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Rufpe en Afrique, avec une histoire de fa tranflation à Bourges mais cette hiftoire ne me parut pas affez folide pour allurer un fait de cette confequence, & les anachronismes qu'elle contient, la rendent entierement fufpecte. Comme je fçavois qu'il y avoit à Bourges une églife de faint Fulgence, j'eus la curiofité de la voir. Monfieur Alabat prit la peine de m'y mener, & fe faifoit un fingulier plaifir de m'obliger. C'est un prieuré-cure qui dépend de l'abbaye de Plein-pied. Lorfque nous y arrivâmes, nous trouvâmes le curé malade, il nous fit toutefois entrer. Je luy demandai à quel Saint fon églife étoit dédiée, & quel jour il en faifoit la fête. Il me répondit que fon église étoit dédiée à faint Fulgence évêque de Rulpe, & qu'il en faifoit la fête le 6 may. Je le priai de me dire quelle raison il avoit d'en faire ce jour-là, dautant que le jour de fa mort étoit le premier de janvier; & il me répondit qu'il n'avoit point d'autre raifon, finon parce qu'on en faifoit memoire ce jour-là dans le breviaire de Bourges. Je luy demandai encore s'il en avoit des reliques, & il me dit qu'il les avoit toutes entieres. On nous montra effectivement dans l'église de la cure une châsse de bois doré, dans laquelle il y a un corps, qu'on dit être de faint Fulgence. Je crains fort que ce ne foit quelque Saint du pays, dont on ignore les actions, & à qui on aura attribué celles de l'évêque de Rufpe, dont on avoit une vie parfaitement belle. Derriere l'église de la paroiffe eft. l'ancienne églife de faint Fulgence, petite & étroite, mais voutée, dont les fenêtres font fort longues. Elle paroît ancienne. On en a détruit l'autel il y a quelques années, & de la table facrée, on a fait le pavé de la paroiffe, dans l'endroit où l'on marche le plus.

Toutes les églifes collegiales de Bourges, excepté la sainte Chapelle, étoient dans leur origine des abbayes d'hommes ou de filles. Celle de Notre-Dame de Sales reconnoît fainte Bertoare pour fa patrone, on y montre fon tombeau fous un autel qui ne paroît pas fort ancien. On conferve dans cette églife la chafuble de faint Urfin premier évêque de Bourges, qui est toute ronde par le bas.

L'abbaye de faint Sulpice eft la plus illuftre du Berry. Elle doit fon origine à Sulpice le Debonnaire archevêque de Bourges, qui la fonda en l'honneur de faint Etienne premier martyr, & qui la choifit pour le lieu de fa fepulture. On

voit encore aujourd'hui fon fepulcre fous l'autel, qui lui eft confacré, & fes facrez offemens dans une fort belle châffe d'argent dans la facriftie, avec plufieurs autres reliques tresauthentiques. On prétend auffi y avoir du fang de faint Etienne premier martyr dans un coffre de vermeil doré, dont la clef étoit autrefois gardée par un feigneur du Berri, dont je n'ai pas retenu le nom. C'est à ce coffre ou à la châffe de faint Sulpice, qu'étoit autrefois attachée une tres-belle agathe, qui representoit Marc-Antoine & Cleopatre. Le Pere Menétrier Jefuite l'ayant vûë, fut tellement frappé de sa rareté, qu'il avoua qu'il étoit difficile de trouver rien en ce genre de plus beau; & étant retourné à Paris, il en parla au roy comme d'une piece qui meritoit d'avoir place dans fon cabinet, & pour achever de faire fa cour, il vint à faint Germain des Prez dire au R. P. General que le roy demandoit cette agathe. Il n'en fallut pas davantage, pour obliger les fuperieurs de la faire venir à Paris. Ils la firent prefenter au Roy, qui l'admira; mais comme il avoit de la religion, s'étant informé du religieux qui la lui avoit apportée, d'où elle avoit été prife, lui répondit, qu'elle avoit été tirée d'un reliquaire; alors il lui dit cette belle parole digne d'un Roy tres-chrétien: A Dieu ne plaife que je prenne ce que la pieté des fideles a confacré à fes Saints: mon Pere, remportez votre agathe. Je ne fçai comment les religieux de faint Sulpice avoient pû conferver ce trefor, & toutes leurs reliques de la fureur des heretiques; car ces impies ruinerent le monastere & principalement l'églife de fond en comble. On en rebâtit une autre fur les fondemens de l'ancienne, qui eft petite, mais affez jolie. La figure de la fainte Vierge qui eft à fon autel eft une piece achevée : tous les étrangers qui paffent à Bourges, viennent exprés pour la voir, & ne fe laffent point de l'admirer. Quelques uns n'eftiment gueres moins la figure de notre bienheureux Pere faint Benoit, qui eft à l'autel de ce Saint. Les chaires du chœur font affez belles, le travail eft délicat; & pour exciter la pieté & la ferveur des religieux, on a peint à chaque fiege un faint fondateur d'un ordre religieux.

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Durant le fejour que je fis à Bourges, je fus avec le ReveBeau-voir. rend Pere abbé de faint Sulpice à l'abbaye de Beau-voir, qui eft à deux ou trois lieuës de Bourges,affez prés du château de Meun, où Charles VII. mourut. Cette abbaye reconnoît

pour

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pour fondateur Robert de Courtenay, qui la bâtit & dota l'an 1234 pour des religieufes de l'ordre de Cîteaux. Elle est aujourd'hui gouvernée par madame de Chauvelin, qui étoit auparavant religieufe de l'ordre de Fontevrault, & qui en peut être confiderée comme la reftauratrice. Car lorsqu'elle fut nommée abbeffe, elle trouva le monaftere tout ruiné fans clôture, & prefque fans églife; (car la voute étoit à bas) chargé de vingt-trois mille livres de dettes manuelles, dépourvû de toutes les neceffitez de la vie, fans refsource pour les avoir, avec quatre ou cinq religieufes fans difcipline & fans regularité. Mais la pieufe abbeffe a fi bien travaillé depuis environ trente fix ans qu'elle fut pourvûë de l'abbaye, qu'elle l'a entierement rétablie, & pour le fpirituel & pour le temporel. Elle a payé les dettes, rétabli les lieux reguliers, refait la voute de l'églife, enfermé l'enclos d'une bon ne muraille, & rétabli la regularité dans le monaftere. Il y a aujourd'hui vingt deux religieufes, qui s'eftiment heureufes d'être gouvernées par une fi bonne abbeffe. Elle nous fit voir les reliques de fon monaftere, dont les plus confiderables font une mâchoire de faint Laurent, un os de faint André, un de faint Gaucher premier abbé de Quincy, & un couteau de faint Louis roy de France. Elle nous fit voir auffi fes titres avec beaucoup de bonté. J'y trouvai la lettre fuivante de l'abbé de Cîteaux à Petronille dame de Meun & de Sully.

Nobiliffima in Chrifto fibi plurimum dilecte Petronille de Magduno & de Soliaco Domina frater B. dictus abbas Cifter. sii falutem & dilectionem.

Noverit dilectio veftra præfentium litterarum tenore, quod nos petitionem veftram in veftris litteris contentam, videlicet quod moniales de Bello-vifu Bituricenfis diœcefis, quæ funt filiæ noftræ immediate, poffint lectiones legere & hiftoriam cantare, quæ in ecclefia Bituricenfi cantatur, de fanéto Guillelmo noftri ordinis monacho, & ejufdem ecclefiæ Bituricenfis antiftite fanctissimo, in civitate eadem & in provincia illa nominatissimo, vobis concedimus, & abbatiffa domus ejufdem ac monialibus fignificamus, quod de confilio vifitatoris quem ibi pofuimus, vel aliorum de ordine noftro abbatum, de legenda & hiftoria ordinata fecundum or dinis inftituta fibi faciant provideri. Datum apud Ciftercium tempore capituli generalis, anno Domini M. CC. LV.

Il me reste à parler du monaftere des Annonciades de Bour

I. Part.

E

par

ges. C'est un illuftre monument de la pieté de la bienheu. reufe Jeanne de France, fille de Louis XI. & femme de Louis XII. Son mariage ayant été déclaré nul, parce que le roy, qui l'avoit épousée étant duc d'Orleans, ne l'avoit fait que force & malgré luy, cette fainte princeffe regarda sa separation, non comme une difgrace, mais comme un moyen que Dieu luy fourniffoit de s'unir plus intimement à luy. Infpirée de Dieu de fonder dans l'églife un nouvel ordre, qui fit profeffion d'imiter les dix principales vertus de la fainte Vierge; de l'avis de fon confeffeur, qui étoit le R. P. Gilbert Nicolas, appellé enfuite Gabriel Maria, de l'ordre de faint François, elle fit venir de la ville de Tours dix jeunes demoifelles, qu'elle éleva dans fon palais dans les exercices de la vie religieufe, & aprés les avoir fuffisamment éprouvées, elle båtit & dota un monaftere, & leur donna une regle compofée par le pere Gabriel Maria, & approuvée par le faint Siege. La fuperieure & madame Chamillard maitreffe des novices me firent voir la bulle du pape Alexandre VI. par laquelle il approuve l'ordre & la regle des Annonciades l'an 150r, celle de Jule II. de l'an 1506 & celle de Leon X. de l'an 1517, par lefquelles ils confirment le contenu dans la bulle d'Alexandre VI. & accordent plufieurs privileges au nouvel ordre, auquel ils donnent pour protec teur l'abbé de faint Sulpice. Elles me firent voir le portrait de la bienheureuse Jeanne tirée au naturel aprés fa mort, fa haire, fa difcipline, & cinq petits cloux d'argent qu'elle portoit fur fon cœur, fes pantoufles & fon habit de noces, qui a été changé en une tres-belle chafuble d'un drap d'or tres-riche. Elles me firent voir auffi fa vie écrite par une de fes religieufes, appellée, fi je ne me trompe, fœur Françoise Guiard, & approuvée par toutes celles qui l'avoient connuë. La lecture que j'en fis m'édifia beaucoup, & me fit voir que ce n'étoit pas fans raifon que dés l'an 1625 on avoit voulut proceder à fa canonization. Je vis une lettre originale du cardinal Barberin écrite à la fuperieure des Annonciades, par laquelle il kay promettoit de s'y employer. Ce fut appa remment pour cela & en ce temps- là que monfieur Fremiot archevêque de Bourges fit des informations de fa vie & de fes miracles, & qu'en mil fix cens trente deux messieurs de la ville écrivirent au pape pour luy demander la canonization de la bienheureufe reine. Cette affaire s'étant ral

lentie, le roy écrivit au pape Innocent XII. la lettre qui fuit:

Tres faint Pere, nous nous trouvons d'autant plus portez à joindre nos inftances aux humbles fupplications, qui font faites à votre fainteté par les religieufes de l'Annonciade de notre ville de Bourges & des autres monafteres dudit ordre pour la beatification de Jeanne de Valois leur fondatrice, qu'elle a été fœur & femme des rois nas predeceffeurs. Les vertus & les diverfes actions de fa pieté autorifées de plufieurs miracles, font fi connues & fi reverées, que lorfque votre fainteté s'en fera rendre compte, nous ne doutons point, qu'elle ne fe porte volontiers d'accorder, à la treshumble fupplication que nous luy en faifons, la beatification d'une princeffe, dont la vie a été remplie des graces, dont il a plu à Dieu d'enrichir fes Saints. C'est ce qui fera encore plus particulierement expliqué par les memoires & procedures authentiques qui en feront prefentées à votre fainteté, laquelle nous prions Dieu, tres-faint Pere, de conferver longues années au regime & gouvernement de fon églife. Ecrite à Versailles le 28 juillet 1699. Ainfi figné votre devot fils le roy de France & de Navarre LOUIS. Et plus bas, COLBERT.

Cette lettre fut accompagnée de la suivante addreffée au prince Monaco fon ambaffadeur extraordinaire à Rome.

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Mon coufin, ayant jugé à propos d'écrire au pape pour luy recommander la beatification de fœur Jeanne de Valois, fille de Louis XI. & fondatrice des religieufes Annonciades de ma ville de Bourges ; je vous fais cette lettre, pour vous en donner avis & vous dire que mon intention eft, que vous falfiez les diligences neceffaires pour perfuader fa fainteté d'accorder aufdites religieufes cette beatification, qu'elles demandent depuis plufieurs an nées, la prefente n'étant à autre fin. Je prie Dieu qu'il vous ait, mon cher cousin, en fa fainte & digne garde. Ecrite à Verfailles le 28 juillet 1699. Ainfi figné LOUIS. Et plus bas,

COLBERT.

Mais la mort du prince Monaco & celle du pape, qui ne furvéquit pas long-temps, ont rendu ces lettres inutiles. Cela n'empêche pas le peuple de l'invoquer comme une Sainte, & dans toute la ville de Bourges on ne l'appelle pas autrement que fainte Jeanne, & le jour de fa mort qui eft le 4 fevrier, on fait fon panegyrique dans fon églife. On voit devant le choeur des religieufes fon tombeau, qui est fort frequenté, nonobftant la rage des heretiques, qui

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