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ÉVÉNEMENS REMARQUABLES fous LOUIS XV.

de l'état, voit inutilement le confeil de l'Ile de France protefter encore contre lui de ce que, par le féjour trop prolongé qu'il faifoit dans cette ifle, il l'affamoit. Le comte d'Aché avoit fans doute des ordres précis de refter dans ces parages, mais cette conduite ne fut-elle pas en grande partie la caufe de la perte de Pondichéri ?

Le comte de Lally, n'ayant point de flotte, peu pourvu d'argent & de vivres, forme le projet d'affiéger Madras, & de chercher dans la prife de cette ville les reffources qui lui manquoient. Madras eft invefti du côté de terre. La ville Noire eft emportée & pillée par les foldats, qui font un butin immenfe; mais dans cet affaut le comte d'Estaing eft fait prifonnier: malheur qui lui en attira de plus grands, car, étant de nouveau pris dans la fuite par les Anglois, & transporté en Angleterre il fut plongé, à Poftmouth, dans une affreuse prison: traitement indigne de fon nom, de fon courage, de nos mœurs & de la générofité angloife. Il reftoit à prendre le fort Saint-Georges comme la Bourdonnaye l'avoit pris durant la derniere guerre; mais, tandis que le général fe préparoit à faire donner un affaut à toutes les défenses de la place, fix vaiffeaux de guerre, détachés de la flotte angloife qui étoit alors à Bombai, parurent à la rade de Madras, apportant aux affiégés des renforts d'hommes & de munitions. L'abfence de la flotte françoise se fit alors fentir bien vivement. Il fallut lever le fiége à la hâte, & ́ fe préparer à défendre Pondichéry, que les Anglois bloquerent bientôt.

En Allemagne, le maréchal de Contades ayant été rappellé, le commandement de fon armée fut donné au duc de Broglie, fait maréchal de France le 18 dé

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cembre 1759, & le maréchal de Soubife continuoit à commander celle du bas Rhin. Cette divifion des forces françoifes forçoit les Anglo-Hanovriens à fe partager en deux armées, dont la plus confidérable étoit commandée par le duc Ferdinand de Brunswick, & l'autre par le prince héréditaire de Brunswick, Les François furent tout l'hiver aux prifes avec les alliés; cette petite guerre fatiguoit exceffivement les troupes fans produire aucun événement mémorable. Le maréchal de Broglie, fortant de fes cantonnemens au printemps, gagna du terrein fur le prince Ferdinand, & le 10 juin il remporta une victoire complette à Corbac, fur trente mille Hanovriens, commandés par le prince héréditaire. Cepen. dant cette victoire ne le rendit pas maître de la Heffe entiere, dont il falloit qu'il s'emparât pour pénétrer dans l'électorat d'Hanovre. Le prince Ferdinand, à l'imitation du roi de Pruffe, profitoit autant d'une défaite que d'une victoire; il difputa au maréchal le terrein pié à pié. Le prince Xavier de Saxe, qui fervoit dans l'armée de Broglie fous le nom du comte de Luface, fe rendit maître, le 31 juillet, de la ville de Caffel, & le lendemain il prit encore celle de Munden, l'épée à la main.

Le prince Ferdinand voyant que, malgré fes favantes manoeuvres, le maréchal de Broglie d'un côté, & le prince de Soubife de l'autre, pénétroient toujours plus avant dans la Heffe, & que bientôt elle feroit fubjuguée toute entiere, crut que le moyen de faire fortir les François de ce landgraviat étoit de tenter une diverfion fur le bas Rhin. Le prince héréditaire fut chargé de cette expédition avec un corps de vingt-cinq mille hommes. Déjà quelques détachemens de fon armée avoient paffé le Rhin, les

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illes de Cleves & de Rhimberg étoient prifes & Vesel loqué. Le marquis de Caftries, détaché par le maréchal e Broglie pour faire face à ce prince, arrivant au bord u Rhin, fit attaquer, le 14 octobre, la ville de Rhinperg, dont le marquis de Chabot, maréchal de camp, 'empara par efcalade. Le lendemain, l'armée campa à Clofter-Camp. Le prince héréditaire paffe le Rhin avec oute fon armée, & le 16 il attaque l'armée françoise; e combat dura depuis quatre heures du matin jusqu'à uit. Les Hanovriens furent défaits, le fiége de Vefel fut evé, & le prince héréditaire fe replia fur l'armée du prince Ferdinand.

Cette journée fera à jamais mémorable par une des ctions les plus héroïques que l'hiftoire nous ait tranfmifes. Le chevalier d'Affas, capitaine au régiment d'Auvergne, avoit été envoyé à la découverte pendant la nuit ; à peine ce brave officier a-t-il fait quelque pas, que des grenadiers ennemis, en embuscade dans cet endroit, 'environnent & le faififfent à peu de diftance de la troupe. Ils lui préfentent la bayonnette & lui difent qu'il eft mort s'il fait le moindre bruit. Le chevalier d'Affas fe recueille un moment pour mieux renforcer fa voix, il crie: A moi, Auvergne, voilà les ennemis, & tombe auffi-tôt percé de coups, dévouement digne des anciens Romains; on dreffoit alors des ftatues à de pareils hommes, & les hommages publics rendus aux actions héroïques en enfantoient de nouvelles.

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Après cette bataille le maréchal de Broglie ayant fait fortifier Gottingue, prit les quartiers d'hiver dans la Heffe, & le prince de Soubife fit cantonner la fienne dans la Veftphalie.

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Tandis que les deux princes de Brunswick défendoien l'électorat d'Hanovre contre les François, le roi de Pruff fe maintenoit contre les Ruffes, les Autrichiens & l'armé des Cercles. Pour ce qui regarde les Suédois, après avoir furpris, le 28 janvier, la ville d'Anclan, où ils firen prifonniers trois cents Pruffiens & le comte de Manteuffel qui les commandoit, ils refterent dans l'inaction toute la campagne.

Frédéric, obligé de fe tenir fur la défenfive, campoit, à la fin d'avril, à Strehla, entre Meiffen & Torgau; obfervé par l'armée du velt maréchal Daun, qui, de même que l'année précédente, attendoit pour agir l'arrivée des Ruffes, lefquels avoient paffé l'hiver au-delà de la Viftule, dans la Prufle Polonoife. Le général Loudohn, avec un gros détachement de l'armée du maréchal Daun, avoit pénétré, à la fin de mai, en Siléfie, par le comté de Glatz. Cette province étoit défendue par le général Fouquet, à la tête de dix-huit bataillons & de dix-fept efcadrons. La foibleffe de cette armée avoit forcé le général pruffien de fe retrancher fous Landshut. Ce fut-là qu'il fut attaqué, le 23 juin, par le général Loudohn, & qu'après des prodiges de valeur, fon camp fut forcé & fon armée prefqu'entierement détruite. Le général Fouquet voulut en vain fe faire jour à travers l'armée autrichienne, à la tête d'un régiment de grenadiers; ce régiment fut hâché en pieces & le général fait prifonnier. Cet événement auroit peut-être fait perdre la Siléfie au roi de Pruffe, fi les Ruffes y fuffent entrés au printemps, fuivant le plan d'opérations qu'ils avoient concertés avec les Autrichiens.

L'armée de l'Empire, commandée par le prince des

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Deux-Ponts, arrivoit de la Franconie dans les environs de Drefde. Les Autrichiens avoient alors la fupériorité la plus marquée, & le roi de Pruffe devoit craindre pour fes états le fort qu'il avoit fait éprouver à la Saxe & à la Bohême. La grande ame de ce prince ne parut pas effrayée des périls qui l'environnoient. Il détache, à la fin de juin, un corps de troupes, fous les ordres du prince Henri, fon frere, vers Francfort fur l'Oder, pour obferver les mouvemens des Ruffes; il fait lui-même plufieurs mouvemens qui déterminent le maréchal Daun à quitter les environs de Drefde pour marcher en Siléfie ; c'est tout ce que demandoit le monarque pruffien. A peine le maréchal Daun s'eft éloigné de cette capitale, que Frédéric, comme s'il n'avoit rien à redouter ni des Ruffes, ni de l'armée des Cercles, rentre en Saxe par des marches forcées que lui feul favoit faire; il eft devant Drefde le 12 juillet, & pouffe le fiége de cette ville avec une vigueur qui reffembloit à de l'acharnement. La garnifon fe défendit avec bravoure; en vain la ville étoit bombardée & battue à boulets rouges; le gouverneur refufa de rendre la place, & donna le temps au maréchal Daun de revenir fur fes pas avec fon armée. Alors le roi de Pruffe, forcé de lever le fiége, reprit fon camp auprès de Meiffen.

Cependant le général Loudohn, après la victoire de Landshut, avoit pris la ville de Glats. Il affiégeoit Breflau, lorfque le prince Henri, entrant fubitement en Siléfie, le força de lever le fiége & de fe retrancher à Canth.

Le roi de Pruffe informé

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que

l'armée ruffe étoit

arrivée sur l'Oder, fe porte lui-même en Silésie, pour empêcher la jonction de ces nouveaux ennemis avec les

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