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une entreprise fi hardie. Vous avez eu le bonheur d'enterrer une premiere femme, vous hazardez d'en prendre une feconde, le peril ne vous rebute point ; cela cft fier, cela eft grand, cela eft heroïque; & pour ma part, je n'ay garde de manquer d'applaudir à une refolution auffi genereufe que la vôtre.

Mr. GRIFON.

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Ce que j'en ay dit, mon pere, n'eft tereft que je prens à votre santé.

Mr. GRIFON.

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Ne t'en mets point en peine, ce font mes affaires, SCAPIN.

Ouy, Monfieur; que Monfieur votre Pere vous donne feulement une Belle-mere bien faite, belle jeune, & laiffez-le faire : vous ferez ravy qu'il fe foit remarié, fur ma parole.

Mr. GRIFON.

Oh! je fuis feur qu'il en fera content. C'est une fille à qui il ne manque rien. Ce que je voudrois de vous maintenant, Mr.de l'Opera, ce feroit que vous m'aidaffiez à donner une petite Serenade à ma Maîtreffe.

SCAPIN.

Une Serenade, dites-vous ? Vous ne pouvez mieux vous adreffer qu'à moy. Mufique Italienne, Françoife, je fuis un homme à deux mains.

Tout de bon ?

Mr. GRIFON.

SCAPIN.

Demandez à Monfieur votre fils. Je fuis le premier homme du monde pour les Serenades, il m'en doit encore deux ou trois.

Ouy, mon Pere.

VALERE.

SCAPIN.

Ce n'eft pas pour me vanter; mais en cas de Chanteurs, Simphoniftes, Violiftes, Theorbiftes, Cla

veffiniftes, Operas, Operateurs, Operatrices, Madeloniftes, Catiniftes, Margotiftes, fi difficiles qu'elles foient, j'ay tout cela dans ma manche.

Mr. GRIFON.

Je voudrois une Serenade à bon marché.
SCAPIN

Je ménageray votre bourfe, ne vous mettez pas en peine. Il ne nous faudra que trente-fix Violons, vingt Haut-bois, douze Bailes, fix Trompetes, vingt-quatre Tambours, cinq Orgues, & un Flageolet.

Eh fy donc

un Royaume.

Mr. GRIFON.

voila pour donner une Serenade à tout

SCAPIN.

Pour les voix, nous prendrons feulement douze baffes, huit concordants, fix baffes-tailles, autant de quintes, quatre haute-contres, huit fauffets & douze deffus, moitié entiers, & moitié hongres.

Mr. GRIFON.

1

Vous nommez-là de quoy faire un regiment de Mufique. SCAPIN

Il ne faut pas moins de voix pour accompagner tous les inftrumens. Laiffez-nous faire, je veux qu'il y ait dans cette Mufique-là un efpece de petit charivary, qui conviendra merveilleufement bien au fujet. Nous allons Monfieur votre fils & moy, donner maintenant les or dres pour...

Mr. GRIFON.

Attendez, on doit m'amener ma Maîtreffe, je fuis bien-aife que vous la voyiez, & que vous m'en difiez votre fentiment l'un & l'autre.

SCAPIN

Prenez-la belle & jeune, au moins; fur-tout d'humeur complaifante : tous vos amis vous confeilleront la même chofe.

VÅLERÉ.

Allons-nous-en, je me meurs d'inquietude.

鮮味

SCENE VIL

0.

Mr. GRIFON, VALERE, SCAPIN, Mad. ARGANTE, LEONORE, MARINE.

N

Mr. GRIFON.

E vous avois-je pas bien dit, qu'on devoit l'amener? Voila la Mere, & la Fille de chambre. VALERE.

Que vois-je, Scapin! C'eft Leonore.

Autre incident.

SCAPIN.

Mad. AR GANTE,

Allons, ma Fille, approchez, & faluez le Mary que je vous ay deftiné.

LEONORE.

Quoy, Madame, voila la perfonne...
Mad. AR GANTE

Qu'avez vous donc, Mademoiselle, eft-ce que Monfieur ne vous plaist pas ?

LEONORE.

Je ne dis pas cela, Madame, & je n'auray jamais l'autres volontez que les vôtres.

VALERE.

Scapin; elle obeït à fa Mere, je fuis perdu.

MARINE.

Il y a de l'erreur de calcul.

Mad. AR GANTE.

Je fuis ravy, ma Fille, de vous voir des fentimens raifonnables, & j'ay toujours bien jugé que vous ne voudriez pas me defobeïr.

LEONORE.

Vous defobeïr, moy? j'aimerois mieux mourir que de faire quelque chofe qui vous déplût.

Mr. GRIFON.

Voila une fille bien née, n'eft-il pas vray?
SCAPIN.

Il y a icy du qui pro quo, fur ma parole.
LEONORE.

Tout ce que j'ay à me reprocher, Madame, c'est que mon obeiflance ait fi peu de merite en cette occafion; & les chofes font dans un état à me permettre d'avouer fans honte, que votre choix & mon inclination ont un parfait rapport ensemble.

Mr. GRIFON.

Comme elle m'aime déja! cela n'eft pas croyable. LEONORE.

Mais j'ay lieu de me plaindre; eft-ce à moy de parler comme je fais, quand vous eftes fi peu fenfible, Va lere, aux bontez que ma Mere a pour nous ? Mad. A RGANTE.

Comment donc, Valere? à qui en avez-vous ?
Mr. GRIFON.

Qu'est-ce que cela signifie?

SCAPIN.

Nous approchons du dénoûment.

Mad. AR GANTE.

Que voulez-vous dire avec votre Valere?
LEONORE.

Ne m'avez-vous pas dit, Madame, que vous aviez conclu mon mariage?

Mad. AR GANTE.

Qu'a de commun Valere avec votre mariage? c'est à Monfieur Grifon que voila, que je vous marie. Mr. GRIFON.

Ouy, mignonne, c'eft moy qui auray l'honneur que de...

LEONOR E.

Vous, Monfieur ?

Mad. AR GANTE.

Je voudrois bien, pour voir, que vous ne le trouvaffiez pas bon !

Mr. GRIFON.

Monfieur mon Fils, par quelle avanture est-il mention de vous dans tout cecy?

VALERE.

Par une avanture fort naturelle, mon Pere.
Mr. GRIFO N.
Comment, une avanture fort naturelle?
MARINE.

Ouy, Monfieur; Mademoiselle est fille, Monfieur eft garçon; elle est aimable, il est joly homme, ils ont fait connoiflance, ils s'aiment, ils font dans le gouft de s'époufer, y a-t'il rien là que de fort naturel? SCAPIN.

Il n'eft point queftion de la nature là-dedans, c'eft la raifon & l'intereft qui font aujourd'huy les mariages. Monfieur eft le Pere, Madame eft la Mere; la raifon eft de leur cofté, la nature eft une fotte, & vous auffi, ma mie.

Il a raison.

Mad. AR GANTE.

LEONOR E.

Quoy à l'âge que j'ay, ma Mere, vous voudriez me faire époufer un homme comme Monfieur ? Vous n'y fongez pas.

VALERE.

Quoy à l'âge que vous avez, mon Pere, vous voudriez vous marier à une fille comme Mademoiselle, je Croy que vous refvez.

LEONORE.

En verité, ma Mere, vous eftes trop

raifonnable, pour exiger de moy une chose auffi éloignée de bon fens.

VALERE.

Serieufement parlant, mon Pere, vous n'eles point d'âge encore à radoter.

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