ayant commandé de l'accepter, dans l'efpérance qu'il y rétabliroit les obfervances régulieres, il obéit aux ordres du fouverain pontife, prit l'habit de l'Ordre de S. Benoît, & prononça fes vœux entre les mains de l'évêque de Triferno ou de Caftel, qui lui donna auffi la bénédiction abbatiale le 3 février 1409, en ayant eu commiffion du pape.

Louis Barbo ayant pris poffeffion du monaftere de Sainte-Juftine, commença par faire rebâtir les lieux réguliers & remettre la clôture; mais, comme il n'y trouva que ces trois religieux de Cluni, & qu'il n'auroit pu avec un fi petit nombre pratiquer tout ce qui eft prefcrit dans la Regle de S. Benoît, tant pour ce qui regarde les offices divins, que les obfervances régulieres, il demanda deux autres religieux à l'abbé de S. Michel de Murano de l'Ordre des camaldules, & il fit venir auffi deux chanoines de la congrégation de S. Georges in Algha: quoiqu'ils fuffent tous de différentes congrégations, & qu'ils euffent des habillemens différens, ils convenoient néanmoins ensemble dans les obfervances régulieres qu'ils pratiquoient conformément à la Regle de S. Benoît & aux réglemens qui furent dreffés par Louis Barbo, dont Dieu bénit les bonnes intentions. Car il reçut dans la fuite un fi grand nombre de novices, que le monaftere de Sainte-Juftine ne fut pas suffifant pour loger tous les religieux qui fe rangeoient fous fa conduite, & qu'il fe vit obligé de faire de nouveaux 'établiffemens. Le premier fut à Baffano près de Padoue où il acheta une églife dédiée aux faints martyrs Herningore & Fortunat; il fit relever les bâtimens d'un ancien monaftere qui y étoit attaché, & qui avoit autrefois appartenu à des religieufes, & il deftina ce lieu pour y élever les novices.

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Les bourgeois de Vérone lui ayant offert un établiffement dans leur ville, il y fit auffi réparer un ancien monaftere appelé Notre-Dame de Caretta, qui avoit été ruiné les par guerres & les abbés commendataires; mais il l'abandonna quelque tems après, & le céda aux religieux de S. François, pour faire bâtir un autre monaftere fur le Mont-Agitano, près d'une églife qu'on avoit commencé à bâtir en l'honneur des apôtres S. Jacques & S. Philippe,

& ce fut pour lors qu'il donna le nom de Sainte-Juftine de Padoue à fa congrégation.

Les habitans de Milan, qui vouloient réparer l'abbaye de S. Denis, laquelle étoit toute ruinée, demanderent des religieux à Louis Barbo pour y rétablir la difcipline monastique. La réputation de ce réformateur fe répandant par toute l'Italie, il fut invité par plufieurs princes & plufieurs feigneurs de leur envoyer des religieux pour réformer les monafteres des moines noirs fitués dans les terres de leurs dépendances; mais il ne voulut accepter ceux qu'on lui offrit, qu'à condition que les abbés commendataires ne fe mêleroient plus du fpirituel, & qu'après leur mort la congrégation auroit une entiere autorité fur ces monafteres où elle mettroit tel fupérieur que bon lui sembleroit, & que les religieux, qui y feroient profeffion, promettroient obéiffance à la congrégation. Il en accepta quelques-uns à ces conditions; le premier fut l'abbaye de Sainte-Marie de Florence, dont Nicolas Vafcon étoit abbé commendataire. C'étoit un homme violent & emporté, qui avoit toujours les armes à la main, & qui étoit à la tête de plufieurs fcélérats qui étoient les compagnons de fes crimes: mais ayant été touché par les difcours de Barbo dans une converfation qu'il eut avec lui, non-feulement il lui donna fon abbaye, mais il prit l'habit de l'Ordre de S. Benoît, & mourut faintement dans le monaftere de Padoue.

La congrégation augmentant tous les jours, Louis Barbo en obtint la confirmation du pape Martin V en 1417, lorfque ce pontife paffa par Milan à fon retour du concile de Conftance, où il avoit été élu. La congrégation fit enfuite de nouveaux progrès; on lui donna la célèbre abbaye de S. Benoît de Polirone dans le duché de Mantoue. Les religieux de Cluni, qui la poffédoient, n'y vivoient pas avec plus de régularité que dans les autres monafteres. Gui de Conzague, qui en étoit abbé commendataire, avoit fouvent exhorté ces religieux à réformer leurs moeurs corrompues; mais fes exhortations n'ayant eu aucun effet, il follicita Martin V d'unir ce monaftere à la congrégation de Sainte-Juftine de Padoue. L'union de cette fameufe abbaye lui donna beaucoup de luftre; il augmenta encore davantage par l'union

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qui y fut faite de la bafilique de S. Paul à Rome & de S. Georges-le-Majeur à Venise, de S. Sixte à Plaisance, & de plufieurs autres fameux monafteres. Le nombre en étant beaucoup augmenté, on tint le premier chapitre général en 1424, dans l'abbaye de S. Benoît de Polirone, où Louis Barbo fut élu pour premier préfident général de la congrégation, & tous les ans on tint de pareils chapitres généraux; ce qui fut auffi approuvé par Martin V, qui accorda beaucoup de priviléges à cette congrégation, & permit de faire de nouvelles conftitutions. Eugene IV lui accorda d'autres priviléges, & fit des réglemens pour les chapitres généraux. Enfin Louis Barbo appréhendant qu'après fa mort l'abbaye de Sainte-Juftine ne retombât en commende, se démit de cette abbaye en faveur de fa congrégation dans le chapitre général tenu à Venise en 1437. Après cette démiffion, Louis Barbo voulut mener une vie privée; mais le pape, qui connoiffoit fon mérite, ne voulut pas qu'une fi grande lumiere reftât cachée dans une folitude, & il lui donna l'évêché de Trévise. Après avoir gouverné ce diocèse environ quatre ans, avec tout le zèle & la vigilance d'un faint pasteur, il mourut dans le monaftere de S. Georges-leMajeur à Venife en 1443: fon corps fut porté à SainteJuftine de Padoue, comme il l'avoit ordonné.

Cette congrégation a porté le nom de Sainte-Juftine de Padoue jufqu'en 1504, que le monaftere du Mont-Caffin y ayant été uni après la démiffion qu'en fit le cardinal de Médicis qui en étoit abbé commendataire, & qui fut pape dans la fuite fous le nom de Léon X. Le pape Jules II voulut qu'elle quittât le nom de Sainte-Juftine pour prendre celui du Mont-Caffin, qui étoit chef de tout l'Ordre, & qu'on l'appelât à l'avenir la Congrégation du Mont-Caffin, autrefois de Sainte-Juftine. Elle a environ quatre-vingt-quinze monasteres célèbres & une centaine de petits de leur dépendance. Entre ces petits monafteres, on en compte environ une trentaine où il n'y a que des abbés titulaires qui n'y font pas même leur réfidence. Tous ces monafteres font divifés en fept provinces; favoir, celles de Rome, de Naples, de Sicile, de Tofcane, de Venife, de Lombardie & de Gènes. Le monaftere de Lérins en Provence eft de Tome VI.

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