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HE' bien, Lifette: Eft-ce fait ? me voilà.

Mad. GROGNAC.

Que fait ma fille?

LISETTE.

Quoy, ce n'eft que pour cela ?

Vous avez bonne voix; quel bruit! A vous entendre
J'ay crû qu'à la maifon le feu venoit de prendre.
Mad. GROGNAC.

Vous plairoit il vous taire, & finir vos difcours?
LISETTE.
Oh, vous grondez fans ceffe.

Mad. GROGNAC.

Et vous parlez toujours.

Répondez feulement à ce que l'on fouhaite.

Que fait ma fille ?

LISETTE.

Elle eft, Madame, à fa toillette.

Mad. GROGNAC.

Toujours à fa toillette, & devant un miroir.
Voilà tout fon employ, du matin jufqu'au foir.

LISETT E.

Vous parlez bien à l'aife avec votre cenfure,
Il m'a fallu trois fois réformer fa coëffure.
Nous avons toutes deux enragé tout le jour

Contre un maudit crochet qui prenoit mal fon tour

I

Mad. GROGNAC.

Belle occupation, vrayment! Qu'elle defcende.
Dites-luy de ma part qu'icy je la demande.
LISETTE.

Je vais vous l'amener.

SCENE II I.

VALERE, Mad. GROGNAC.

VALERE.

N'Allez pas la gronder,

Ny par votre air fevere icy l'intimider.

Mad. GROGNAC.

Mon Dieu, je fçais affez comme il faut fe conduire,
Et je ne diray rien que ce qu'il faudra dire.
La voilà. Vous verrez quels font fentimens.
Venez, Mademoiselle, & faluez les gens.

SCENE IV.

ISABELLE,

LISETTE,

Mad. GROGNAC, VALERE

fabelle fait la révérence.

P

Mad. GROGNAC.

Lus bas. Encor plus bas. O Ciel, quelle igno

rance !

Ne fçavoir pas encor faire la reverence

Depuis trois ans & plus qu'elle apprend à danfer!

LISETTF.

Son Mailtre tous les jours vient pourtant l'exercer;
Mais que peut-on apprendre en trois ans ?
Mad. GROGNA C.

LISETTE.

Elle a bien aujourd'huy l'efprit atrabilaire.
Nous attendons encor un Maître Italien
Qui doit venir tantôt.

GROGNA C.

A fe taire

Je vous le deffens bien. Je ne veux point chez moy gens de cette fequelle. Ce font Courtiers d'amour pour une Demoiselle. Levez la tête; encor. Soyez droite, approchez Faut-il tendre toujours le dos quand vous marchez Prefentez mieux la gorge, & baiffez cette épaule. LISETTE.

C'eft du foir au matin un éternel contrôle.

Mad. GROGNAC.

Avancez, s'il vous plaift, & répondez à tout:
Parlez, le mariage eft-il de votre goût?

Ifabelle rit.

VALERE.

Elle rit. Bon, tant mieux, j'en tire un bon

LISETTF.

Voilà ce qui s'appelle un ris d'aprés nature.
Mad GROGNA C.

augure,

Quoy, vous avez le front de rire, & devant nous! Vous ne rougiffez pas quand on parle d'époux ?

ISABELLE.

J'ignorois qu'une fille, au mot de mariage,
D'une prompte rougeur dût couvrir fon vifage.
Je dois vous obéir, & quand je l'entendray,
Puifque vous le voulez, d'abord je rougiray.
LISETTE.

Quel heureux naturel!

Mad. GROGNAC.
Les Epoux font bizarres,

Brutaux, capricieux, imperieux, avares
On devroit s'en paffer, fi l'on avoit bon fens.
ISABELLE.

?

N'étoient-ils pas ainfi tous faits de votre temps
Yous n'avez pas laiffé d'en prendre un, étant fille.
Mad. GROG NAC.

Vous êtes dans l'erreur. Rodillard de Choupille,
Noble au bec de corbin, grand Gruyer de Bery,
Et qui fut votre Pere, étant bien mon Mary,
M'enleva malgré moy: Sans cela, de ma vie
De me donner un maître il ne m'eût pris envie.
LISETTE.

La même chofe un jour pourra nous arriver.
ISABELLE.

On ne fait donc point mal à fe faire enlever ?
Mad. GROGNAC.

Hé bien! vit-on jamais un esprit plus reptile?
Puis-je avoir jamais fait une telle imbecille ?
C'est une groffe bête, & qui n'est propre à rien.
LISETTE.

Elle eft bien votre fille, & vous reffemble bien.
Mad. GROGNAC.

Euh? plaift-il ?

LISETTE.

Vous m'avez ordonné le filence.
Mad. GROGNA C.

Vous pourriez à la fin laffer ma patience.

VALERE.

Je veux plus doucement la fonder fur ce point.
Voulez-vous un Mary ?

ISABELLE.

Je n'en demande point; Mais s'il s'en rencontroit quelqu'un qui pût me plaire, Je pourrois l'accepter ainfi qu'a fait ma mere. Mad. GROGNAC.

Comment donc ?

VALERE.

Avec elle agiffons fans aigreur.

C'a, dites-moy, quelqu'un vous tiendroit-il au cœur?

ISABELLE.

Ah!

LISETTE.

Bon, courage.

VALERE.

Allons, parlez-nous fans rien craindre.
ISABELLE.

Je lens, lorfque je vois un petit homme à peindre...

Hé bien donc ?

VALERE.

ISABELLE.

Je fens-là, je ne fçay quoy qui plaift,

Mais je ne fçaurois bien vous dire ce que c'cft.

LISETTE.

Oh, je le fçay bien moy. C'eft l'amour qui murmure,
Mad. GROGNAC.
J'apprend avec plaifir une telle avanture!
Et quel eft, s'il vous plaît, ce jeune adolefcent
Qui vous fait reffentir ce mouvement naissant ?
ISABELLE.

Ah! fi vous le voyiez, vous l'aimeriez vous-même.
Il me dit tous les jours qu'il m'eftime, qu'il m'aime:
Il pleure quand il veut. Tu fçais comme il eft fait,
Lifette, & tu nous peux en faire le portrait.

LISETTE.

C'est un petit jeune homme à quatre pieds de terre,
Homme de qualité, qui revient de la guerre ;
Qu'on voit toujours fautant, dançant, gefticulant;
Qui vous parle en fiflant, & qui fifle en parlant ;
Se peigne, chante, rit, fe promene, s'agite;
Qui décide toujours pour fon propre merite;
Qui prés du fexe encor vit affez fans façon.

VALERE.

Mais c'eft le Chevalier.

LISETTE.

Vous avez dit fon nom.

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