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peut néanmoins ui communiquer son pouvoir pour exercer quelques fonctions particulières. La raison est que l'on doit présumer que celui qui l'a commis consent tacitement qu'il fasse faire par un autre ce qu'il ne peut pas faire en personne. C'est ainsi que raisonne saint Thomas, ibid., art. 31, cù il dit: Ille qui constituitur vicarius non potest totam suam potestatem committere, sed potest partem; quia intentio committentis est ut exsequatur secundum quod potest ille, cui committit et forte non potest totum facere quod sibi committitur, et ideo potest aliquid alteri committere. Ainsi, dans l'espèce proposée, Léonard a pu licitement et validement commettre au prêtre, son parent, les fonctions particulières qu'il ne se trouvait pas en état de faire, à cause de son infirmité ou de quelque autre empêchement; mais il n'a pu le commettre validement pour le total de ses fonctions, sans le consentement et l'approbation du curé de Saint-Amand, ou de l'évêque diocésain.

-CAS III. Paul, vicaire de Siméon, ayant un ami à voir à deux lieues de sa paroisse, a chargé un prêtre voisin de faire un mariage. Ce mariage fait par un étranger est-il valide?

R. Si ce mariage s'est fait dans une autre paroisse que celle où Paul est vicaire, par exemple, dans la paroisse de ce prêtre étranger, il est nul, parce qu'un vicaire n'a la juridiction de son curé que dans la paroisse où il est vicaire. Fagnan, sur le chap. quod nobis, de clandest. Desponsat.; dit que cela a été ainsi résolu par la congrégation du Concile.

Mais si le mariage a été célébré dans la propre paroisse où Paul est vicaire, on doit le juger valable, parce que, quoique un délégué pour une cause particulière ne puisse subdéléguer, selon la maxime: Delegatus delegare non potest, cependant un délégué ad universitatem causarum, c'est-à-dire pour la totalité des affaires qui sont du ressort essentiel de son commettant, peut subdéléguer, non pour la même totalité, mais pour quelque partie des affaires qui lui ont été commises, parce qu'en ce point il est comme ordinaire. Or les vicaires sont pour l'ordinaire délégués généralement et sans aucune exception pour toutes les fonctions curiales. C'est le sentiment de Barbosa in cap. 1, sess. 14, conc. Trid., de Sanchez, de Ponce son antagoniste, etc. Pour ôter tout doute, un curé n'a qu'à donner à son vicaire le pouvoir de commettre d'autres prêtres à sa place. Voyez

les Confér. d'Angers sur le mariage, tom. I, p. 411, édit. d'Angers de 1741.

- CAS IV. Raimond et Anselme, l'un desservant de la paroisse de Saint-Séverin, l'autre vicaire de la paroisse de Saint-Jean, ont reçu, chacun de son côté, le testament d'un homme prêt à mourir. Ces deux testaments ne sont-ils pas valides?

R. « Les curés séculiers et réguliers pourront recevoir des testaments ou autres dispositions à cause de mort dans l'étendue de feurs paroisses, dans les lieux où les coutumes et les statuts les y autorisent expressément, etc. Ce qui sera pareillement permis aux prêtres séculiers préposés par l'évêque à la desserte des cures, sans que les vicaires ni aucunes autres personnes ecclésiastiques puissent recevoir des testaments ou autres dernières dispositions. N'entendons rien innover aux règlements et usages observés dans quelques hôpitaux, par rapport à ceux qui y peuvent recevo'r des testaments où autres dispositions à cause de mort. » Or. donnance concernant les testaments, donnée au mois d'août 1735, art. 23. Cet article paraît renverser la décision que l'auteur a donnée au mot TESTAMENT, cas XXVI. - CAS V. André, curé primitif d'une paroisse, voyant que Marc, qui en est vicaira perpétuel, ne demandait point de secondaire contre l'usage du lieu, y en a nommé un. Ne l'a-t-il pas pu?

R. Non. C'est au vicaire perpétuel, à qui il ne manque que le nom de curé, à deman der à l'évêque un vicaire; ou bien à l'évêque à lui en nommer un, quand cela est nécessaire pour le bien de la paroisse. Cela a été ainsi jugé contre les curés primitifs, comme on le voit dans les arrêts de Catelan, liv 1, ch. 10.

Il ne sera pas inutile d'ajouter que, quoique les évêques puissent, selon la déclaraton du 29 janvier 1686, établir dans une paroisse un ou plusieurs vicaires, selon qu'ils le jugent nécessaire; néanmoins, comme cet établissement intéresse les décimateurs, les habitants et même le curé, l'évêque ne doit pas y procéder sans appeier et entendre toutes ces parties. Il est même nécessaire qu'il paraisse de la réquisition. C'est dans ce sens que les arrêts ont souvent déclaré y avoir ou n'y avoir pas abus dang l'établissement des vicaires. Voyez les Mémoires du Clergé, tom. VII, pag. 148, ou MM. la Combe et Durand au mot Vicaires. Voyez COLLATION, DIMISSOIRE, EXCOMMU

NICATION.

VISA.

On donne .e nom de visa aux lettres par lesquelles l'ordinaire témoigne qu'il a vu les provisions de cour de Rome obtenues par un bénéficier, et qu'après l'examen qu'il a fait de sa capacité et de ses mœurs, il l'a trouvé capable de posséder et de desservir le bénéfice dont il a été pourvu; laquelle clause est tellement importante, que Mornac ne fait pas de difficulté de dire qu'il y a abus dans un visa accordé sur des provisions qu'on nomme in forma dignum, quand il ne marque pas que le pourvu a été examiné el jugé capable. La raison sur laquelle ce jurisconsulte se fonde est que les ordonnances de Blois et de Melun portent expressément qu'aucun visa ne sera accordé sans un examen préalable. C'est en effet ainsi que l'a jugé le parlement de Paris, le 1 décembre 1634 et le 14 janvier 1659. La Rochellavin rapporte un pareil arrêt plus ancien, qui est du 29 janvier 1606, par lequel

l'évêque de Rodez fut condamné à une amende de cent sous pour avoir omis ces termes, Examinato et idoneo reperto, dans un visa qu'il avait donné sur une provision en forme commissoire. Il y en a qui croient qu'il y aurait nullité si on ne mettait, Tibi præsenti examinato; mais ce sentiment est aujourd'hui rejeté. L'examen par interrogation n'est pas la seule voie qu'ait un évêque pour connaître la capacité d'un sujet.

Sans un tel visa un bénéficier ne peut prendre possession de son bénéfice sans se rendre coupable d'intrusion, et par conséquent sans rendre son bénéfice impétrable. Mais afin d'éviter tout sujet de plaintes, les évêques ou leurs grands vicaires, qui croient devoir en conscience refuser le visa à celui qui le demande, sont obligés de lui donner un acte de leur refus par écrit et d'y en exprimer la cause, ainsi qu'il est prescrit par les ordonnances de Blois, art. 12 et 13, et de Melun, art. 14 et 15. et enfin par l'édit du mois d'avril 1695, afin que celui qui est refusé puisse se pourvoir par-devant le supérieur ecclésiastique. Car, à l'égard des permissions que les juges séculiers accordent aux pourvus, de prendre possession pour la conservation de leurs droits, il est très-important de savoir que, selon l'art. 17 de la même ordonnance, une telle prise de possession, qu'on appelle civile, ne donne à celui qui l'obtient aucun droit d'exercer quelques fonctions spirituelles et ecclésiastiques que ce soit, jusqu'à ce qu'il ait obtenu un visa de son évêque, ou, en cas de refus, de son supérieur immédiat, auquel seul il appartient de le donner, suivant le règlement de l'assemblée du clergé des années 1635 et 16:6, confirmé par deux arrêts du conse 1 privé du 16 mars 1646 et 16 avril 1658, et Lar deux autres du 11 mars et 11 juillet 1670, rendus en faveur de plusieurs évêques; sur quoi voyez les Mémoires du Clergé, tom. II, part. 2, pag. 52, 61, etc. Quand un pourvu a été refusé par l'évêque, par le métropolitain, et enfin par le primat, il n'est plus reçu à se pourvoir sur ce tri, le refus. C'est la loi portée par la déclaration du mois de février 1657 et par celle du mois de mars 1666, art. 6. Il n'a pas non plus droit de se pourvoir par-devant les juges séculiers contre les refus d'un visa, ni les juges ne peuvent ordonner que leurs sentences ou arrêts tiendront lieu de provision ou de visa, ainsi qu'il leur a été étroitement défendu par un arrêt du conseil privé du 30 juillet 1630, qui casse un arrêt du parlement de Rouen qui avait été rendu au contraire contre l'évêque de Séez.

Il n'en est pas des collations royales comme des autres, car elles ne sont point sujettes au visa, à l'exception des dignités d'un chapitre, que le roi a conférées en régale.

A l'égard de ceux qui sont pourvus in forma gratiosa, il n'en est pas de même que de ceux qui le sont in forma dignum. Car l'attestation de vie, de mœurs et de doctrine donnée par l'évêque, et que le postulant envoie à Rome pour obtenir en conséquence une provision de cette nature, tient lieu de visa: de sorte que le pourvu peut prendre possession après l'avoir reçue, en observant néanmoins les formalités ordinaires, et principalement, après s'être présenté à l'évêque, lorsque le bénéfice dont il s'agit est une cure; ainsi que le prescrit l'édit concernant la juridiction ecclésiastique: ce qui a été ordonné avec grande raison, parce qu'on admettait à Rome les attestations données par l'évêque du domicile de celui qui les produisa t, et qu'il arrivait souvent que le pape était surpris en accordant des provisions en forme gracieuse à de mauvais sujets, qui en abusaient pour entrer dans des bénéfices cures, sans passer par aucun examen. C'est pour cette raison qu'aujourd'hui, par l'article 3 de l'édit de 1695, quelque provision gracieuse qu'on ait obtenue d'une cure, on est toujours absolument obligé à se présenter à l'examen de l'évêque dans le diocèse duquel le bénéfice est situé.

Il est bon d'ajouter que celui qui est pourvu d'un bénéfice peut le résigner, etiam possessione non accepta, et sans avoir obtenu de visa. La raison qu'en donne M. du Perrai est qu'un visa n'est pas de la substance de la grâce, non plus que la prise de possession, qui fait seulement partie de son exécution, et c'est pour cette raison qu'en cas de contestation sur un titre de bénéfice, on n'a jamais recours à la date du visa, mais seulement à celle des provisions qu'on en a obtenues.

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CAS I. Augustin, évêque, fâché de voir la cure de Saint-Jean résignée à Bertin, l'a examiné sur plusieurs questions de critique et sur plusieurs points très-difficiles de theologie spéculative, et il lui a refusé son visa, parce qu'il ne lui a pas bien répondu. Ce procédé est-il juste?

R. Non; il est sûr, 1° que, quand un sujet a un droit acquis à un bénéfice, en vertu d'une provision de Rome, d'une présentation de patron, de la nomination d'une université, etc., la concession du visa n'est pas un acte de grâce, mais de justice, et qu'ainsi l'évêque ne peut le refuser que pour de solides raisons; 2° que les questions de l'examen doivent être faites équitablement, sur des points qui ne soient pas réservés aux seuls savants et aux critiques. Sans cela il n'y a

point d'homme, quelque habile qu'il soit, qui ne puisse êle refusé par un homme moins habile que lui. Si je demandais à un jeune homme, qui vient d'étudier le Traité des Vertus cardinales, ce que c'est que Synesis, Eubulia et Gnome, il me le dirait fort bien. Si je le demandais à cinquante docteurs, une partie ne l'aurait jamais su, et l'autre l'aurait oublié. Ainsi il faut y aller cx æquo et bono. Si un mauvais sentiment contre la foi ou la saine morale dominait dans un lieu, quoique la matière fût difficile, un évêque pourrait et devrait en faire la matière de son examen. Il est important de savoir si un futur curé ne passera point tel contrat qui est usuraire, etc.

- CAS II. Lubin a pris possession de sa cure sans visa. Marius a pris possession de

la sienne sur le visa d'un grand vicaire, dont les pouvoirs étaient bornés. Quatre ans après ils ont été tous deux attaqués par des dévolutaires. Ne peuvent-ils pas se défendre par la possession triennale ?

R. Lubin ne le peut pas; parce qu'un curé; qui est sans visa, est un intrus, et que les intrus sont, aussi bien que les simoniaques volontaires, exceptés de la règle de pacificis possessoribus.

Il y a plus de difficulté pour le second cas, parce que le pourvu est de bonne foi, et qu'il doit juger qu'un grand vicaire qui lui donne le visa a commission et pouvoir de le donner. Cependant par arrêt du parlement de Paris, du 23 janvier 1703, un régaliste fut maintenu dans la chantrerie de la cathédrale d'Avranches, contre le sieur Auvray, qui en était en possession depuis douze ans, en vertu d'une signature de cour de Rome, pour cause de permutation, sur laquelle il avait obtenu un visa du grand vicaire de l'évêque d'Avranches, duquel les pouvoirs étaient limités.

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CAS III. Louis, à qui Marin a résigné sa cure, a été plus de deux ans sans deman.. der le visades provisions qu'il avait obtenues en cour de Rome. Est-il encore à temps pour l'oblenir?

R. Les dévolutaires n'ont qu'une année pour prendre le visa; mais les résignataires ou permutants ont trois ans pour le prendre, comme ils ont tro's ans pour prendre possession de leur bénéfice. Voyez M. Piales, Traité des vi a.

CAS IV. Aichard, acolyte, étant depuis trois mois dans le séminaire épiscopal, en a été chasse par l'ordre de l'évêque, qui ne l'a pas jugé propre pour l'état ecclésiastique. Trois mois après, le curé de Saint-Donat, au diocèse de ce même évêque, lui a résigné sa cure en cour de Rome. Ce nouveau pourvu s'étant présen é à l'évêque pour obtenir son visa, et l'évêque le lui ayant refusé, et ayant marqué dans son acte de refus qu'il n'était pas appelé aux saints ordres, à cause de sa vie mal régiée, dont il apporte des preuves légitimes, Aichard s'est pourvu au métropolitain qui le lui a accordé; en conséquence de quoi il a pr.s possession de la cure. On demande sur cela, 1° si l'évêque a pu sans injustice refuser le visa à Aichard, sans expriiner d'autres raisons de son refus; 2° si le métropolitain a pu sans péché lui accorder son visa; 3° si Aichard peut en conscience garder cette cure?

R. L'évêque a non-seulement pu sans injustice refuser le visa à Aichard, mais il y a même été obligé en conscience, puisqu'il l'avait chassé de son séminaire comme un sujet qu'il.a jugé, avec raison, n'être pas appelé de Dieu à l'état ecclésiastique. Car, étant indigne de ce saint état, il l'est encore beaucoup plus d'avoir le gouvernement de toute une paroisse. Il lui est donc inutile de prétendre se prévaloir des provisions qu'il a obtenues en cour de Romie, parce que le pape ne les accordant que in forma dignum, c'est-à-dire en forme commissoire, il char

ge par là la conscience de l'évêque qui les entérine par le visa qu'il accorde, si le pourvu est un sujet indigne du bénéfice, soit par son ignorance, soit var le dérèglement de

ses mœurs.

2. Le métropolitain n'a pu en conscience, accorder d'abord à Aichard le visa que son évêque lui avait refusé; car ayant reconnu par l'acte de refus qu'il était déréglé dans sa conduite, et par conséquent incapable d'être préposé à la conduite des autres, comme l'est un curé, il a dû juger que l'évêque connaissait beaucoup mieux son diocésain qu'il ne pouvait le connaître lui-même, et par conséquent que ce prélat ne se trompait pas dans le jugement qu'il en faisait.

Nous avons dit, accorder d'abord le visa. Car il devait commencer, ce semble, par déclarer à Aichard qu'il eût à se justifier auprès de son évêque, et que, faute de lui rapporter dans un temps limité des preuves suffisantes de son innocence, il ne lui accorderait point de visa. Ce qui est conforme à l'ordonnance de Blois, qui dit : « Et où lesdits impétrants seraient trouvés insuffisants el incapables, le supérieur auquel ils auront recours ne leur pourra pourvoir, sans précédente inquisition des causes de refus.»

3 II s'ensuit évidemment de là que Aichard ne peut en sûreté de conscience retenir la cure de Saint-Donat, dont il a maf à propos pris possession en vertu d'un tisa qui lui a été injustement accordé, et qu'il est tenu de s'en démettre incessamment : 1° parce qu'en ce qui regarde la juridiction volontaire, l'évêque a Dieu seul pour supérieur. Or, l'ordination et le refus d'ordonner sont purement de la juridiction volontaire de l'évéque. C'est la doctrine établie par les saints canons et autorisée par la jurisprudence de tous les parlements de France. C'est pourquoi quand un évêque refuse d'admet tre quelqu'un aux saints ordres, il lui suffit, qu'en conscience il le juge incapable d'être promu, et n'est pas tenu de rendre compte de ce refus à autre qu'à soi-même; ainsi que parle Févret en son Traité de l'abus, liv. 1, ch. 1, 8, 6; 2° parce qu'il n'y a aucun texte dans tout le corps du droit, qui permette à un métropolitain d'ordonner les sujets de ses suffragants, en cas que ceux-ci le refusent; 3° parce que la congrégation du Concile l'a ainsi décidé à la réquisition du cardinal. Antoine Barberin, à qui e le écrivit en ces termes: Cum nullus ordinari debeat, quem suus episcopus suæ ecclesiæ utilem, aut neces-. sarium non judicavit, congregatio non semel declaravit, ab ejusmodi judicio nullam dari appellationem.

CAS V. Cordulphe, prêtre, ayant obtenu un bénéfice cure, par une résignation qui lui en a été faite en cour de Rome, s'est présenté à l'évêque diocésain pour obtenir son visa, afin d'en prendre possession. L'évêque luiayant proposé sept ou huit questions sur la matière des sacrements, auxquelles il a trèsmal répondu, lui a donné un acte de refus, où il en a énoncé la cause. Cordulphe s'est

pourvu quelque temps après vers le métropolitan qui l'ayant trouvé suffisamment capable, lui a accordé son visa, en vertu duquel il a pris possession de la cure. Ce métropolitain a t-il pu lui accorder son visa?

R. Il ne suffit pas que l'ordinaire donne un acte de refus conçu en termes généraux seulement; car il est tenu, suivant l'art. 13 de l'ordonnance de Blois, d'exprimer les causes de refus dans l'acte qu'il en donne : Lesquelles causes de refus à cette fin, les ordinaires seront tenus d'exprimer et insérer aux actes de leur refus. Ce n'est pas même assez de les exprimer en termes généraux car il faut en donner des preuves; et pour cela, quand le refus est pour cause d'ignorance, il est de la prudence de l'évêque, ou de son grand vicaire, de réduire par écrit les réponses que le pourvu en cour de Rome lui a faites, et de les lui faire signer; et d'en envoyer le procès-verbal au métropolitain. De meme, si le refus a pour cause la dépravation des mœurs de l'ecclésiastique qui demande son visa, il est aussi nécessaire d'en avoir des preuves par des informations faites à la requête du promoteur; autrement l'acte de refus ne serait pas juridique, puisqu'il ne serait pas conforme aux règles établies par les ordonnances, et par conséquent un métropolitain ne serait pas tenu sous peine de péché d'y avoir égard.

Cette maxime étant présupposée, il est évident que, dans l'espèce proposée, le métropolitain n'a pu, en conscience, accorder le visa à Cordulphe, en procédaut de la manière portée par l'exposé, si l'évêque a exprimé dans son acte les causes particulières de son refus, et qu'il ait usé de la précaution que nous venons de marquer. La raison est qu'un métropolitain n'a droit d'examiner de nouveau celui qui a été refusé par son suffragant qu'après avoir reconnu par l'examen du procès-verbal fait par l'évêque, que les causes du refus sont injustes. Car, si les causes alléguées par le suffragant sont justes (comme si le procès-verbal porte que Cordulphe ayant été interrogé sur telles questions, il y a très-mal répo du, ou plutôt qu'il a répondu de telle manière à telle question, etc.), le métropolitain doit s'en tenir là, à moins que le refusé ne prouve que le procès-verbal est faux, ou que les questions que l'évêque lui a faites étaient sur des choses qu'un curé n'est pas obligé de savoir; de sorte que tout le pouvoir du métropolitain, lorsque le refusé ne s'inscrit point en faux contre le procès-verbal, se termine à prononcer qu'il a été mal appelé du refus qui lui a été fait par le suffragant. Sans cela il arriverait souvent, que le procédé de l'évêque, qui a donné un juste acte de refus pour cause d'ignorance, serait injustement condamné par le métropolitain, qui prétendrait admettre le refusé, après l'avoir examiné de nouveau, puisqu'il se pourrait aisément faire qu'il eût étudié depuis son refus, et qu'il eût appris ce qu'il ignorait au temps qu'il s'est présenté à l'examen de son évêque.

Ce que nous venons de dire est conforme à la jurisprudence de ce royaume, ainsi qu'il paraît par ces termes de l'art. 128 de l'édit du mois d'août 1539, fait par François I. «En toutes appellations sera jugé an bene, vel male, sans mettre les appellations au néant, sinon en nos cours souveraines, si pour très-grande et urgente cause ils voient qu'ainsi se dût faire. » Le parlement de Paris rendit, le 8 mai 1660, un célèbre arrêt conforme à cette jurisprudence, en ordonnant que les officiaux des métropolitains seraient tenus de prononcer sur les appellations conformément à l'ordonnance an bene, vel male appellatum fuerit, sans qu'ils puissent faire défense ni évoquer. Enfin cette décision est entièrement conforme à ce que saint Charles Borromée ordonne dans son quatrième concile provincial de Milan, part. 2, tit. de Beneficiorum collatione, etc.

CAS VI. Cléonicus, évêque, ayant un juste sujet de douter de la probité des mœurs d'Alphonse, qui s'est présenté à lui pour obtenir son visa, afin de prendre possession d'une cure dont il a été pourvu à Rome, in forma dignum, a jugé à propos, avant que de le lui accorder, de lui ordonner de se retirer pour huit mois dans son séminaire. Alphonse, qui dans la vérité est un prêtre sans reproche et qui n'est soupçonré d'une vie déréglée que par la calomnie de ses ennemis, est-il obligé en ce cas, d'obéir à l'ordre de son évêque et de s'exposer au danger de perdre son bénéfice, comme il arriverait, si son résignant venait à mourir, dans les six mois, dans la possession de cette cure, avant qu'il n'en eût pris possession, et ne peut-il pas se pourvoir au métropolitain ?

R. Alphonse ne se peut pas dispenser d'obéir à l'ordre de son évêque; car encore qu'il soit innocent, l'évêque ne laisse pas d'être en droit de s'assurer de la probité de ses meurs et de l'éprouver dans son séminaire, qui est la voie ordinaire et légitime dont il peut prudemment se servir dans une pareille occasion.

La crainte où il est de perdre son bénéfice, en se soumettant à une retraite de huit mois dans le sém naire, n'est pas bien fondée; car il est bien vrai qu'il est nécessaire d'avoir publié dans les six mois la résignation qui a été faite d'un bénéfice, suivant la règle de la chancellerie romaine de publicandis; mais ce n'est pas une nécessité absolue que la publication se fa-se par la prise de possession du bénéfice, et il suffit de justifier qu'on en a été légitimement empêché, et qu'on a requis le visa à cet effet; et c'est ce qu'Alphonse peut faire aisément, en demandant à son évêque acte de la réquisition qu'il lui en a faite, lequel acte ne lui peut être refusé sans injustice; par où il se mettra à couvert du danger dont il est menacé par la règle que nous venons de citer, qui, selon tous nos jurisconsultes, n'oblige qu'à rendre publique la résignation dans les six mois, et à demander à entrer en possession du bénéfice dont on est pourvu, ainsi qu'il paraît par les termes mêmes de cette règle qui dit: Nisi... posses

sio illorum ab eis, quos id contingit, petita fuerit. De sorte qu'Alphonse ayant cet acte, par lequel l'évêque attestera qu'il lui a demandé un visa pour être mis en possession de la cure dont il s'agit, cela lui suffira pour rendre publique la résignation qui lui en a été faite, quand même son résignant viendrait à mourir avant que d'avoir été dépossédé de cetle cure.

CAS VII. Renier, prêtre de Bordeaux, pourvu en cour de Rome de la cure de Saint-Godard, n'ayant pu obtenir son visa de l'archevêque, parce qu'il est, dit-il, prévenu contre lui, sans lui en avoir donné aucun sujet légitime, a obtenu un arrêt du parlement qui lui permet d'avoir recours au premier évêque du ressort de ce même parlement pour l'obtenir. En conséquence duquel arrêt il l'a ob. tenu du grand vicaire de l'évêque à qui il s'est adressé, et s'est mis ensuite en possession de la cure. Son visa est-il suffisant, et sa prise de possession est-elle canonique?

R. Le visa de Renier est nul, el sa prise de possession n'est pas canonique. La raison est que, quand on est refusé par le prélat diocésain au sujet de quelque bénéfice, on est obligé de se pourvoir, par les voies de droit, par-devant son supérieur (ainsi qu'il est ordonné, non-seulement par les lettres patentes de Charles IX du 6 avr l 1551, mais encore par l'ordonnance de Blois, art. 64, et par l'édit de Melun, du mois de février 1580, vérifié au parlement de Paris, le 8 mars suivant, donné sur les plaintes et remontrances de l'assemblée générale du clergé de France, tenue à Melun en 1576). Or le grand vicaire de l'évêque, dont l'exposé fait mention, ni l'évêque lui-même n'est pas le supérieur du métropolitain, qui n'en a point d'autre que le primat ou le pape. Il ne peut donc, sans un renversement manifeste de la discipline de l'Eglise, donner un tel visa, sous prétexte que le parlement de la province l'a ordonné ou permis. Car le roi n'entend pas que les parlements s'ingèrent de donner de tels arrêts, qui détruisent l'ordre qui a été établi dans tous les siècles par l'Eglise. C'est pour cela que Louis le Grand cassa, par un arrêt de son conseil, du 4 février 1667, celui que le parlement de Bordeaux avait rendu le 17 mars 1663, et par lequel il renvoyait

un ecclésiastique refusé par l'évêque de Limoges au premier évêque de son ressort. Et un autre arrêt du même parlement, du 15 novembre 1664, qui ordonnait qu'un pourvu en cour de Rome, à qui l'évêque de Sarlat et ensuite le métropolitain avaient refusé le visa d'une cure, se pourvoirait, sur leur refus, par-devant le premier prêtre constitué en dignité pour l'obtenir; et enfin un troisième arrêt de ce même parlement, du 23 février 1670, qui portait la même chose, furent pareillement cassés par un arrêt du conseil, du 11 mars de la même année, et par un second du 11 juillet suivant, et le pourvu renvoyé, sur le refus de l'archevêque de Bordeaux, au pape, comme au seul supérieur légitime des primats: ce qui a enfin contraint ce parlement à se conformer à cette jurisprudence établie par les ordonnances des rois, et confirmée par le conseil privé du roi. D'où nous concluons que Reinier ne se peut en aucune manière prévaloir de l'arrêt injuste qu'il a obtenu, et qu'il ne lui reste que la seule voie de se pourvoir à Rome. Voyez Ducasse, part. 1, ch. 5, sect. 3.

CAS VIII. Charles, ayant obtenu des provisions du doyenné de l'église métropolitaine de Tours, sur la résignation que son oncle lui en avait faite en cour de Rome, en a pris possession sur le visa que le chapitre lui en a accordé. Ce visa et cet e prise de possession sont-ils légitimes?

R. Ce chapitre s'est en cela attribué un droit qui appartient à l'archevêque seul, privativement à tout autre. C'est ce qui se voit par le procès-verbal de l'as emblée générale du clergé de France de l'année 1700, où est rapporté un arrêt du parlement de Paris, du 30 décembre 1698, qui déclare qu'il y a abus dans la conclusion capitulaire et le visa donné par le chapitre de la métropole de Reims, au nommé Nicolas Bachelier, docteur de Sorbonne et chanoine de Reims, sur les provisions par lui obtenues en cour de Rome, du doyenné de ladite église; et qui ordonne que le nouveau pourvu se retirera par-devers M. l'archevêque pour obtenir soa visa, sur les provisions dudit doyenné, en conséquence duquel il sera tenu de réitérer son installation et sa prise de possession Voyez EXAMEN, GRADUÉ.

VISION, APPARITION, REVENANTS.

J'ai éte si souvent consulté sur la matière des visions (a); des revenants, etc., que j'ai cru pouvoir en parler dans un Dictionnaire de Cas de Conscience. On verra bientôt qu'elle y tient par plus d'un fil, et qu'un grand pape ne l'a point regardée comme un être de pure spéculation. Je donnerai donc ici avec ma simplicité ordinaire les lettres que j'écrivis de Galluis, près Montfort-l'Amaury à une dame souverainement estimée de quiconque sait encore respecter la vertu. Je suis bien sûr que, quoi qu'il en soit des visions, un esprit aussi solide que le sien n'en sera affecté que comme doit l'être une personne pleine de sagesse et de raison. Mon dessein n'est pas de décider. Je me borne à faire voir que bien des gens prennent le plus haut ton sur des matières qu'ils n'entendent pas trop bien. J'avoue que j'ai été charmé des principes que m'a fournis sur celle-ci Benoît XIV, dans son immense ouvrage de Servorum Dei beatificatione et Beatorum Canonisatione. Je ne puis trop en re

(1) Visio et apparitio pro una et eadem re sumuntur; sed adest differentia cum apparitio dicatur quando nostris obtutibus sola species apparentis se ingerit, sed quis appareat ignoratur; et visio di

catur cum externæ apparition ejus intelligentia conjungitur. Benedictus XIV, lib. i, de Beatificat. el Canonisat., cap. 50, num. 1.

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