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Il y a dans la bibliotheque de la cathedrale, des livres imprimez & des manufcrits. Parmi les manufcrits les principaux font une belle bible en deux gros volumes, faint Auguftin fur les pfeaumes, faint Ifidore du fouverain bien, le livre d'Alcuin adreffé au comte Gui, la vie de faint Guillau me duc de Gellone, un ancien miffel qui commence par l'antienne Gregorius præful, plufieurs traitez de faint Thomas, & entr'autres un petit traité des forts, les conftitutions de Simon legat du faint fiege, Hugues de faint Victor fur les pfeaumes, les commentaires de Gautier évêque de Maguclone fur les pfeaumes, un vieux gloffaire d'environ cinq cens ans, que l'auteur avoit compolé pour les fils.

Le palais archiepifcopal eft un édifice fuperbe & digne de la magnificence d'un archevêque qui prend la qualité de patriarche. Les beaux tableaux d'Italie que Monfeigneur de Gevres y a mis en grand nombre, font d'un prix ineftimable. Le feminaire qui eft tout proche, eft le plus magnifique qui foit dans le royaume; mais ce n'eft qu'un édifice commencé, & il n'y a gueres d'apparence qu'on en voye jamais la fin. L'églife de Monftier-moyen, qui eft à present celle du feminaire, eft fort ancienne.

Aprés la cathedrale, la fainte Chapelle tient le premier rang dans la ville de Bourges. Le vaiffeau en eft d'une beauté & d'une délicateffe admirable; & je ne fçai fi on peut voir un édifice plus beau. Le tableau de Charles VII. qui eft dans le chœur eft d'un grand prix. Le tombeau de mar. bre du duc Jean ne se peut affez eftimer, les figures qui font autour font des pieces achevées. On voit la chapelle, où ce prince entendoit la messe, dans laquelle il y a une cheminée où l'on faifoit du feu en hyver. Voila jufqu'où les princes portent leur délicateffe; mais il eft fort à craindre que ce feu ne fit geler fa devotion. Le trefor eft tres-riche. On y conferve un grand nombre de vases de cristal de roche; un calice d'or émaillé tres. bien travaillé, une croix ornée d'une infinité d'agathes, & de pierres précieuses, dont le crucifix eft d'or, & dans laquelle il y a du bois de la vraye croix ; une couronne dans laquelle eft enchâffée une épine de celle de Notre-Seigneur; & enfin une belle châffe d'argent, dans laquelle font trois corps des faints Innocens. Les ornemens de la facristie font les plus beaux & les plus riches que j'aye jamais vû; la matiere, le travail & la quantité furpaffent

* Id eft voJuptate.

l'imagination. On n'y voit que des chafubles, des tuniques, des chappes de drap d'or avec des figures au naturel, dont le travail ne peut être affez eftimé. Il y a fur tout une cha fuble toute converte de perles. Je vis autfi dans la facriftie un tres beau pontifical écrit fur du velin avec des mignatures d'un grand prix.

Il y avoit autrefois une riche bibliotheque à la fainte Chapelle; & afin que les livres n'en fuffent point diftraits, les fouverains pontifes avoient excommunié tous ceux qui en transporteroient. C'est pourquoy le cardinal d'Amboise legat du faint Siege, ayant befoin des commentaires de faint Hilaire fur les pfeaumes, fe fervit de toute fon autorité pour les avoir, encore fallut-il abfoudre les chanoines des cenfures, qu'ils pourroient avoir encourues pour les luy avoir prétez. C'est ce que nous apprenons de la lettre fuivante de ce cardinal, que j'ay copiée fur l'original.

GEORGIUS de Ambafia, tituli fanéti Sixti presbyter cardinalis Rothomagenfis, apoftolica fedis legatus, venerabilibus patribus canonicis & capitulo facræ capella faniti Salvatoris Biturigenfis amicis cariffimis falutem.

*

Acceperamus in veftra facræ capelle bibliotheca effe vetuftum codicem Hilarii Piltavenfis fuper pfalmos, & cum ftudiis litterarum, præfertim earum quæ ad religionem noftram pertinent, quantum infirmitas noftri ingenii concedit, maximè deleftemur, expetivimus à paternitatibus veftris eum librum commodo paucorum dierum, cujus copiam nobis humaniter exhibuiftis, ut videremus, quamquam bullam pontificis prætendiftis, qua libri ex ipfa bibliotheca exportari fub excommunicationis pœna vetantur. Quare librum legimus magna cum voluntate: ita ut eum tranfcribendum eße ftatuamus: unde fit ut paucos menfes apud nos cum tenere,do. nec tranfcribatur, intendamus, ea voluntate, ut integrum paternitatibus veftris reftituamus. Abfolvimus itaque vos ab omnibus cenfuris & pœnis, quæ vobis ob exportationem libri poffent quomodolibet irrogari, & abfolutos fore decernimus auctoritate qua Fungimur & pollemus, dilte bullæ & aliis quibufcumque contrariis derogantes. Datum Biturigis die 111 Martii мM. DVII. GEORGIUS cardinalis Rothomagenfis legatus.

Ces bulles n'ont point empêché ces manufcrits d'être difperfez dans la fuite. 11 en refte pourtant encore environ cinquante ou foixante, que j'eus la curiofité de voir.Monfieur le procureur du chapitre me fit ouvrir le lieu

où ils étoient confervez. Je les trouvai dans un état pitoyable, parce que le receveur du chapitre, à qui on avoit confié la clef de ce lieu, en avoit fait un poullalier; & que comme ils étoient ouverts fur des pupitres, les poules les avoient couverts d'ordures. Lorfque je commençois à les manier, Monfieur l'abbé Defofiers, à qui il appartient d'en avoir foin, me vint trouver; il ne fut pas moins chagrin que moy de les trouver en cet état, & fit à l'heure même netoyer le lieu & les livres, & me promit de faire relier ceux qui en auroient befoin. L'un des plus curieux manufcrits de la fainte Chapelle, eft celui qu'on appelle les heures du duc Jean. C'est un pfeautier latin avec une verfion angloife de fix ou fept cens ans. Ceux qui me la montrerent, croyoient que c'étoit de l'allemand ou de l'hebreu. Mais fi-tôt que je l'eus vû, je connus le caractere Anglo-faxon. J'en fus encore plus convaincu, lorfqu'examinant les litanies qui font à la fin, je trouvai que la plupart des Saints étoient d'Angleterre. Ce livre eft confervé dans le chartrier.

La fainte Chapelle doit fon origine à Jean premier duc de Berry, qui la fonda l'an mil quatre cens cinq pour douze chanoines, douze vicaires, douze chapelains & fix enfans de chœur, un chantre & un treforier qui eft la premiere dignité du chapitre ; & afin qu'ils euffent de quoy vivre honorablement, outre le fonds qu'il leur donna, il y unit tous les revenus de l'abbaye de faint Hyppolite, & du chapitre de faint Ouftril ou faint Auftregefile du château, & de quelques prieurez, qu'il fupprima. Il voulut qu'elle fût exempte de la jurifdiction des archevêques de Bourges, & qu'elle fût immediate au faint Siege. Ce prince ayant fupprimé en faveur de fa fainte Chapelle le chapitre de faint Ouftrille du château, qui étoit confiderable, il le refonda une feconde fois à la priere d'un de fes officiers qui en eftoit chanoine, pour dix ou douze chanoines & un doyen qu'il foumit à la jurisdiction du treforier de la fainte Chapelle, & à qui il donna la collation des canonicats.

L'églife de faint Ouftril étoit originairement une abbaye fameufe, dont quelques uns prétendent que Marculfe auteur des formules a été abbé. Plufieurs archevêques de Bourges l'ont choifie pour le lieu de leur fepulture. Depuis ayant été détruite fous Eudes comte d'Aquitaine, elle fut rebâtie, & donnée à des chanoines feculiers. Le cardinal

Boifratier archevêque de Bourges en avoit été chanoine. Proche de cette églife font deux chapelles anciennes, dans l'une defquelles je lus cette infcription, qui a environ 300 ans, fur la table facrée de l'autel: A l'honneur & loüange de Dieu, de la glorieufe Vierge Marie, de Monfeigneur faint Auftrille, & de la cour celeste, Jean Blanchart Sergent du roy notre Sire, a laifié ceans trente fols tournois de rente, fituée fur la maifon de Pierre de Ville-neufve, étant entre la maison Chastelfort &la maifon Colas Doucet, pour lesquels trente fols les feigneurs de ceans feront tenus tous les ans de dire deux anniversaires pour l'ame dudit Blanchart & de Jacquette fa femme. Voila un fergent qui avoit grande envie que fa fondation fût assûrée, ou qui avoit une grande devotion, qui le porta à la faire graver fur l'autel.

L'églife de faint Urfin étoit en fon origine une abbaye, qui avoit faint Symphorien martyr pour patron, & qui prit le nom de faint Urfin aprés que les reliques de ce faint évêque y eurent été transferées. Ayant été détruite, elle fut rebâtie & donnée à des chanoines, qui la poffedent encore aujourd'hui. L'entrée en paroît fort ancienne; & la grande croix qui eft au portail avec un agneau en eft une preuve. Monfieur Alabat qui en eft prieur, m'en fit voir toutes les curiofitez; les corps de faint Urfin & de faint Sulpice Severe, qui s'y confervent derriere le grand autel, celui de faint Guinefort abbé, qui étoit autrefois dans un autel creux, & que l'on a transferé ailleurs, le chef de faint Urfin dans un beau bufte, & une relique de faint Symphorien. Il m'assûra qu'ils poffedoient encore autrefois les reliques de faint Raoul, de faint Juft, & de faint Arcade archevêques de Bourges dont on attribuë la perte aux Huguenots. J'en trouvai effe&tivement des preuves dans le chartrier, qu'il me fit ouvrir avec beaucoup de bonté. Il me communiqua auffi deux beaux cartulaires, & me fit voir des anciennes legendes manufcrites affez belles. Je trouvai dans l'une la vie de faint Antoine de Padouë, écrite de temps du ce Saint; mais fans ces miracles prodigieux qu'on lui attribuë; & cependant on dit que c'eft à Bourges même, que le Saint fit adorer le faint Sacrement par un mulet, & on montre dans un cimetiere une chapelle de faint Antoine, bâtie dans l'endroit où l'on prétend que le miracle fe fit, pour en conferver la me. moire. J'y trouvai auffi une vie de faint Fulgence évêque de

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