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litaires pour se défaire d'une jeunesse vive, inquiète et remuante. Quoi qu'il en soit, le sort des augures envoya au-delà du Rhin Sigovèse, qui, prenant son chemin par la forêt Hercinie, s'ouvrit un passage par la force des armes, et s'empara de la Bohême et des provinces voisines. Bellovèse tourna du côté de l'Italie; et, après avoir passé les Alpes, les Senonois et les Manceaux, qui étaient en plus grand nombre dans son armée, s'emparèrent de ces belles provinces qui sont entre les montagnes des Alpes, celles de l'Apennin, la rivière du Tésin, et celle de Jesi, qui se jette dans la mer en-deçà d'Ancone. Ils s'y établirent, et quelques auteurs leur attribuent l'origine et la fondation des villes de Milan, Vérone, Padoue, Bresse, Côme, et de plusieurs autres villes de ces contrées qui subsistent encore aujourd'hui. La première guerre qu'ils eurent contre les Romains. fut vers l'an du monde trois mille six cent seize, deux cents ans après leur passage en Italie. Ils assiégeaient alors Clusium, ville de la Toscane. Les habitans, craignant de tomber sous la puissance de ces barbares, implorèrent le secours des Romains, quoiqu'ils n'eussent d'autre motif pour l'espérer, sinon qu'ils n'avaient point armé dans la dernière guerre en faveur des Veïens, comme avaient fait la plupart des autres peuples de l'Étrurie. Le sénat, qui n'avait aucune alliance particulière avec cette ville, se contenta d'envoyer en ambassade trois jeunes patriciens, tous trois frères, et de la famille Fabia, pour ménager un ac

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commodement entre ces deux nations. Ces ambassadeurs, étant arrivés au camp des Gaulois, furent introduits dans le conseil. Ils offrirent la médiation de Rome, et demandèrent à Brennus, roi ou chef de ces Gaulois transalpins, quelle prétention une nation étrangère avait sur la Toscane, ou s'ils avaient reçu en particulier quelque injure de ceux de Clusium. Brennus leur répondit fièrement que son droit était dans ses armes, et que toutes choses appartenaient aux hommes vaillans et courageux, mais que, sans avoir recours à ce premier droit de nature, 1 ils se plaignaient justement des Clusiens, qui, ayant beaucoup plus de terres qu'ils n'en pouvaient cultiver, avaient refusé de lui abandonner celles qu'ils laissaient en friche. « Ils nous font, ajouta -t-il, le même tort que vous faisaient autrefois les Sabins, ceux d'Albe et de Fidène, et que vous font encore tous les jours les Èques, les Volsques, et tous vos voisins, auxquels, les armes à la main, vous avez enlevé la meilleure partie de leur territoire ainsi cessez de vous intéresser pour les Clusiens, de peur de nous apprendre, par votre exemple, à défendre ceux que vous avez dépouillés de leur ancien domaine. »

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Les Fabius, irrités d'une réponse si fière, dissimulèrent leur ressentiment, et, sous prétexte de vouloir, en qualité de médiateurs, conférer avec les magistrats de Clusium, ils demandèrent

1 Plut. in Camillo.

à entrer dans la place. Mais ils ne furent pas plus tôt dans la ville, qu'au lieu d'agir suivant leur caractère, et de faire la fonction de ministres de la paix, ces ambassadeurs, trop jeunes pour un emploi qui exige une extrême prudence, s'abandonnant à leur courage et à l'impétuosité de l'âge, exhortèrent les habitans à une vigoureuse défense. Pour leur en donner l'exemple ils se mirent à leur tête dans une sortie, et Q. Fabius, chef de l'ambassade, tua de sa propre main un des principaux chefs des Gaulois. Brennus, justement irrité d'un tel procédé, ne se gouverna point en barbare. Il envoya un héraut à Rome pour demander qu'on lui livrât ces ambassadeurs qui avaient violé si manifestement le droit des gens; et, en cas de refus, cet envoyé avait ordre de déclarer la guerre aux Romains.

Le heraut étant arrivé à Rome, et ayant exposé sa charge, l'affaire fut mise en délibération. Les plus sages du sénat voulaient qu'on punît ceux qui avaient violé si manifestement le droit des gens, ou du moins qu'on tâchât d'apaiser les Gaulois à force d'argent; mais les plus jeunes, emportés par leur courage, rejetèrent cet avis comme indigne du nom romain. L'affaire fut renvoyée à l'assemblée du peuple, et Fabius Ambustus, père de ces ambassadeurs, qui, quoique patricien, avait su se rendre agréable au peuple, fit une brigue si puissante, que non seulement il vint à bout de faire renvoyer le héraut sans satisfaction [an de Rome 363], mais il eut encore assez de crédit pour

faire créer ses enfans tribuns militaires et chefs de l'armée qu'on résolut d'opposer aux Gaulois. Brennus, au retour de son héraut, tourna sa colère et ses armes contre les Romains, et marcha droit à Rome. Son armée était nombreuse; tout fuyait devant lui; les habitans des bourgades et des villages désertaient à son approche; mais il ne s'arrêta en aucun endroit, et il déclara qu'il n'en voulait qu'aux Romains.

Les tribuns militaires sortirent de Rome à la tête de quarante mille hommes. Ils n'avaient guère moins de troupes que Brennus; mais il y avait plus d'ordre et d'obéissance dans l'armée des Gaulois. Les généraux romains, depuis la disgrâce et l'exil de Camille, n'osaient agir avec une pleine autorité, et ils étaient réduits à dissimuler la licence et le peu de discipline de leurs soldats, au lieu de leur commander avec cet empire absolu qu'exige le service militaire. On remarqua même que ces tribuns, avant que de sortir de Rome, ne sacrifièrent point aux dieux, et qu'ils négligèrent de consulter les auspices cérémonies essentielles parmi un peuple rempli de superstition, et qui tirait son courage et sa confiance des signes propices que les augures nonçaient. Mais rien ne fit plus de tort aux Romains que la multitude des chefs. Il y avait dans leur armée six tribuns militaires avec une égale autorité, la plupart jeunes, et qui avaient plus de courage que de capacité. Ils s'avancèrent avec audace au-devant des Gaulois, qu'ils rencontrèrent

VERTOT. T. III.

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lui an

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proche de la rivière d'Allia, à une demi-journée de Rome. Chaque nation rangea aussitôt son armée en bataille. Les Romains, pour n'être pas enfermés par les ennemis, étendirent les ailes, et mirent leurs meilleurs soldats à la droite et à la gauche, ce qui rendit le centre plus faible. Ce fut l'endroit auquel les Gaulois s'attachèrent : ils eurent bientôt enfoncé et dissipé les cohortes qui occupaient ce poste. Les deux ailes, se voyant coupées, et leur centre occupé par les ennemis, prirent la fuite sans tirer l'épée. Ce fut moins une bataille qu'une déroute générale; et dans ce désordre, le soldat effrayé, au lieu de regagner Rome, dont il n'était éloigné que de soixante stades, se jeta dans Veïes. 1 D'autres se noyèrent en voulant passer le Tibre à la nage : plusieurs, poursuivis par les ennemis, tombèrent sous le fer des victorieux; quelques-uns seulement, qui échappèrent à leur fureur, se sauvèrent dans Rome, où ils portèrent la terreur et la consternation. Le sénat, croyant que l'armée entière avait été taillée en pièces, et, ne se trouvant pas de forces suffisantes pour défendre la ville, jeta dans la forteresse du Capitole tous les hommes capables de porter les armes. On y fit entrer tout ce qu'on avait pu ramasser de vivres; et, afin de les faire durer plus long-temps, on ne reçut dans la place que ceux qui étaient capables de la défendre. La plupart des vieillards, des femmes et des enfans,

Tit. Liv. lib. V. Plut. in Camillo.

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