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EGARDONS du côté de la ville, et à mesure que je découvrirai des sujets dignes d'être mis au nombre de ceux qui sont ici, je vous en dirai le caractère. J'en vois déjà un que je ne veux pas laisser échapper : c'est un nouveau marié. Il y a huit jours que, sur le rapport qu'on lui fit des coquetteries d'une aventurière qu'il aimait, il alla chez elle plein de fureur, brisa une partie de ses meubles, jeta les autres par les fenêtres, et le lendemain il l'épousa. Un homme de la sorte, dit

Zambullo, mérite assurément la place vacante dans cette maison.

Il a un voisin, reprit le boiteux, que je ne trouve pas plus sage que lui: c'est un garçon de quarante-cinq ans, qui a de quoi vivre, et qui veut se mettre au service d'un grand. J'aperçois la veuve d'un jurisconsulte; la bonne dame a douze lustres accomplis : son mari vient de mourir ; elle veut se retirer dans un couvent, afin, dit-elle, que sa réputation soit à l'abri de la médisance.

Je découvre aussi deux pucelles, ou, pour mieux dire, deux filles de cinquante ans : elles font des voeux au ciel pour qu'il ait la bonté d'appeler leur père, qui les tient enfermées comme des mineures; elles espèrent qu'après sa mort elles trouveront de jolis hommes qui les épouseront par inclination. Pourquoi non? dit l'écolier; il y a des hommes d'un goût si bizarre ! J'en demeure d'accord, répondit Asmodée: elles peuvent trouver des épouseurs ; mais elles ne doivent pas s'en flatter: c'est en cela que consiste leur folie.

Il n'y a point de pays où les femmes se rendent justice sur leur âge. Il y a un mois qu'à Paris une fille de quarantehuit ans et une femme de soixante-neuf allèrent en témoignage chez un commissaire pour une veuve de leurs amies dont on attaquait la vertu. Le commissaire interrogea d'abord la femme mariée, et lui demanda son âge : quoiqu'elle eût son extrait baptistaire écrit sur son front, elle ne laissa pas de dire hardiment qu'elle n'avait que quarante ans. Après qu'il l'eut interrogée, il s'adressa à la fille : Et vous, mademoiselle, lui dit-il, quel âge avez-vous? Passons aux autres questions, monsieur le commissaire, lui réponditelle; on ne doit point nous demander cela. Vous n'y pensez pas, reprit-il; ignorez-vous qu'en justice..... Oh! il n'y a pas de justice qui tienne, interrompit brusquement la fille; eh !

qu'importe à la justice de savoir l'âge que j'ai? Ce ne sont pas ses affaires. Mais je ne puis recevoir, dit-il, votre déposition, si votre âge n'y est pas; c'est une circonstance requise. Si cela est absolument nécessaire, répliqua-t-elle, regardez-moi donc avec attention, et mettez mon âge en conscience.

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Le commissaire la considéra, et fut assez poli pour ne marquer que vingt-huit ans. Il lui demanda ensuite si elle connaissait la veuve depuis longtemps. Avant son mariage, répondit-elle. J'ai donc mal coté votre àge, reprit-il, car

je ne vous ai donné que vingt-huit ans, et il y en a vingtneuf que la veuve est mariée. Hé bien! s'écria la fille, écrivez donc que j'en ai trente : j'ai pu à un an connaître la veuve. Cela ne serait pas régulier, répliqua-t-il; ajoutonsen une douzaine. Non pas, s'il vous plaît! dit-elle; tout ce que je puis faire pour contenter la justice, c'est d'y mettre encore une année; mais je n'y mettrais pas un mois avec, quand il s'agirait de mon honneur.

Lorsque les deux déposantes furent sorties de chez le comunissaire, la femme dit à la fille: Admirez, je vous prie, ce nigaud, qui nous croit assez sottes pour lui aller dire notre âge au juste; c'est bien assez vraiment qu'il soit marqué sur les registres de nos paroisses, sans qu'il l'écrive encore sur ses papiers, afin que tout le monde en soit instruit. Ne serait-il pas bien gracieux pour nous d'entendre lire en plein barreau : « Madame Richard, âgée de soixante << et tant d'années, et mademoiselle Perinelle, âgée de qua<< rante-cinq ans, déposent telles et telles choses? >> Pour moi, je me moque de cela j'ai supprimé vingt années, à bon compte; vous avez fort bien fait d'en user de même.

Qu'appelez-vous de même? répondit la fille d'un ton brusque; je suis votre servante je n'ai tout au plus que trente-cinq ans. Hé! ma petite, répliqua l'autre d'un air malin, à qui le dites-vous? je vous ai vue naître; je parle de longtemps; je me souviens d'avoir vu votre père lorsqu'il mourut il n'était pas jeune, et il y a près de quarante ans qu'il est mort. Oh! mon père, mon père, interrompit avec précipitation la fille, irritée de la franchise de la femme; quand mon père épousa ma mère, il était si vieux, qu'il ne pouvait plus faire d'enfants.

Je remarque dans une maison, poursuivit l'esprit, deux hommes qui ne sont pas trop raisonnables: l'un est un enfant de famille, qui ne saurait garder d'argent, ni s'en

passer; il a trouvé un bon moyen d'en avoir toujours. Quand il est en fonds, il achète des livres, et dès qu'il est à sec, il s'en défait pour la moitié de ce qu'ils lui ont coûté. L'autre est un peintre étranger qui fait des portraits de femmes ; il est habile il dessine correctement, il peint à merveille, et attrape la ressemblance; mais il ne flatte point, et il s'imagine qu'il aura la presse. Inter stultos referatur.

Comment donc, dit l'écolier, vous parlez latin! cela doit il vous étonner? répondit le Diable. Je parle parfaitement toutes sortes de langues : je sais l'hébreu, le turc, l'arabe et le grec; cependant je n'en ai pas l'esprit plus orgueilleux ni plus pédantesque : j'ai cet avantage sur vos érudits.

Voyez, dans ce grand hôtel, à main gauche, une dame malade, qu'entourent plusieurs femmes qui la veillent : c'est la veuve d'un riche et fameux architecte, une femme entêtée de noblesse. Elle vient de faire son testament : elle a des biens immenses, qu'elle donne à des personnes de la première qualité, qui ne la connaissent seulement pas; elle leur fait des legs à cause de leurs grands noms. On lui a demandé si elle ne voulait rien laisser à un certain homme qui lui a rendu des services considérables. Hélas! non, at-elle répondu d'un air triste, j'en suis fâchée : je ne suis point assez ingrate pour refuser d'avouer que je lui ai beaucoup d'obligation; mais il est roturier, son nom déshonorerait mon testament.

Seigneur Asmodée, interrompit Leandro, apprenez-moi, de grâce, si ce vieillard que je vois occupé à lire dans un cabinet ne serait point par hasard un homme à mériter d'être ici. Il le mériterait sans doute, répondit le Démon:

personnage est un vieux licencié qui lit une épreuve d'un livre qu'il a sous la presse. C'est apparemment quelque ouvrage de morale ou de théologie? dit don Cleophas. Non, repartit le boiteux; ce sont des poésies gaillardes, qu'il a

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