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dans le détail de ces dissensions, j'ai cru que je ne pouvais me dispenser de représenter auparavant de quelle manière les Romains étendirent leur domination dans l'Italie, la Sicile, l'Espagne, et une partie de l'Afrique et de l'Asie; ce que je décrirai le plus sommairement que je pourrai, et sans m'éloigner de Rome qu'autant que cela sera nécessaire pour faire connaître les différentes révolutions qui arrivèrent dans son gouvernement, le principal objet de cet ouvrage.

FIN DU LIVRE SEPTIÈME.

LIVRE HUITIÈME.

L. Manlius est accusé devant l'assemblée du peuple de traiter durement T. Manlius son fils. Action hardie de Titus pour délivrer son père. Il tue un Gaulois d'une taille extraordinaire, et est surnommé Torquatus. Valerius Corvus. Pourquoi ainsi appelé. Les Samnites déclarent aux Romains une guerre qui se termine à l'avantage de ces derniers. Première guerre entre les Carthaginois et les Romains. Après différens succès de part et d'autre les Carthaginois sont obligés de demander la paix, et ne l'obtiennent qu'à des conditions très-onéreuses. Ils réparent leurs pertes et recommencent la guerre. Annibal passe en Italie et met Rome à deux doigts de sa perte. Il est obligé de retourner en Afrique pour défendre sa patrie. Scipion taille en pièces son armée et prend Carthage. Les conquêtes des Romains en Grèce et en Asie. Tribunat de Tiberius Gracchus rempli de troubles. Mort du tribun.

La république jouissait d'une profonde paix audedans et au-dehors de l'état, et le peuple regardait le consulat qu'il venait d'obtenir comme une victoire qu'il avait remportée sur le sénat et les patriciens. Mais les tribuns, qui ne pouvaient se faire valoir que par de nouvelles dissensions, se plaignaient que, pour une dignité curule que les patriciens avaient cédée au peuple, ils eussent ob

VERTOT. T. III.

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tenu trois nouvelles magistratures ; qu'on eût créé exprès pour eux la dignité de préteur, qui les rendait maîtres de l'administration de la justice; qu'ils eussent deux édiles curules dont l'autorité anéantissait celle des édiles plébéiens. Ils demandaient que toutes les charges et les dignités de l'état fussent communes entre le peuple et la noblesse; que le mérite seul en décidât dans les élections, et que, sans distinction de rang ou de naissance, on pût choisir indifféremment des plébéiens comme des patriciens pour remplir les dignités civiles, et même celles du sacerdoce. Tel était le sujet ordinaire dont ces tribuns inquiets entretenaient la multitude dans leurs assemblées.

Ils n'oubliaient rien pour élever par de magnifiques éloges les moindres actions des plébéiens, en même temps qu'ils tâchaient d'affaiblir et de diminuer tout ce que les nobles faisaient de plus utile pour la république. Ils s'attachaient même à pénétrer ce qui se passait dans l'intérieur de leur domestique, dont ils faisaient des rapports malins et exagérés, et propres à les rendre méprisables.

[An de Rome 391] C'est ainsi que, sous le consulat de Q. Servilius Ahala, et de Lucius Genutius, un tribun du peuple, appelé M. Pomponius, fit assigner L. Manlius, qui sortait actuellement de la dictature, sous prétexte que ce patricien traitait un de ses enfans avec trop de dureté. Ce fils de Manlius, appelé Titus, était né bègue; et, comme dans ses premières années il ne faisait pas espérer beaucoup de son esprit, son père l'avait

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relégué dans une de ses maisons de campagne, où il était occupé du labourage et des autres soins de l'agriculture, comme en usaient encore en ce temps-là les Romains. Cependant Pomponius en voulut faire un crime à Manlius, qui d'ailleurs n'était pas agréable au peuple par la sévérité qu'il avait exercée dans ses magistratures et à la tête des armées. L'affaire fut poussée si vivement qu'on ne doutait pas qu'il ne fût condamné à une amende considérable.

Titus Manlius, ayant appris l'embarras où son père se trouvait à son sujet, sort seul de son village de grand matin, se rend à Rome, et va à la porte du tribun, qui était encore au lit. Il lui fit dire que le fils de Manlius demandait à lui parler pour une affaire qui ne souffrait point de retardement. Le tribun, persuadé qu'il venait ou le remercier de s'être intéressé dans sa disgrâce, ou peut-être lui découvrir de nouvelles preuves de la dureté de son père, ordonna qu'on le fît entrer. Manlius l'ayant salué demanda à l'entretenir en particulier; les gens du tribun se retirèrent aussitôt par son ordre. Pour lors ce jeune homme lui porta un poignard à la gorge, et le menaça de le tuer si, par les sermens les plus solennels, il ne jurait de se désister de la poursuite qu'il faisait contre son père. Le tribun épouvanté jura tout ce qu'il voulut. Mais il ne fut pas plus tôt débarrassé de ce jeune homme qu'il en porta ses plaintes dans une assemblée du peuple, et demanda à être relevé de son serment. Le peuple, plus généreux,

en ordonna autrement : il lui fut défendu, en faveur du fils, de poursuivre davantage son action contre le père; et, pour récompenser cet acte de piété filiale, le jeune Manlius fut nommé pour remplir une des charges de tribun des légions; emplois dont les généraux disposaient auparavant, et dont le peuple se réserva depuis la nomination. T. Manlius ne fut pas long-temps sans faire connaître, par des actions d'une valeur singulière, combien il était digne de cet honneur. Les Gaulois cisalpins ayant repris les armes pour venger leurs défaites, vinrent camper à trois milles de Rome, proche d'un pont du Teveron [an de Rome 392], sous le consulat de L. Sulpicius et de C. Licinius Calvus, celui même qui pendant son tribunat avait travaillé de concert avec Sextius pour faire passer le consulat dans l'ordre des plébéiéns.

Au bruit de la marche de ces ennemis redoutables, on nomma aussitôt un dictateur; ce fut T. Quintius Pennus, qui choisit Ser. Cornelius Maluginensis pour général de la cavalerie. Les Romains, sous les ordres de ces généraux, s'avancèrent aussitôt jusqu'au bord du Teveron; il n'y avait que la rivière qui les séparât des ennemis. Un Gaulois d'une grandeur énorme, et qui paraissait plutôt un géant qu'un homme ordinaire, s'avança sur le pont, et défia le plus brave des Romains. Sa taille extraordinaire intimidait les plus courageux : Manlius seul crut avoir trouvé un péril digne de sa valeur. Il demanda à son général la permission de combattre le Gaulois :

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