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ANGELIQUE.

Mon cœur eft maintenant certain de fa victoire.

NERINE.

Madame, croyez-moy, je connois le grimoire,
Souvent tous ces dépits font des hoquets a'amour.
ANGELIQUE.

Non; l'amour de mon cœur eft banni fans retour.
NERINE.

Cet hôte dans un cœur a bien-tôt fait fon gîte;
Mais il fe garde bien d'en déloger fi vîte.

ANGELIQUÈ.

Ne crains rien de mon cœur.

NERINE.

S'il venoit à l'inftant

Avec cet air flateur, foûmis, infinuant,

Que vous lui connoiffez; que d'un ton pathetique, (Elle fe met à fes pieds.)

Il vous dît à vos pieds : Non, charmante Angelique, Je ne veux oppofer à tout votre courroux,

Qu'un feul mot je vous aime & je n'aime que

vous.

Votre ame en ma faveur n'eft-elle point émûë ? Vous ne me dites rien, vous détournez la vûë. (Elle fe releve.)

Vous voulez donc ma mort, il faut vous contenter.
Peut-être en ce moment, pour vous épouvanter,
Il fe foufletera d'une main mutinée,

Se donnera du front contre une cheminée,
S'arrachera de rage un toupet de cheveux,
Qui ne font pas à luy; mais de ces airs fouguen
Ne vous étonnez pas; contez qu'en fa colere
Il ne fe fera pas grand mal.

ANGELIQUE.

Laiffe moy faire.

NERIN E.

Vous voila, grace au Ciel, bien inftruite fur tout,
Ne vous dementez point, tenez bon jusqu'au bout.

*************

SCENE II.

LA COMTESSE, ANGELIQUE,

NERINE.

LA COMTESSE.

ON dit par-tout, ma sœur, qu'un peu moins

prévenûë,

Vous époufez Dorante.

ANGELIQUE.

Ouy, j'y fuis refoluë..

LA COMTESSE.

vray

fou,

Mon cœur en eft ravy, Valere eft un
Qui jouroit votre bien jufques au dernier fou.

D'accord.

ANGELIQUE.

LA COMTESSE.

J'aime à vous voir vaincre votre tendresse,

Cet amour, entre nous, étoit une foibleffe,
Il faut fe dégager de ces attachemens

Que la raifon condamne, & qui flattent nos fens.

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ANGELIQUE.

LA COMTESSE.
Rien n'eft plus à craindre dans la vie,
Qu'un époux qui du jeu reffent la tyrannie.
Jaimerois mieux qu'il fût gueux, avaricieux,
Coquet, fâcheux, mal-fait, brutal, capricieux,
Yvrogne, fans efprit, débauché, fot, colere,
Que d'être un emporté joueur comme eft Valere.
ANGELIQUE.

Jefçay que ce deffaut eft le plus grand de tous.

LA COMTESSE.

Vous ne voulez done plus en faire votre époux ?
ANGELIQUE.

Moy, Non. Dans ce deffein nos humeurs font coaformes.

NERINE.

Пla ma foy reçû son congé dans les formes.
LA COMTESSE.

C'est bien fait, Puifqu'enfin vous renoncez à luy
Je vais l'époufer, moy.

ANGELIQUE.

L'époufer!

LA COMTESSE.

Aujourd'huy

ANGELIQUE.

Ce Joueur qu'à l'inftant...

LA COMTESSE.

Je fçauray le reduire

On fçait fur les Maris ce que l'on a d'empire.

ANGELIQUE.

Quoy, vous voulez, ma fœur, avec cet air fi doux, Ce maintien refervé, prendre un nouvel époux ? LA COMTESSE.

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Et pourquoy non, ma fœur fais-je donc un grand

crime,

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De rallumer les feux d'un amour legitime ?
J'avois fait vou de fuir tout autre engagement.
Pour garder du défunt le fouvenir charmant
Je portois fon portrait, & cette vive image
Me foulageoit un peu des chagrins du veuvage;
Mais qu'eft ce qu'un portrait, quand on aime bien
Sfort???

C'est un époux vivant qui confole d'un mort.

NERINE.

Madame n'aime pas les maris en peinture

LA COMTESSE

Cela raquite t-il d'une perte auffi dure

NERINE.

C'eft iriter le mal au lieu de l'adoucir.

ANGELIQUE.

Connoiffeufe en maris, vous deviez mieux choifir.

yous unir à Valere!

LA COMTESSE.

Ouy, ma fœur, à luy-même. ANGELIQUE.

Mais vous n'y penfez pas; croyez-vous qu'il vous aime ?

LA COMTESSE.

S'il m'aime luy, s'il m'aime ah ! quel aveugle

ment !

On a certains attraits, un certain enjoûment,
Que perfonne ne peut me difputer, je penfe.
ANGELIQUE.

Aprés un fi long-tems de pleine jouiffance,
Vos attraits font à vous fans contestation.
LA COMTESSE.

Et je puis en user à ma discretion.

ANGELIQUE.

Sans doute, & je voi bien qu'il n'eft pas impoffible,
Que Valere pour vous ait eu le cœur fenfible,
L'Or eft d'un grand fecours pour acheter un cœur,
Ce métal en amour eft un grand feducteur.

LA COMTESSE.

En vain vous m'infultez avec un tel langage,
La moderation fut toujours mon partage;
Mais ce n'eft point par l'or que

traits,

brillent mes at

Et jamais en aimant je ne fis de faux frais.

Mes fentimens, ma fœur, font differens des vôtres.
Si je connois l'amour, ce n'eft que dans les autres.
J'ay beau m'armer de fier, je vois de toutes parts
Mille cœurs amoureux fuivre mes étendards:
Un Confeiller de robe, un Seigneur de finance,
Dorante, le Marquis, briguent mon alliance:
Mais fi d'un nouveau noeud je veux bien me lier,

Je prétens à Valere offrir un cœur entier,
Je fais profeffion d'une vertu severe.

ANGELIQUE.

Qui peut vous affeurer de l'amour de Valere?

LA COMTESSE.

Qui peut m'en affurer? Mon merite, je crois.
ANGELIQUE.

D'autres fur luy, ma fœur, auroient les mêmes droits.

LA COMTESSE.
Il n'eut jamais pour vous qu'une eft me fterile,
Un petit feu leger, vagabond, volatile.
Quand on veut infpirer une folide amour,
Il faut avoir vêcu, ma fœur, bien plus d'un jour;
Avoir un certain poids, une beauté formée

Par l'ufage du monde, & des ans confirmée :
Vous n'en êtes

pas là.

ANGELIQUE.
J'attendray bien du temps.
NERINË.

Madame eft prévoyante, elle a pris les devants?

Mais on vient.

UN LAQUA IS.

Le Marquis, Madame, est là qui monte.
LA COMTESSE.

Le Marquis hé non non il n'eft pas fur mon

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