N ABRÉGÉ CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE DE FRANCE. CINQUIEME PARTIE. Depuis l'année 1758 jusqu'à la Paix de 1783. ÉVÉNEMENS REMARQUABLES SOUS LOUIS XV. 1759. La guerre devenoit plus onéreuse d'une année à l'autre. Les fieurs d'Hervelai, Michel, le Maitre & Baujon, fe chargent de fournir, pour le fervice de la marine, trente-fix millions dans le cours de cette année, à raison de trois millions par mois, moyennant l'intérêt ordinaire de l'argent que le roi leur accorde, & des délégations fur les receV. Part. Α ÉVÉNEMENS REMARQUABLES fous LOUIS XV. veurs-généraux des finances, pour leur remboursement On avoit pris, quelque mois auparavant, de semblables arrangemens avec le fieur de la Borde, pour le paiement & l'entretien des armées de terre. Le roi s'étoit procuré d'autres fecours en cédant aux états de Bretagne le contrôle & le centieme denier qu'il percevoit dans cette province, moyennant le prix principal de quarante millions, qu'ils s'obligerent de payer au tréfor royal, outre le don gratuit de trois millions, qu'ils avoient accordé le mois précédent; mais ces reffources ne fuffifoient pas; l'Allemagne engloutiffoit le numéraire de la France. On auroit voulu trouver tout l'argent néceffaire fans mettre de nouveaux impôts. Le gouvernement crut qu'Etienne de Silhouette, maître des requêtes, auroit ce fecret: il eft fait contrôleur-général. Son auftere parcimonie & fes opé rations précipitées déplurent également. Henri-LéonardJean-Baptiste Bertin le remplace. Pendant le peu de temps que dura le miniftere de M. de Silhouette, le roi, par lettres-patentes du 17 avril, réforme quelques abus qui s'étoient introduits dans le département des fermes, y crée foixante & douze mille actions de mille livres chacune auxquelles fut attribué la moitié du bénéfice dont jouif foient les fermiers-généraux. Cette opération de finance, qui produifit, en vingt-quatre heures, foixante & douze millions, & qui n'étoit pas à charge à l'état, fut fort applaudie. La déclaration portant fufpenfion de plufieurs privileges concernant la taille, fit bénir ce miniftre dans les campagnes; on le regarda comme le pere des labou reurs; enfin la déclaration qui tendoit à la diminution des penfions, dont la multiplication exceffive étoit devenue une charge énorme pour le royaume, ce que nous venons ÉVÉNEMENS REMARQUABLES fous LOUIS XV. de voir renouveller cette année 1787, rendit un inftant M. de Silhouette cher à la nation; mais bientôt on reconnut la variation & l'inconféquence de fes principes, & qu'il ne fortoit d'un embarras que pour tomber dans un autre plus cruel. Les édits de fubvention qu'il fit enregistrer dans le lit de juftice tenu à Versailles le 22 feptembre, effuyerent les réclamations des cours fupérieures, & le crédit en ayant reçu un échec effrayant, non-feulement ls refterent fans exécution, mais il en résulta que, la confiance ne subsistant plus, il ne fut pas poffible de fe procurer, à la maniere ordinaire, les fonds qu'exigeoient l'urgence des befoins. Le contrôleur-général employa la effource extrême de fufpendre pendant un an le paiement des billets des fermes, des refcriptions, & le remboursement des capitaux, qui devoit être fait par le tréfor royal. Par un autre arrêt du confeil, du 20 novembre, les fujets du roi étoient exhortés à porter leur argenterie à la monnoie, pour être convertie en efpeces applicables aux befoins de l'état. Cette reffource produifit à peine douze millions, & mit au grand jour l'état de détreffe où fe trouvoit le royaume, qu'il étoit d'une fage politique de cacher aux étrangers. Les ennemis fe laffoient d'une guerre défaftreuse pour toutes les puiffances. Le prince Louis de Brunfwick, tuteur du jeune ftadhouder de Hollande, avoit notifié à la Haie, au commencement de l'hiver, aux miniftres de France, de Vienne, de Ruffie, de Suede & de Pologne, qu'il étoit chargé, de la part des rois d'Angleterre & de Pruffe, de leur déclarer que, touchés des calamités d'une guerre allumée depuis plufieurs années, ils étoient prêts à envoyer des plénipotentiaires à un congrès, pour y traiter d'une paix folide & durable. Sir Pith, miniftre de ÉVÉNEMENS REMARQUABLES fous LOUIS XV. la cour d'Angleterre, avoit renouvellé, à Londres, la même déclaration; mais le roi d'Angleterre jugeant, par les opérations de finance que faifoit M. de Silhouette, que les reffources de la France étoient épuifées, changea bientôt de langage, & les ouvertures pour la paix ne furent pas pouffées plus loin. Le cri public s'éleva contre M. de Silhouette; on le regarda comme la cause indirect: de la continuation des hoftilités, & il fut renvoyé. Cepen dant le fardeau de la guerre écrafoit les peuples, & jamais elle n'avoit été faite auffi malheureufement que cette année. Les François, victorieux dans le Canada, s'affoibliffoient au milieu de leurs triomphes. L'expérience avoit inftruit les Anglois que les Canadiens, aidés par les Sauvages, étoient en état de repouffer toutes les attaques faites par les milices des colonies angloifes, compofées de cultivateurs paifibles, qui n'étoient point aguerris au carnage par l'habitude de la chaffe & par la vivacité militaire de la plupart des colons françois, qui, loin de donner aux Sauvages les mœurs de l'Europe, fembloient avoir pris celles du pays qu'ils habitoient, l'indolence des peuples Tauvages pendant la paix, leur activité durant la guerre, & leur amour conftant pour la vie errante & vagabonde. La Grande-Bretagne, pour vaincre les obftacles qui s'oppofoient invinciblement à la conquête du Canada, qu'elle se proposoit de faire, prit la résolution de multiplier tellement fes forces dans ces contrées, que les Canadiens en fuffent accablés : en conféquence elle eut, au commencement de cette année, quarante mille hommes fur les frontieres du Canada. En vain MM. de Moncalm & de Vaudreuil, prévoyant que le fiége de Quebec feroit |