Imágenes de páginas
PDF
EPUB

ÉVÉNEMENS REMARQUABLES fous LOUIS XV.

infailliblement entrepris cette année, avoient follicité de puiffans renforts; le manque d'argent, la difficulté de faire parvenir les fecours à travers les flottes britanniques maîtresses de la mer, & plus que tout cela la néceffité de recruter les armées qui fembloient fe fondre en Allemagne; tout concourut à rendre vaine la prévoyance des généraux auxquels la défense de la colonie étoit confiéc.

A la fin de juin, une flotte angloife, où l'on comptoit trois cents voiles, fous les ordres de l'amiral Saunders parut fur le fleuve Saint-Laurent, à la vue de Quebec; on avoit préparé dans la rade de cette place huit brûlots, foible mais meilleur moyen de défense que les Canadiens puffent imaginer alors. Par une nuit obfcure & un vent favorable, les huit brûlots font lancés pour réduire en cendres la flotte angloife à l'ancre près de l'ifle d'Orléans. Tout eût péri, hommes & vaiffeaux, fi cette opération eût été conduite avec l'intelligence & le fang-froid qu'elle exigeoit; malheureusement ceux qui en étoient chargés, impatiens d'affurer leur retour à terre mirent beaucoup trop tôt le feu aux brûlots. Les Anglois, avertis à temps du danger qui les menaçoit, eurent celui de s'en garantir par leur activité & par leur audace; il ne leur en coûta que deux foibles navires.

A peine la flotte britannique avoit échappé à fa deftruction, que les Anglois, au nombre de dix mille hommes, attaquent la pointe de Lévis, en chaffent le peu de troupes françoifes qui s'y étoient retranchées, établiffent leurs batteries dans ce pofte, & bombardent la ville de Quebec, bâtie fur la rive oppofée du fleuve, à fix cents pas de diftance. Leur feu détruifoit la ville, mais il ne leur en ouvroit pas les portes. Les bords du fleuve étoient dé-

ÉVÉNEMENS REMARQUABLES fous LOUIS XV.

fendus avec tant d'intelligence, par des redoutes & p des batteries , que les affaillans les regardoient comm inacceffibles, & ils furent de plus en plus confirmés da cette opinion après avoir inutilement tenté d'emporter pofte appellé le Saut de Montmorenci, où ils faillire perdre tous les hommes qu'ils y avoient imprudemme débarqués.

Cependant la mauvaise faifon s'approchoit; le génér anglois Amherst, chargé de faire une diverfion & de p nétrer à Quebec par la route des lacs, ne paroiffoit pa le découragement commençoit à fe manifefter parmi foldats, lorfque le lord Murrai propose de remonter fleuve à deux lieues au-deffus de la place affiégée, & s'emparer des hauteurs d'Abraham, dont les Franço avoient négligé la défenfe, parce qu'ils les croyoient fuff famment gardés par les rochers très-efcarpés qui les env ronnoient. Ce projet s'exécute le 12 feptembre. Cinq mil Anglois débarquent avant le jour; &, fans être apperç au pied des hauteurs, ils y grimpent fans perdre un m ment; ils avoient eu le temps de s'y former, lorsqu'ils for attaqués par environ trois mille cinq cents François. Cet bataille fera à jamais mémorable par la mort des deu généraux. Volf, qui commandoit les Anglois, fut frapp le premier fans que fes troupes perdiffent la confiance la réfolution. Moncalm, général des François, ne fur vécut à cet illuftre adverfaire que pour être le témoin d la déroute des fiens, qu'il ne put rallier. Mortellemen bleffé pendant la retraite, il n'expira pas avec moins d gloire que Volf; il eut même occafion de développ plus d'héroïfme. Ses dernieres paroles furent le confeil d retourner au champ de bataille; c'étoit auffi l'avis d

ÉVÉNEMENS REMARQUABLES fous LOUIS XV.

marquis de Vaudreuil; le confeil de guerre en décida autrement on s'éloigna malgré les renforts qu'on venoit de recevoir. Le chevalier de Lévis, accouru de fon pofte pour remplacer le général, blâma cette démarche timide On voulut revenir fur fes pas & ramener la victoire; il n'étoit plus temps: Quebec, aux trois quarts détruit par l'artillerie de la flotte angloife, venoit de capituler le 18 feptembre. Le chevalier de Ranfai, qui commandoit dans la place, n'avoit eu que quatre heures pour faire le

traité.

L'Europe entiere crut que la perte de cette ville finiffoit la grande querelle de l'Amérique feptentrionale. Perfonne n'imaginoit qu'une poignée de François, qui manquoient de tout, & auxquels la fortune elle-même sembloit interdire jufqu'à l'efpérance, ofât faire des difpofitions pour retarder une destinée inévitable; on les connoiffoit mal. Les Anglois, après un fiege de foixantequatre jours ne furent maîtres que d'un monceau de ruines. Les Canadiens perfectionnent à la hâte des retranchemens commencés à dix lieues de la ville, qu'ils avoient été forcés d'abandonner; &, après y avoir laiffé une garnifon fuffifante pour arrêter les Anglois, ils fe retirent à Montréal, pour s'occuper, pendant l'hiver, des moyens de réparer leurs pertes.

Pendant que Saunders & Volf affiégeoient Quebec, Moore & Barington fe fignaloient dans les Antilles. Une flotte angloife de dix vaiffeaux de ligne, portant huit mille hommes de débarquement, étoit partie d'Europe au mois d'octobre 1758. Les Anglois defcendirent à la Martinique le 16 janvier; mais repouffés vigoureufement par les habitans, ils furent obligés de fe rembarquer le len

[ocr errors]

ÉVÉNEMENS REMARQUABLES fous LOUIS XV.

demain avec perte de fept cents hommes. Ils tournerent leurs efforts contre la Guadeloupe, dont ils firent la conquête après un fiege de trois mois. La Défirade, les Saintes, Saint-Barthelemi, & Mari Galante, petites ifles dépendantes de la Guadeloupe, tomberent en mêmetems au pouvoir des Anglois.

En Europe, le maréchal de Belle-Ifle préparoit une expédition dont la réuffite ne pouvoit pas manquer de forcer les Anglois à faire la paix. Quarante bataillons étoient affemblés fur les côtes de Bretagne, fous le commandement du duc d'Aiguillon. Une feconde armée campoit à Dunkerque, fous les ordres de M. de Chevert. M. de Flobert s'étoit embarqué avec environ huit cents hommes fur la petite efcadre du capitaine Thurot, deftinée à reconnoître les côtes du nord de l'Irlande, à former quelques partis de mécontens, & à favorifer la descente qu'on fe propofoit de faire en Angleterre. Une armée navale de vingt-un vaiffeaux de ligne étoit à Breft, prête à fortir du port, fous les ordres du maréchal de Conflans. L'efcadre de Toulon, compofée de douze vaiffeaux de ligne & de trois frégates, commandée par M. de la Clue, avoit reçu ordre de paffer le détroit, & de se réunir à la flotte de Breft. Le roi de la Grande-Bretagne prévint fon parlement des deffeins de la France, & obtint des fubfides proportionnés à la défense qu'on étoit obligé de préparer. Les Anglois, menacés d'une invafion, arment les flottes les plus redoutables; celle de l'amiral Rodnei fort de la rade de Sainte-Helene le 2 juillet, & tourne fes voiles du côté du Havre de Grace, où s'étoient formés des magafins d'approvifionnement, & conftruits des bateaux plats, deftinés à l'embarquement des troupes. La flotte

ÉVÉNEMENS REMARQUABLES fous LOUIS XV.

[ocr errors][ocr errors][merged small]

angloife jette l'ancre à l'ouvert de la rade. Les galiottes à bombes fe rangent en ligne dans le canal étroit qui porte les eaux à Harfleur, & bombardent la ville durant cinquante heures, fans éprouver les fuccès qu'ils en attendoient. Le commodore Boys, ftationné à la hauteur de Dunkerque, eft chargé d'intercepter & de combattre tout ce qui fortiroit de ce port. L'amiral Bofcaven commande une efcadre de quatorze vaiffeaux dans la Méditerrannée. Enfin l'amiral Hauke fe préfente devant Breft avec une flotte fupérieure à celle que le maréchal de Conflans pouvoit mettre en mer. La grandeur des efforts que faifoit l'Angleterre annonçoit la crainte que l'expédition projettée en France lui infpiroit, & ils auroient été infuffifans pour en empêcher le fuccès, fi les deux efcadres françoifes avoient rendu les fervices qu'on avoit droit d'attendre d'elles.

L'amiral Bofcaven vint bloquer, dans le port de Toulon, l'efcadre de M. de la Clue; mais, battu par la tempête, cet amiral fut obligé de fe réfugier dans le port de Gibraltar. M. de la Clue, au lieu de profiter de cette circonftance pour porter fur l'escadre angsoise, dont quelques vaiffeaux, défemparés par le coup de vent, ne pouvoient combattre qu'avec défavantage, perdit un temps précieux. Il quitte enfin les mers de Provence, &, la nuit du 16 au 17 août, ferrant les côtes de Barbarie, il étoit entré dans le canal, lorfqu'il fut découvert par le Gibraltar, bâtiment que les Anglois avoient stationné fur les parages de Ceuta. Il étoit environ huit heures du foir, lorfque le vaiffeau anglois fignala la flotte françoife, &, à dix heures, l'amiral anglois étoit fous les voiles & hors de la baie de Gibraltar. L'efcadre françoise

« AnteriorContinuar »