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précipité du haut du Capitole. Après bien des brigues et des cabales que les plébéiens avaient inutilement employées pour pouvoir remplir une des deux places du consulat, ils obtiennent ce qu'ils souhaitent avec tant d'ardeur, et en sont redevables aux lasmies d'une femme. Sextius est le premier consul plébéien. Préture. Édilité curule. Ces deux nouvelles dignités sont affectées aux patriciens à l'exclusion des plébéiens. C. Licinius Stolon, auteur de la loi Licinia, est le premier condamné à l'amende pour l'avoir violée.

Outre le soulagement du peuple, le sénat, en établissant des fonds pour le paiement des troupes, avait en vue de porter la guerre plus loin, et de la pouvoir soutenir plus long-temps. 1 Avant cet établissement on faisait moins la guerre que des cour“¿ses, qui se terminaient ordinairement par un combat. Ces petites guerres ne duraient pas plus de vingt ou trente jours, et souvent bien moins; le soldat faute de paie ne pouvant pas tenir la campagne plus long-temps. Mais quand le sénat se vit en état de pouvoir entretenir en tous temps un corps de troupes réglées, il forma de plus grands projets, et il fit dessein d'assiéger Veïes [an de Rome 347], place des plus fortes d'Italie, qui servait de boulevard à la Toscane, et qui ne le cédait pas même à Rome ni pour la valeur ni pour la richesse de ses habitans.

Les Toscans vivaient en forme de république,

Tit. Liv. lib. IV, cap. 60, 61. Diod. lib. XIV.

comme les Sabins, les Volsques, les Romains, et la plupart des autres peuples d'Italie. La seule ville de Veïes, la plus puissante de cette communauté, avait élu un roi depuis peu; et ce changement dans le gouvernement avait rendu les autres petits états de cette province moins affectionnés à ses intérêts.

Les Romains, instruits de ce refroidissement, résolurent de tirer raison du pillage que les Veïens avaient fait sur le territoire de Rome. Après avoir terminé avec avantage la guerre contre les Volsques, ils donnèrent tous leurs soins pour faire un puissant armement, qui pût répondre à la grandeur de cette entreprise.

Tite-Live1 prétend qu'on élut exprès huit tribuns militaires, ce qu'on n'avait jamais vu dans la république, quoique d'autres historiens n'en marquent que six. On trouve encore au sujet de ce siége une autre différence dans les auteurs; les uns placent le tribunat de M. Furius Camillus et d'Appius Claudius Crassus sous l'an 348 de Rome, et d'autres prétendent qu'ils ne parvinrent à cette dignité que l'an 350; encore n'est-il pas bien certain si Camille, cette année, n'était pas plutôt censeur que tribun militaire. Quoi qu'il en soit de ces différentes opinions, on va voir, par la suite de l'histoire, que ces deux magistrats eurent la principale gloire de cette guerre.

Dec. 1. lib. V, cap. I, 8.

2 Valer. Max. lib. II, cap. 9, art. 1.

Appius était petit-fils du décemvir, et fils d'un autre Appius Claudius, tribun militaire l'an trois cent vingt-neuf de la fondation de Rome. Cette conformité de nom propre, et de prénom, que nous avons rencontrée tant de fois dans les sénateurs de la famille Claudia, fait voir qu'ils étaient tous les aînés de leur maison, suivant ce qui se pratiquait à Rome, où le fils aîné portait toujours le même nom que son père; au lieu que les cadets étaient distingués, ou par des noms tirés de l'ordre de leur naissance, ou du temps et de l'heure dans laquelle ils étaient nommés. Appius resta à Rome, pour faire tête aux tribuns, et pour réprimer les mutineries ordinaires du peuple ; Camille, en qualité de tribun militaire, continua ce siége important, qu'il termina depuis heureusement pendant sa dictature.

[An de Rome 348 à 351] On peut juger de la force de la place par la longueur du siége, qui dura dix ans entiers avec différens succès. Les généraux romains, plutôt que de le discontinuer, firent faire des logemens pour mettre le soldat à couvert des rigueurs de l'hiver. 1 Les tribuns n'en eurent pas plus tôt appris la nouvelle qu'ils s'en firent un prétexte pour se déchaîner à leur ordinaire contre le sénat. Ils disaient dans toutes les assemblées qu'ils s'étaient toujours bien doutés que les présens du sénat cachaient un poison secret; que cette solde nouvelle, qu'on vantait avec tant d'ostenta

Tit. Liv. lib. V, cap. 2.

:

tion, n'était qu'un appât dont les patriciens s'étaient servis pour éblouir le peuple; que sa liberté avait été achetée à ce prix; que les tribuns militaires, en retenant les soldats dans le camp pendant l'hiver, n'avaient eu pour objet que de priver le parti du peuple du secours de leurs suffrages ; que le sénat et les patriciens allaient régner impérieusement dans toutes les assemblées mais qu'il fallait leur faire connaître qu'ils commandaient à des hommes libres, et que le peuple devait ordonner aux généraux de ramener les troupes à Rome à la fin de chaque campagne, en sorte que le pauvre citoyen, qui exposait tous les jours sa pour la défense de sa patrie, pût jouir d'un peu de repos, revoir sa maison, sa femme et ses enfans, et donner ses suffrages dans l'élection des magistrats.

vie

1

Appius, , que les tribuns militaires avaient laissé à Rome pour s'opposer aux entreprises des tribuns du peuple, ayant appris ces bruits séditieux, convoquà une assemblée, et se plaignit d'abord avec beaucoup de douceur et de modération que la place fût devenue le rendez-vous de tous les mutins et le théâtre de toutes les séditions; qu'on méprisait publiquement le sénat, les magistrats et les lois; et qu'il ne manquait plus aux tribuns du peuple que d'aller jusque dans le camp corrompre l'armée, et la soustraire à l'obéissance de ses généraux. Il leur reprocha qu'ils ne cherchaient

1 Tit. Liv. lib. V, cap. 36. Oros. lib. II, cap. 19.

qu'à rompre l'union qui était entre les différens ordres de l'état; qu'ils étaient les seuls auteurs de toutes les divisions; qu'ils les fomentaient tous les jours par leurs harangues séditieuses, et que, plus ennemis de Rome que les Veïens mêmes, il leur importait peu du succès du siége, pourvu que leurs généraux n'en eussent pas la gloire. « Il ne fallait point entreprendre ce siége, ajouta-t-il, ou il faut le continuer. Abandonnerons-nous notre camp, nos légions, les forts que nous avons élevés de distance en distance, nos tours, nos mantelets et nos gabions, pour recommencer l'été prochain les mêmes travaux ? Mais qui répondra à vos tribuns, qui vous donnent un conseil si salutaire, que toute la Toscane, faisant céder l'aversion que ces peuples ont pour le roi des Veïens au véritable intérêt de leurs pays, ne prendra pas les armes pour venir à son secours? Pouvez-vous même douter que les Veïens, pendant l'intermission du siége, ne fassent entrer des troupes et des munitions dans la place? Qui vous a dit qu'ils ne vous préviendront pas l'année prochaine, et que, plus forts et plus irrités par le dégât qu'on a fait sur leurs terres, ils ne ravageront pas les nôtres ? Mais dans quel mépris ne tombera pas la république si les nations voisines de Rome, jalouses de sa grandeur, s'aperçoivent que vos généraux, enchaînés par les lois nouvelles de vos tribuns, n'osent tenir la campagne, ni achever un siége, sitôt que les beaux jours. sont finis? Au lieu que rien ne rendra le peuple romain plus redoutable que quand on sera per

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