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ÉVÉNEMENS REMARQUABLES fous LOUIS XV.

reprocha au premier de lui avoir ravi un triomphe certain en ne le fecourant pas. Les deux généraux, mécontens l'un de l'autre, se séparerent & n'entreprirent rien de confidérable le refte de la campagne : le maréchal de Broglie refta dans la Heffe, le prince de Soubife retourna fur le Bas-Rhin; de forte que les deux armées françoises fe trouverent, à la fin de la campagne, dans la même situation où elles étoient à son ouverture.

La principale armée pruffienne, & celle du maréchal Daun, avoient paffé l'hiver en Saxe. Le général Loudohn commandoit un corps de troupes autrichiennes en Silésie, & l'armée des cercles, après avoir quitté fes quartiers d'hiver en Franconie, fe rapprochoit de la Saxe, lorfque le roi de Pruffe, inftruit que les Ruffes, fous les ordres du velt maréchal de Butterlin, s'étoient mis en mouvement plutôt qu'à l'ordinaire, & s'avançoient vers la Siléfie jugeant que cette province feroit, cette année, le principal theatre de la guerre, rappelle un corps de Pruffiens qu'il avoit envoyé, au printemps, pour favorifer l'invasion du prince Ferdinand dans la Hesse. Frédéric, laissant le prince Henri, fon frere, en Saxe, avec un corps de troupes, pour obferver l'armée du maréchal de Daun & celles des cercles, marche dans la province menacée.

Les Ruffes, parvenus aux environs de Pofnanie, vers le milieu de juin, détachent le comte de Romanzou pour entrer dans la Poméranie pruffienne, où commandoit le prince de Virtemberg. Le roi de Pruffe charge le général Zieten, à la tête d'une divifion de fon armée, de fe porter en Pologne, pour obferver les mouvemens des Ruffes, tandis que lui-même il fuivoit pas à pas l'armée du général Loudohn, dont le but étoit de favorifer aux Ruffes le

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paffage de l'Oder. Frédéric ne put empêcher que les Ruffes ne paffaffent ce fleuve, le 12 août, & ne se joigniffent, le 25, à l'armée du général Loudohn, entre Javer & Hoven-Friedberg. Alors ce prince, n'ayant point une armée affez nombreuse pour lutter, en rafe campagne, contre les Ruffes & les Autrichiens, déploya fes talens militaires à rendre inutile la jonction de ces deux armées. Toute l'Europe s'attendoit à une bataille fanglante & décifive, mais le roi de Pruffe avoit fi bien fortifié fon camp, qu'il étoit inattaquable. Bientôt les fourrages manquerent aux deux armées combinées, &, vers le milieu de septembre, elles furent obligées de se séparer. L'armée russe fe retira vers le bas Oder, pour donner la main à la divifion du comte de Romanzou.

Le roi de Pruffe, n'ayant plus en tête que le général Loudohn, dont l'armée reftoit cependant renforcée d'une divifion de vingt mille Ruffes, leva fon camp pour fe rapprocher de la Poméranie, & fe mettre en état de fecourir le prince de Virtemberg, qui commandoit dans cette province, & fur les bras duquel toutes les forces ruffes alloient tomber. Frédéric, par ce mouvement, s'éloignoit de la fortereffe de Schoueidnitz, dans laquelle étoient fes principaux magafins. Le général Loudohn s'ap proche fubitement de cette place, &, négligeant d'en faire le fiége en regle, il fait attaquer à la fois tous les ouvrages extérieurs qui la défendent. Un magafin à poudre qui fauta pendant cette attaque, & dont les débris coûterent la vie à un grand nombre d'Autrichiens & de Pruffiens, favorife fon audace: il emporte Schoueidnitz encore plus vivement que le maréchal de Richelieu n'avoit pris Mahon. Le général Castrou, qui commandoit

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dans la ville, n'eut point le temps de propofer de capitulation; il fut fait prifonnier de guerre avec toute la garnifon. Le roi de Pruffe, étonné de cet événement écrivit au général Caftrou la lettre suivante: « Vous êtes » dans le cas de me dire ce que François Ier écrivoit à » fa mere, après la bataille de Pavie; tout eft perdu hormis » l'honneur. Comme je ne vois pas bien clair dans ce C » qui vient de vous arriver, j'en fufpends mon jugement, » car la chose est bien finguliere ». Le roi de Pruffe, craignant que cette perte ne fût fuivie de quelques autres, fe rapprocha de Breslau, & fe tint, le refte de l'année, 1. fur la défensive, pour fe mettre en état d'envoyer des fecours au prince Henri, fon frere, qui avoit en tête les armées du maréchal Daun & de l'Empire, & au prince de Virtemberg, qui luttoit, en Pomeranie, contre toute l'armée du velt maréchal Butterlin. Les Ruffes affiégeoient, depuis le mois d'août , par mer & par terre, Colberg, port de mer dans la Poméranie pruffienne. Le colonel Heyden le défendoit avec autant d'intelligence que t de bravoure, & le prince de Virtemberg, campé avantageufement à portée de la ville affiégée, ravitailloit de temps en temps la place, & retardoit les opérations du fiége. L'arrivée de toute l'armée du velt maréchal Butterlin rendit fa position extrêmement critique. Les Ruffes s'emparerent, le 24 octobre, de la ville de Troptau, & refferrerent Colberg de plus en plus. La mauvaise faison força le velt maréchal ruffe de fe retirer vers la Pologne pour y prendre fes quartiers d'hiver, mais il laiffa de gros corps troupes au comte de Romanzou; & toutes les fortifications de Colberg étant, à la fin, ruinées par l'artillerie ruffe, cette ville importante fut obligée de capituler le 14 décembre.

de

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Cette campagne fut défavantageufe au roi de Pruffe ; la prife de Schoueidnitz affuroit aux Autrichiens des quartiers d'hiver en Siléfie, & celle de Colberg facilitoit aux Ruffes les moyens de tirer leurs fubfiftances par mer, & de commencer de bonne heure la campagne fuivante. Il étoit probable que, malgré l'or des Anglois, le roi de Pruffe alloit fuccomber fous les efforts réunis de l'Autriche & de la Ruffie, lorfque fa fituation changea, par l'événement le plus inattendu.

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Des négociations pacifiques fe mêloient, cette année, au bruit tumultueux des armes. Un des principaux commis des affaires étrangeres, de Buffi, qui avoit déjà négocié infructueusement à Hanovre, en 1755, avoit été envoyé à Londres, au mois de mai, en qualité de miniftre, & fir Stanley étoit venu à Paris dans la même qualité. La France expofoit, dans fon mémoire, préfenté le 15 juillet, que le traité de paix devant fervir de base à une réconciliation entre les deux couronnes qui ne puiffe être troublée par les engagemens pris antérieurement par l'une & l'autre cour, le roi d'Efpagne feroit invité à garantir le traité futur. Le roi ajoutoit qu'il ne devoit pas cacher au roi d'Angleterre que les différens qui fubfiftoient entre l'Efpagne & la Grande-Bretagne, lui faifoient craindre que, s'ils n'étoient pas terminés inceffamment à l'amiable, une nouvelle guerre ne troublât bientôt l'Europe; que roi d'Espagne avoit confié à la France les points de difcuffion qui fubfiftent entre fa couronne & celle d'Angleterre, favoir: 1° la reftitution de quelques prifes faites durant la guerre présente, fur le pavillon efpagnol; 2°. la pêche fur le banc de Terre-Neuve, dont l'Espagne réclame la liberté pour fes fujets, concurremment avec les François

le

&

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& les Anglois. 3°. La deftruction des établissemens anglois, formés fur le territoire efpagnol, dans la baie de Honduras. Le célebre Pitt étoit alors à la tête du cabinet de Saint-James; il crut entrevoir que la France ne faifoit des propofitions de paix que pour avoir le temps de fe lier avec l'Efpagne; il fut d'avis de les rejetter. En effet, le pacte de famille, ouvrage du duc de Choifeul, négocié fi fecrettement que rien n'en tranfpira qu'après fa fignature, parut bientôt. Il fut figné le 15 août; il contenoit vingt-huit articles: 1. Les rois de France d'Espagne regarderont, à l'avenir, comme leurs ennemis, toute puiffance qui le deviendra de l'ou de l'autre fouverain contractant. 2°. Les deux rois fe garantiffent réciproquement tous leurs états dans quelque partie du monde qu'ils foient, au moment où, après la ratification du

traité, ils feront

paix avec les autres puiffances. La même garantie ef accordée, par l'article 3, par les deux monarques, au roi des deux Siciles, & au duc de Parme. Les articles 4. 6 & 7, reglent les fecours réciproques. Par l'article 8, les guerres que le roi de France pourroit entreprend caufe du traité de Veftphalie, dont il eft garant, &$ des alliances avec les princes de l'Empire & du ont exceptées des cas où le roi catholique doit des

Nordf

part

terre

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fecours.n à moins que quelque puiffance maritime ne prenne ces guerres, ou que la France ne foit attaquée par fur fon territoire. Les articles 17 & 18 contiennent l'engt agement réciproque de n'écouter ni de faire aucune propofition de paix avec l'ennemi commun, que d'un d'Elojentement mutuel. Par les articles 19 & 20, le roi gerropagne ftipule, pour le roi des deux Siciles, les enga ens du traité. Les deux monarques reglent par les V. Part.

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