XII. LEÇON. La malignité & la mauvaise humeur deviennent les victimes des intentions qu'elles prétent aux actions qui leur déplaifent. Les offenfes ne piquent jamais plus que quand on y fuppofe l'envie d'offenfer. Soyons meilleurs, & les maniéres dont on nous traite, nous paroitront moins odieufes, XIII. LEÇON. Une des premiéres penfées de ceux qui fouffrent, eft d'imaginer que ceux qui les font fouffrir, ne les aiment point. Ce préjugé redouble la fenfibilité par l'idée de l'injuftce. Mais l'injuf tice n'eft fouvent que dans nous-mêmes, & nait de notre méprise fur la nature de l'amour qu'on nous doit. La charité fans rigueur ne feroit qu'une fauffe indulgence, 138 XIV. LEÇON. Si les défauts dont nous nous plaignons font réels, les motifs que nous avons de les Supporter, font preffans. Tous les hommes font capables des mêmes fragilités. Les plus forts ne le font que pour porter les fardeaux des plus foibles, 145 XV. LEÇON. Il feroit injufte de ne pas fupporter les défauts d'autrui quand on en a foi-même. Perfonne n'en eft exempt. L'impatience en eft la preuve. C'eft le caractère du vice d'être offenfé du vice. On fouffre plus de ceux qu'on a, que de ceux qu'on n'a pas; mais il y auroit fouvent une double injuftice à s'en plaindre, XVI. LEÇON. Avoir eu des foibleffes & ne les avoir plus, c'eft un nouvel engagement à tolérer ceux qui n'ont pas encore pu s'en guérir. Ufer avec eux des ménagemens dont on avoit befoin tandis qu'on étoit foible. Se rabaiser pour les relever. Ne défefpérer jamais de leur changement, XVII. LEÇON. On aura peut-être un jour les défauts dont on fe plaint. Les déplacemens, la contrainte, la fragilité, les maladies, les malbeurs & le tens changent le caractére & les volontés des bommes. Confidérons plus ce qui nous peut arriver, que ce qui leur arrive, & fupportons les par la prévoyance du befoin d'être fupporté des autres, 168