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SOTANCOUR.

Dans ce jour

Nous ne ferons plus qu'un, vous & moy Sotancour.

LISETTE.

Ah! la belle union !

SOTANCOUR.

Moy bien fait, vous gentille,

Nous allons mettre au monde une belle famille.
Beau-pere, on dit bien vray, quant à moy, j'y sous-

cris,

On a beau faire, il faut prendre femme à Paris ;

L'on y taille en plein drap. Nos femmes de Province
Ont l'abord repouffant, la mine plate & mince,
L'efprit fec & bouché, le regard de hibou,
L'entretien difcourtois, & l'accueil loup-garou:
Mais le Sexe à Paris a la mine jolie,

L'air attractif, fur-tout la croupe rebondie;
Mais il eft diablement fujet à caution.

MATHIEU CROCHET.

On dit qu'à forligner il a propenfion.

SOTANCOUR.

Je veux croire pourtant, malgré la deftinée,
Que je pourray toujours aller tefte levée;
Que malgré votre nez, & cet air égrillard
Mon front entre vos mains ne court point de hazard.
Voudriez-vous, Mignonne, à la fleur de mon âge
Mettre inhumainement mon honneur au pillage?
Me referveriez-vous pour un tel accident?

Hem vous ne dites mot.

LISETTE.

Qui ne dit mot, confent.
SOTANCOUR-

Beau-pere, jufqu'icy, s'il faut que je le dife,
La future n'a point encor dit de fottife;
Peut-eftre qu'elle en penfe: en tout cas, j'avertis
Qu'elle a l'entretien maigre, & le difcours concis
Mr. GERONTE.

Tant mieux pour une femme.

C

SOTANCOUR.

3

Ouy, quand par retenue Elle caquette peu: mais fi c'eft une grue... Dans la famille au moins on ne voit point de fots. Luy, par exemple, il a plus d'efprit qu'il n'eft gros. MATHIEU CROCHET.

Le Coufin me connoift; oh! je ne fuis pas cruche, Tel que vous me voyez.

SOTANCOUR.

Luy... c'est la coqueluche

Des filles de Falaife: Il étudie en Droit,

Et fçait tout fon Cujas fur le bout de fon doigt.
MATHIEU CROCHET.

Oh! quand on a du Code acquis quelque teinture
Prés des femmes de refte on fçait la procedure:
Nous autres du bareau, nous fommes des gaillards.
LISETTE.

Vous etes Avocat' ?

MATHIEU CROCHET.

Et de plus, Maître és Arts.
SOTANCOUR.

Tres alteré, beau pere, au moins ne vous déplaise.
On a foif volontiers, quand on vient de Falaise.
Allons tâter du vin.

Mr. GERONTE.

Allons, c'eft fort bien dit.

SOTANCOUR.

Je me fens là-dedans un terrible appetit.

MATHIEU CROCHET.

Depuis trois jours je jeûne, afin d'eftre capable
De pouvoir dignement faire figure à table.

LISETTE.

Monfieur eft

prevoyant.

SOTANCOUR.

Vrayment c'eft fort bien fait;

Allons, fuivez-moy donc, Coufin Mathieu Crochet. Bien-tot nous reviendrons, ô Beauté mon idole, Voir fi vous n'avez point rétrouvé la parole.

SCENE VIII.

LEONORE, LISETTE regardant partir Mathieu Crochet.

LISETTE.

Voila ce qui s'appelle un garçon fait au tour!

LEONORE.

Lifette, que dis-tu de Monfieur Sotancour ?
LISETTE.

Et de Mathieu Crochet, qu'en dites-vous Madame
LEONORE.

De Monfieur Sotancour je deviendrois la femme? A ne t'en point mentir, je fuis au defefpoir.

LISETTE.

Oh! qu'il ne vous tient pas encor en fon pouvoir ?
Valere n'eft pas homme à quitter la partie,
Il faut qu'il vous époufe, ou j'y perdray la vie

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SCENE IX,

MERLIN en Maiftre de Mufique, avee des porteurs d'Inftrumens, dans l'un def. quels et Valere: Il entre en chantant»

AIR.

Pour attraper un Roffignol,
Re mi fa fol,

Je difois un jour à Nanette

Il faut aller au bois; mais chut y
Mi fa fol ut.

C

Je me trouvay dans fa cachette,
Le Roffignol y vint auffi,
Mi re ut fi.

Et fi toft qu'il fut fur la branche',
Preft chanter de fon bon gré,
Sol fa mi re.

Elle le prit de fa main blanche,
Et puis dans fa cage le mit
La fol fa mi.

LISETTE.

Que cherchez-vous, Monfieur, avec cet équipage?; MERLIN.

Vous voyez un Breton preft à vous rendre hommage. Depuis plus de vingt ans je rode l'Univers

Ou je fais admirer l'effet de mes Concerts.

LISETTE.

Tant mieux pour vous, Monfieur, j'en ay l'ame ravie, Mais nous ne fommes point en goût de fimphonie ; Laiffez-nous, s'il vous plaift, avec tous nos ennuis. MERLIN.

Quand vous me connoîtrez... vous fçauray qui je

fuis.

Je le croy bien.

LISETTE.

MERLIN.

Je fais un Muficien rare

Charmé de mon fçavoir, gueux, yvrogne & bizare.

LISETTE.

Pour la profeffion voila de grands talens.

MER LIN.

Voudriez-vous m'entendre ?:

LEONORE.

Oh, je n'ay pas le temps.

De chagrins trop cuifans j'ay l'ame penetrée.

MERLIN.

Tant mieux, je vous voudrois encor defefperée.

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LISETTE.

Elle n'en eft pas loin.

MERLIN.

C'est comme je la veux,

Pour donner à mon Art un exercice heureux.

LEONORE.

Pour des Bretons, Monfieur gardez votre fcience.

MERLIN.

J'ay tout ce qu'il vous faut, autant qu'homme de

France.

Tout Breton que je fuis, je fçay votre befoin.

LISETTE.

Ne le renvoyons pas, puifqu'il vient de fi loin.
MERLIN.

Dans un concert d'hymen, lorfque quelqu'un difcorde,
Je fçais jufte baiffer, ou hauffer une corde,
Nul ne fçait de l'amour mieux le diapazon,
Ny mettre comme moy deux cœurs à l'uniffon.
LISETTE.

Oh vous aurez grand' peine, avec votre industrie,
A faire icy chanter deux Amants en partie.

MERLIN.

J'ay dans cet étuy-là, Madame, un inftrument
Qui calmeroit bien-toft vos maux affurément.
Il est doux, amoureux, infinuant & tendre,
Et qui va droit au cœur.

LISETTE.

Ne peut-on point l'entendre? LEONORE.

Ah! laiffe-moy, Lifette, en proye à mon malheur.

LISETTE.

Madame, un air ou deux calment bien la douleur.
MERLIN.

Ecoutez-le, de grace, un feul moment fans peine
Et s'il ne vous plaift pas, foudain je le rengaîne.
MERLIN ouvert l'étuy dans lequel est Valere
Cet inftrument, Madame, eft-il de votre goût à

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