ÉVÉNEMENS REMARQUABLES fous LOUIS XV à Pa armées autrichiennes. Ce monarque campoit, le 14 › Creft fous Lignitz. Quatre armées autrichiennes étoie alors en Siléfie. Le général Lafcy campoit à Goldber le général Beck à Karzbach, le comte de Loudohn Kolfchvit, & le maréchal Daun, qui fuivoit pas le roi de Pruffe, occupoit le camp de Hochkirchem. Če généraux, qui entouroient de tout côté le roi de Pruffe réfolurent de l'attaquer tous à la fois le 15 août, à la point du jour. Le roi en eft inftruit, &, pour prévenir l'exécutio d'un projet fi bien concerté, il décampe au milieu de l nuit, marche au comte de Loudohn, qu'il rencontre avan le jour, près d'Humelen, & qu'il attaque malgré les ténebres. Les Autrichiens fe défendirent jufqu'à la pointe du jour, qu'ils furent mis en fuite avec perte de fix mille hommes & de foixante pieces de canon. Cette leçon de l'art de la guerre, donnée par le roi de Pruffe, déconcerta fes ennemis. Les Ruffes, après avoir refté quelque tems dans l'irréfolution fur la rive droite de l'Oder, & avoir envoyé des partis jufques dans Berlin, rétrograderent auffi lentement qu'ils étoient venus, & furent prendre leurs quartiers d'hiver au-delà de la Viftule, comme les années précédentes. Le roi de Pruffe, après avoir détaché le général Totleben au fecours de Berlin, fe rapprocha, avec toutes les forces, du velt maréchal Daun, campé fous Torgau; le roi l'attaque le 3 novembre, &, après la réfiftance la plus opiniâtre, le force à paffer l'Elbe. L'armée de l'Empire voyant arriver la mauvaise faison fe retira dans la Franconie. L'armée autrichienne fe cantonna dans les environs de Drefde, & le roi de Pruffe ne la perdit point de vue pendant l'hiver. La France perdit, cette année, le capitaine Thurot, ÉVÉNEMENS REMARQUABLES fous LOUIS XV. marin intrépide, qui fe feroit acquis la plus grande réputation, fi fa carriere avoit été plus longue. Sorti de Dunkerque malgré la furveillance des flottes angloifes, il courut quelque temps la mer avec trois frégates pour faire des prifes. Manquant de vivres, il vint mouiller, à la fin de janvier, au nord des Orcades; il enleva quelques provi fions & remit à la voile; fes frégates, difperfées par un coup de vent, fe rallierent, le 6 février, à l'isle Taury, & entrerent dans la baie de Londonderi, où Thurot fe propofoit de débarquer pour attaquer la ville de Londonderi, capitale de la province d'Ufter. Comme il fe préparoit à faire fa defcente, une tempête difperfa encore fa petite efcadre, & ce ne fut qu'avec des peines infinies qu'il fe rapprocha des côtes d'Irlande. Le befoin de fubfiftances le força d'aborder, le 18 février, à la rade de Carrickfergus ; il s'empara de la ville, qu'il mit à contribution; mais fa pauvreté, & la désertion du plus grand nombre de fes habitans, ne permirent pas d'en tirer un grand fecours. Après la capitulation, un officier françois le rendit à la petite ville de Belfaste, pour demander la livraison d'une certaine quantité de provifions, pour fauver Carrickfergus du pillage, dont Thurot menaçoit cette ville. Les Anglois remplirent une partie des demandes qu'on leur faifoir, & s'obligerent à fournir inceffamment le furplus. Cependant les milices du pays, & quelques troupes réglées, fe raffembloient à Belfafte; ces troupes marcherent, le 27 février, à Carrickfergus; Thurot fut obligé de fe rembarquer, emmenant avec lui des ôtages pour la fûreté des contributions promifes par la capitu lation. Il ne manquoit plus à ce marin, pour affurer fa gloire, que de regagner les côtes de France; malheureufe ÉVÈNEMENS REMARQUABLES fous LOUIS XV. ment les vents le retinrent dans le détroit qui fépare l'Irlande de l'Ecoffe; une efcadre angloife, qui le cherchoit, lui donna la chaffe; il fe battit en lion, mais il perdit la vie dans le combat. La France regretta le capitaine Thurot, & les Anglois, honorant fa bravoure, le firent enterrer à Ramfai, avec tous les honneurs de la guerre. Le landgrave de Heffe Caffel meurt au château de Rinteln, le 19 janvier, à l'âge de foixante & dix-huit ans. Arrêt du confeil du 11 mars, par lequel il eft ordonné que les billets des fermes, dont le paiement avoit été fufpendu indéfiniment par un arrêt du 20 octobre précédent, feront payés en cinq paiemens égaux, d'année en année, à compter du premier juillet. Par un autre arrêt du 17 du même mois, le roi pourvut auffi au paiement d'un tiers des refcriptions des receveurs généraux, qui avoit été fufpendu, & au rembourfement des deux autres tiers. Traité de Turin, conclu entre le roi & le roi de Sardaigne, le 24 mars, portant fixation des limites de la France & des Etats fardes, depuis Geneve jufqu'à l'embouchure du Var. Ordonnance des maréchaux de France, du 6 mai, par laquelle il eft déterminé qu'on ne pourra plus fe pourvoir à leur tribunal, pour dette de jeu, au-deffus de mille livres ; défendu à tous gentilshommes & militaires, fous peine de prifon, de jouer fur leur parole au-dessus de cette fomme, & ordonné que ceux qui auront plufieurs demandes à former au tribunal, les énonceront toutes dans la même requête contenant la caufe des billets d'honneur, ÉVÉNEMENS REMARQUABLES fons LOUIS XV. d'honneur, & des engagemens dont on demandera l'exécution. Le roi, par arrêt du confeil du 24 mai, pour punir la ville de Hambourg de fa partialité à l'égard des ennemis de la France, la prive des avantages accordés aux villes anféatiques, par le traité de Versailles du 28 septembre 1716, & ordonne que les fujets de cette république feront traités en France comme habitans d'une ville neutre, avec laquelle il n'y a point de traité de commerce. Le 9 juin, établiffement d'une pofte aux lettres pour l'intérieur de la ville de Paris, d'après le projet de M. Chamoufet. A Parme, la célébration du mariage de l'infante Ifabelle, petite fille de Louis XV, fut faite, le 7 feptembre, avec l'archiduc d'Autriche, aujourd'hui l'empereur Jofeph II. Cette cérémonie fut renouvellée, à Vienne, le 9 octobre fuivant. A Madrid, Marie-Amélie de Saxe, reine d'Espagne, meurt, le 27 septembre, âgée de trente-cinq ans. le Le roi d'Angleterre, Georges II, meurt, cette année 25 octobre, dans la foixante-dix-feptieme année de fon âge. Son petit fils lui fuccede fous le nom de Georges III. 1761. Le 26 janvier, mort du maréchal de Balle-Ifle, miniftre & fecrétaire d'état au département de la guerre. Le duc de Choiseul, fécretaire d'état des affaires étrangeres, eft chargé de ce département. Charles-Louis-Augufte Fouquet, duc de Gifors, maréchal de Belle-Ifle, pair de France, réunit le génie de V. Part. C ÉVÉNEMENS REMARQUABLES fous LOUIS XV. la guerre à celui de la politique & de la légiflation militaire; fa retraite de Pragues fera regardée comme l'effort de l'art de la guerre. Il fuccéda, dans le confeil, au fage, au prudent maréchal de Noailles; &, quoique le marquis de Paulmi eut alors le porte-feuille de la guerre, le maréchal de Belle-Ifle étoit à la tête de toutes les affaires du royaume. Une étude longue & affidue de la tactique, un zele reconnu pour l'honneur des armes françoises, les négociations importantes qu'il avoit terminées avec gloire, le rendoient digne de la confiance de Louis XV & de celle de la nation. Parvenu au miniftere de la guerre, il s'occupa fans ceffe à fubftituer une difcipline févére au relâchement qui s'étoit introduit dans le militaire. On lui doit prefque tous les changemens opérés dans l'administration de la guerre, depuis la retraite du comte d'Argenfon, auxquels il contribua par fes infinuations, lors même qu'il n'étoit pas encore chargé de ce département. Telle eft l'ordonnance du 26 février 1757, portant qu'à l'avenir chaque bataillon d'infanterie fera pourvu d'une piece de canon à la fuédoife, avec un fergent & trois foldats pour la manoeuvrer. Il prévint, au nom du roi, dès fon entrée au miniftere de la guerre, au mois de février 1758, tous les colonels, que ceux d'entr'eux qui continueroient plus long-temps à conniver à ces arrangemens connus fous le nom de concordats, par lefquels la vénalité étouffoit l'émulation, & hâtoit la retraite des officiers les plus en état de fervir, perdroient leurs régimens, & tomberoient dans la difgrace du roi. Un réglement, du 29 mars de la même année, prononça qu'on ne pourroit être colonel qu'après fept ans de fervice, dont cinq ans en qualité de capitaine, |