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étoient fort imparfaits; il en aida encore fes amis qui travailloient à fatisfaire les fçavans par de belles éditions. Aprés fa mort fes heritiers vendirent les manufcrits à mon. fieur Petau confeiller au parlement de Paris, & à monfieur Bonghard, qui ayant été envoyé en Allemagne par le roy Henri IV. porta à Strasbourg, où il avoit coûtume de faire fa refidence, fa part des manuscrits. Après la mort le prince Palatin les acheta, & les tranfporta dans fa bibliotheque d'Heidelberg; mais le Duc de Baviere ayant pris l'an 1622 cette ville, il s'empara de la bibliotheque, & en fit present au pape Gregoire XV. qui la mit au Vatican. Quant à la part de monfieur Petau, fes heritiers qui aimoient mieux de l'argent que du parchemin, la vendirent à la Reine Chriftine de Suede, qui la porta à Rome, & qui en mourant la legua au pape; & de la forte toute la bibliotheque de faint Benoist a été incorporée dans celle du Vatican.

Pierre Daniel ne pilla pourtant pas tellement la bibliotheque de faint Benoit, qu'il n'échapât plufieurs volumes à fa cupidité. Car outre plufieurs manufcrits qui ont déja fervi aux nouvelles éditions des Peres, aufquelles nos confreres ont travaillé, nous y trouvâmes un fort ancien manuf crit de la Concorde des Regles de faint Benoist d'Aniane, fuivie d'un recueil des ouvrages des Peres, qui a pour titre Liber de diverfis voluminibus Patrum excerptus. C'eft fans doute ee recueil des ouvrages des faints Peres, que faint Benoist d'Aniane avoit joint à fa Concorde, pour le faire lire à fes religieux dans les affemblées du foir, que le Pere Menard affûre être à Fleury, & que le P. Mabillon n'y avoit pû trouver. Il eft compofé des extraits tirez des livres de faint Ambroise fur l'Exameron, de faint Jerôme contre Jo. vinien, de l'homelie de faint Gregoire fur la concupifcence de la bouche, des fentences de faint Ifidore, de Bede fur faint Luc, de faint Cefaire, de faint Profper, de faint Nil, des Proverbes de l'évêque Evagre pour les moines, des conferences de Caffien avec les abbez Serapion, Moyse, Isaac & Theonas, d'un fermon de faint Auguftin fur la Circoncifion, de fon ouvrage de la vie & des mœurs des clercs, de la vie de faint Antoine, de la vie de faint Fulgence, d'un ouvrage de faint Chryfoftome, d'une homelie de faint Gregoire, des inftituts de Caffien, des œuvres de faint Ephrem,

de la conference avec l'abbé Paphnuce, de quelques fentences tirées de faint Jerôme, des fermons de faint Cefaire & des morales de faint Gregoire. Comme le livre est déchiré à la fin, il pouvoit y avoir encore d'autres extraits tirez des Peres de l'Eglife, que ce grand Saint avoit choifis, comme plus propres à entretenir la pieté parmi fes religieux.

Nous y trouvâmes auffi un autre manufcrit ancien de fept ou huit cens ans, qui contient la vie de faint Gregoire, & un autre ouvrage qui a pour titre, Liber fancti ac beatissimi Benedicti patris monachorum. Je me contentai de prendre les titres des chapitres, que je veux rapporter icy.

Incipiunt capitula.

Quæ funt virtutes bonorum operum.

I. De Humilitate.

II. De Timore Dei,

III. De Pænitentia.

IV. De Derelinquentibus fæculum.

V. De Oratione & compunctione.

VI. De filentio & verba otiofa non loquendo.
VII. De dilectione Dei & proximi.

VIII. De continentia virginitatis mentis & corporis.
IX. De vana gloria & laude humana non quærenda.
X. De patientia tentationis & martyrii.

Cet ouvrage n'eft point affûrément de notre bienheureux Pere faint Benoift; mais il pourroit bien être de faint Benoist d'Aniane, qu'on peut regarder, fur tout en France,comme le fecond fondateur de notre ordre, & le pere d'une infinité de moines: auffi les anciens luy donnent-ils le glorieux nom de Benedictus fecundus.

Je pourrois ajouter à cela des manufcrits de Juvencus, Sedulius, Arator, de l'hiftoire ecclefiaftique d'Eufebe, de Bocce de la confolation de la philofophie & contre Eutiches, Alvarus fur faint Mathieu, & l'expofition d'Aimoin moine de Fleuri fur l'Apocalypfe, écrite du temps de l'auteur, & peut être de fa propre main, & un ancien Sacramentaire d'environ 900 ans, à la tête duquel on lit ces mots: Sacramentorum liber, quem..... fanéto Benedicto ob fui memoriam à tranfmarinis partibus mifit, imprecans cum juramento maledictionis, ut fi quis eum de monafterio aliquo inge

Ferrieres,

ChâteauLandon,

nio non redditurus abftraxerit, cum Juda proditore, Anna, & Caipha, portionem æternæ damnationis accipiat. Amen, Amen. Fiat, Fiat.

Le monaftere de Ferrieres, où nous fumes ensuite, est fort ancien, on prétend qu'il eft bâti dans le lieu même où faint Savinien premier archevêque de Sens eut une vision le jour de Noël, dans laquelle tout le myftere de la naissance du Sauveur luy fut revelé fi clairement, qu'en revenant à luy, il s'écria: C'eft veritablement icy Bethleem, & que c'est pour cette raison qu'on l'appelloit Bethléem, comme il paroît par les lettres de Loup de Ferrieres. Les plus brillantes lumieres, qui ont éclairé cette illuftre maifon, font faint Aldric archevêque de Sens, Alcuin, Loup de Ferrieres, & dans les derniers fiecles Louis de Blanchefort, qui peut en être confideré comme le reftaurateur, puifqu'il en a rétabli les édifices, & qu'il l'a édifié luy-même par fes vertus, & par la fainteté de fa vie, dont l'odeur depuis prés de deux cens ans s'eft confervée jufqu'à prefent parmi le peuple. Il y a deux églifes, l'une defquelles eft encore appellée Bethleem, & une chapelle fort propre, & deux cloîtres. Pour ce qui eft du trefor, la relique la plus précieuse qu'on y conferve, eft le corps de faint Aldric archevêque de Sens; & la piece la plus curieuse, est un ancien ciboire d'yvoire, dans lequel on confervoit autrefois le S. Sacrement.

De Ferrieres nous fûmes à l'abbaye de Cercanceau, & delà à Château-Landon, où il y avoit autrefois un monastere de moines, qui devint illuftre par la poffeffion des reliques de faint Severin abbé d'Agaune, qui y mourut, en revenant de Paris, où il avoit été appellé par le roy Clovis, qu'il guerit d'une maladie.

Cette abbaye fut donnée dans le douzième fiecle aux chanoines reguliers, qui la poffedent encore aujourd'hui. Monfieur de la Grange qui en eft abbé regulier nous reçut parfaitement bien. Il nous donna le foir à foupé, & le lendemain fes religieux nous donnerent à dîné. Nous vîmes cependant le chartrier & la bibliotheque, dans laquelle il y a peu de manufcrits. Le principal contient les lettres de Rufbroch, l'un des plus fameux contemplatifs de fon temps, qui avoit mis autrefois la reforme dans la mai fon. Monfieur l'abbé s'offrit de nous les communiquer, fi nous voulions les imprimer; mais comme nous avons d'autres choses

qui preffent davantage, nous fumes obligez de le remercier de la grace qu'il vouloit nous faire.

L'abbaye de la Joye, qui eft fituée à la porte de Nemours, se presenta enfuite à nous, & de là nous fùmes à celle de Villiers, qui eft proche de la Ferté-Alez. Ces deux abbayes font de l'ordre de Cîteaux, qui eft redevable de la derniere à celui dé faint Dominique. Car Villiers dans fon principe, étoit une maifon qui appartenoit aux Jacobins de Paris de la rue S. Jacques ;mais comme ces religieux dans un de leurs premiers chapitres generaux refolurent de vivre dans une extrême pauvreté & fans revenus,ils cederent ce lieu & tout ce qui en dépendoit à l'ordre de Cîteaux, qui y bâ. tit un monastere de filles. Madame Cordier du Tronc, niece de monfieur Bontemps, qui en eft abbeffe, nous y reçut avec une bonté qui ne fe peut exprimer. Non feulement elle nous communiqua tout ce qu'elle avoit, mais elle nous mena elle même dans fon monaftere, pour nous y faire voir tout ce qui pouvoit contribuer à notre fatisfaction. Nous Y demeurâmes un jour entier, & de là nous allâmes à Paris.

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Villiers.

Le Lys &

Aprés avoir fejourné quelques jours à Paris, nous allâmes à Melun, où nous vifitâmes les abbayes du Lys & du Jard, le Jard. qui en font affez proches. L'abbaye du Lys reconnoît pour fondatrice la Reine Blanche. Les titres du monaftere donnent auffi cette qualité à faint Louis fon fils, qui quelquefois le nomme feul fondateur quelquefois conjointement avec fa mere, & il y a bien de l'apparence que l'un & l'autre ont également contribué à l'établissement de cette maifon. Quoyqu'il en foit, elle est belle & fe reffent de fa fondation royale. On y conferve fous l'autel le cœur de la Reine Blanche, qui voulut être enterrée à Maubuiffon; le cilice de faint Louis qui eft tres rude, un os du bras & quelques-uns des doigts de ce faint Roy, dont Philippe le Hardi fon fils fit prefent au monaftere. Cette abbaye ayant perdu le premier efprit de fon ordre, madame de la Trimoüille, qui en fut abbeffe, en fit une maison de benediction par le foin qu'elle eut d'y établit avec la reforme. Pour mieux réüffir dans ce deffein, elle fe retira quelque temps chez les meres Carmelites de Paris, & prit d'elles l'efprit de retraite, d'oraifon, de penitence, & même leur habit, que les religieufes neanmoins ont quitté depuis, pour reprendre celui

Barbeau.

de Cîteaux, quoyqu'elles fe foient fouftraites à l'ordre pour fe foumettre à l'ordinaire.

Elles nous montrerent le Soleil où l'on expofe le faint Sacrement, qui eft d'un prix ineftimable. C'eft un monument de la pieté d'une fainte abbeffe, qui ayant ramassé pendant plus de vingt ans tout ce qu'elle avoit pú d'argenterie & de pierreries des filles de qualité qu'elle avoit reçuës à profeffion, fit un facrifice à Dieu de ce qui avoit fervi à la vanité du monde. La reine mere qui fut avertie de fon deffein, luy envoya cent diamans pour enrichir le Soleil, mais. on dit que le porteur en déroba quarante. Ce qu'il donna toutefois eft fi riche & fi précieux, qu'on ne s'apperçoit pas du vol. La façon de l'ouvrage eft encore plus eftimée; car on nous affura, que chaque rayon du Soleil avoit coûté cinq cens livres de façon. Pour ce qui eft du vaiffeau, fa base, qui est de vermeil doré, a la forme d'un autel, für lequel s'éleve une coupe d'or de la hauteur & façon d'un petit calice, duquel fort un Soleil d'or garni de perles & de diamans.

L'abbaye du Jard de l'ordre de faint Augustin eft possedée aujourd'hui par les chanoines reguliers de fainte Ġeneviéve, on voit dans leur églife plufieurs tombeaux des vicomtes de Melun, & devant l'autel celui de Jean de Melun évêque de Poitiers.

L'abbaye de Barbeau qui n'eft qu'à trois lieuës de Melun, fut la premiere que nous vifitâmes enfuite. Elle eft de fondation royale, & doit fon origine à Louis le Jeune, qui y eft enterré devant le grand autel. On y voit fon tombeau un peu élevé, que monfieur le cardinal de Fuftemberg, qui en étoit abbé, a fait raccommoder. Il y a fait graver cette infcription: Piissimo regi Francorum Ludovico VII. hic fepulto XIX. Septembris MCLXXX, mausoleum quondam magnificum erexit Adela regina ejus uxor, quod vetuftate collapfum inftauravit, pretiofas ejus reliquias colligendo, Eminentiffimus, Reverendiffimus& Celfiffimus Princeps Guillelmus Ego Landgravius à Fuftemberg, S. R. E. cardinalis, epifcopus & princeps Argentinenfis, hujus regii monafterii abbas anno M. DCXCV. On voit encore dans l'église du côté de l'évangile trois autres tombeaux élevez, dont un feul a cette infcription: Anno M. CCXXI. fepultus eft in hoc loco piæ memoriæ Guillelmus quondam Meldenfis epifcopus, cujus anniverfarium agitur XIV. feptembris.

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