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tier d'ufure, comme vous, ne doit s'intriguer que d'affaires de contrebande, & laiffer les honnêtes filles en repos.

Mr. MATHIEU.

A Dieu ne plaife, ma pauvre Marine, qu'on voye jamais aucun vray mariage de ma façon. Je ne fais point faire de marché à vie, c'est un métier trop perilleux. Une fille eft une marchandise qu'on ne fçauroit garantir, & l'on n'en a pas plutôt fait l'emplette, qu'on voudroit en estre défait à moitié de perte. MARINE,

leur

(Ouy, mais ceux qui font des mariages ne s'emba-
raffent gueres du fuccés ; & quand ils o
ont reçu
pot de vin, & que le poiffon eft dans la naffe, fauve
qui peut. Vous connoiffez du moins l'homme qu'on
luy deftine, puifque vous luy avez vendu un Collier ?
MẸ. MATHIEU.

Je vay le luy livrer, & en recevoir de l'argent.
MARINE.

Ce n'eft pas là ce que je demande ; quel homme eft-ce ?

Mr. M AT HIEU.

C'est un fort honnête homme, fort riche, fort vieux, & fort gouteux.

MARINE.

Que la pefte te créve!

Mr. M AT HIEU.

Sa figure n'eft peut-eftre pas des plus ragoûtantes; mais, comme vous fçavez, entre l'utile & l'agreable il n'y a pas à balancer.

MARINE.

Ouy,pour des ladres comme vous,qui ne connoissent d'autre bonheur que celui d'amaffer du bien; &de faire travailler leur argent à gros, & tres gros interest: mais pour une jeune perfonne,comme Leonore, qui cherche à paffer fes jours dans le plaifir, vous trouverez bon, s'il vous plaift, vous & Madame fa mere, qu'elle préfere l'agreable à l'utile, & que moy de mon costé,

je faffe tout mon poffible pour rompre un mariage auffi bifcornu que celuy-là.

Mr. MA THIEU.

Helas! ma pauvre enfant, romps, caffe le mariage en mille pieces, je m'en foucie comme de cela. Je t'aideray mefme en cas de befoin, pourveu que tu me falles payer de mes peines un peu graffement.

MARINE.

Un peu graffement ! Eh mort de ma vie,n'eftes-vous pas déja affez gras? Allez, vous devriez mourir de honte, d'avoir une face qui a pour le moins deux au-

nes de tour.

MẸ. MATHIEU.

Marine eft toujours railleufe; mais je ne fonge pas que mon homme m'attend. Il veut donner tantoft une Serenade à fa Maîtrefte: Muficiens & filles de chainbre ont volontiers commerce enfemble; n'y en a-t'il point quelqu'un de tes amis, à qui tu voulus faire gagner cet argent-là ?

MARINE.

Qu'il aille au diable, avec fa Serenade. Je vay fonger à luy donner l'aubade, moy.

Mr. MATHIEU.

Ce mariage te met de mauvaise humeur. Je voudrois bien refter plus long-temps avec toy, je ne m'y ennuye jamais.

MARINE.

Et moy, je m'y ennuye toujours.

Adieu.

Mr. MATHIEU.

MARINE feule.

Je prie le Ciel qu'il te conduife, & que tu te puiffes caffer le cou. Il n'y auroit pas grand mal, quand tous ces maquignons de mariages-là feroient au fond de la riviere avec une bonne pierre au cou. Que je plains le pauvre Valere! Il ne fçait pas fon malheur. J'ay une lettre à luy rendre de má Maîtreffe. Voicy fon Valet à propos.

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SCAPIN.

Il y a toujours quelque chofe à refaire aux filles.

Et ton Maître ?

MARINE.

SCAPIN.

Il se porteroit affez bien, s'il avoit un peu plus d'arMARINE.

gent.

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Je n'ay jamais connu un Gentilhomme plus gueux que celuy-là.

SCAPIN.

Monfieur Grifon, fon pere, eft bien riche, mais il eft bien ladre.

MARINE.

Nous nous en appercevons.

SCAPIN.

Tel que tu me vois, je fers mon Maître fans gages,

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Ouy, Monfieur Grifon ne fçait pas que fon fils a l'honneur d'eftré à moy, il ne me connoift pas mef

me, je loge en ville, & je vis d'emprunt.

MARINE.

Tu fais fouvent mauvaise chere.

SCAPIN.

Affez. Cela n'empêche pas que je ne nouriffe quelquefois mon Maître, quand il eft mat avec fon Peic. MARINE

Voila un beau ménage :

SCAPIN

Hé, dis-moy un peu...

MARINE.

Je n'ay rien à te dire. Tien, rends cette lettre-là à ton Maître.

SCAPIN.

Comme tu fais Marine regarde-moy un peu.

MARINE.

Hé bien, que me veux-tu ?

SCAPIN

Vous plairoit-il feulement, ô Beauté Leoparde! me dire le contenu de cette lettre ?

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Tu me romps fi fouvent la tête de ton babil, quand je te prie de ne dire mot !

MARINE.

J'aime à faire le contraire de ce qu'on fouhaite.
SCAPIN.

Le beau naturel! Je te prie donc de te taire, Marine, c'eft le moyen de te faire parler.

VE MARINE.

Je parleray, s'il me plaift.

SCAPIN

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SCAPIN.

Dis, fi tu peux, mon enfant; cela est difficile.

MARINE.

Mais voyez cet animal, qui veut m'empêcher de

parler!

Je n'ay garde.

SCAPIN.

MARINE.

Voila encore un plaifant vifage, pour fermer la bouche à une femme !

Fort bien.

SCAPIN.

MARINE.

Ny toy, ny ton pere, ny ta mere, ny toute ta peste de generation, ne me feroit pas rabattte une fillabe. SCAPIN.

Quelle eft agreable!

MARINE.

Quand on parle bien, on ne parle jamais trop.

SCAPIN.

Tu ne devrois pas parler fouvent.

MARINE.

Va, va, quand je feray morte, je me tairay assez.

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Tu voudrois donc fçavoir le contenu de la lettre?

SCAPIN.

Moy, point du tout, je ne veux rien fçavoir. MARINE & SCAPIN parlent ensemble. MARINE..

Oh, tu fçauras pourtant malgré que tu en ayes, que ma Maîtreffe fe marie aujourd'huy avec un homme qu'elle n'a jamais veu ; que fa mere a terminé l'affaire; qu'elle prie Valere... Que la pefte te créve, adieu.

SCAPIN.

Oh, tu auras menti, & il ne fera pas dit que tu me feras entendre malgré moy. Je ne veux rien fçavoir, laiffe-moy en repos, garde tes nouvelles pour un autre. Le diable puifle t'étrangler, adieu.

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