment qu'elle étoit feule'; Mademoiselle de la Charce fe jetta à fes pieds, la fupplia de ne la point abandonner dans une occafion, d'où dépendoit tout le bonheur de fes jours. Cette fage mere lui dit avec fa douceur ordinaire; Il me femble, ma fille, que l'affaire qu'on vous propose n'en fçauroit caufer le malheur,& vous ne pouvez raisonnablement avoir de l'antipatie pour le Marquis. Non, Madame, reprit Mademoiselle

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