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46 De l'honneur dû à Dieu 4. & de de l'Eglife & de la reconnoître pour fa Mere, doit l'écouter, comme il écoute Jefus-Chrift. C'est Dieu même qui ordonne generalement à tout homme pecheur de fe convertir à lui & de faire pénitence : & c'eft fur ce fondement que l'Eglife ordonne à fes enfans la pénitence du Carême en particulier. Il n'eft donc perfonne qui ne foit obligé de fe convertir & de faire pénitence, de quelque maniere que ce foit; puifqu'il n'eft point d'homme qui ne peche; & il n'eft perfonne qui puiffe fe difpenfer de la faire en Carême de la maniere que l'Eglife la détermine, s'il ne veut renoncer à la qualité d'enfant de l'Eglife; fi ce n'est qu'il en foit difpenfe par quelque maladie, quelque infirmité réelle & non imaginaire, ou une foibleffe de fanté incompatible, au jugement d'hommes éclairés & prudens, avec le jeûne & l'abstinence. Y fup- En ce cas-là même on ne doit pas fe pléer par croire excmt de faire ce qu'on peut, de bonnes fuppléer au jeûne par d'autres œuvres œuvres, de pénitence, par la patience dans fes infirmités, par la priere, d'aumône, & peut pas autres bonnes œuvres femblables, & projeûner. portionnées à l'état & à la condition de

d'autres

quand

on ne

fentiel

chacun.

Jeûne ef- IV. Mais fur-tout, il eft un jeûne efindifpen- fentiel, abfolument indifpenfable, & à fable. En quoi tous fans exception font obligés. confifte. Ce jeûne consiste à s'abstenir du peché;

quoi il

à retrancher toute fuperfluité; à mortifier fes fens, fes paffions, fes penchans; à renoncer à l'amour des créatures ; à vivre dans une difcipline reglée, autant que cela fe peut; à veiller fur foi plus exactement; à fe priver des plaifirs même permis, lorfque la fanté n'en fouffre pas notablement; à fe refufer tout ce qui feroit une occafion de peché, ou pour foi, ou pour le prochain; à fuir la tentation & le danger d'offenfer Dieu; à ne fe તે permettre pour la converfation, la compagnie, les vifites, que ce qui eft neceffaire; à garder dans les habits, dans les meubles, dans tout Fexterieur une modeftie reguliere, un air fimple, humble, férieux, & tel qu'il convient à un tems de pénitences qui doit être un tems de larmes & d'humiliation. Quand on pleure un mari mort, une époufe, un pere, une mere, on renonce au fafte, à la vanité, à l'immodeftie, à la joie, & aux di- t vertiffemens; on prend un air & un exterieur de deuil & d'affliction doit-on en faire moins pour une ame morte par fes pechés, & peut-on dire qu'on en pleure la perte, & la perte de Dieu fon bien fouverain, lorfqu'on n'en veut rien rabattre, de fon luxe, de fon éclat, de fes immodefties, de fes plaifirs? On veut racheter fes pechés, & rentrer en poffeffion des biens infimis qu'on a perdus ; mais on ne veut pas qu'il en coûte rien.

:

Autre

jeû

on n'en

& les in

V. Ce n'eft pas ainfi que les anciens fois tous Fideles faifoient pénitence: perfonne ne noient le prétendoit fe difpenfer du Carême, s'il Carême n'étoit malade, ou infirme; ou il n'étoit exemtoit plus regardé comme un pénitent, s'il que les violoit cette loi fainte fans une neceffimalades té veritable. Tous jeûnoient le Carême, firmes. Empereurs, Rois, Grands, riches, pauvres, foldats, matelots, artifans, labou reurs, vieillards, jeunes tous étoient obligés au jeûne, & jeûnoient en effet, On y a accoutumé de bonne heure les jeunes gens, parce qu'on étoit perfuadé qu'étant pecheurs, ils ne pouvoient racheter leurs pechés que par la pénitence; que le jeûne devient beaucoup plus facile, lorfqu'on en a pris l'habitude dès le commencement; que les ames encore tendres, auffi-bien que les corps, font plus fufceptibles des bonnes impreffions & les confervent plus long-tems, felon Prov. 22. cette parole de l'Ecriture: Qu'un jeunehomme ne quitte jamais, non pas même dans fa vieilleffe, la voie qu'il a prife dès le commencement de fa vie. Les feuls malades & les infirmes en étoient difpenfes. On n'en exemptoit pas même pour certaines infirmités aufquelles le jeûne n'eft pas contraire. Tous jeûnoient jufqu'au foir fans rien prendre, & ne faifoient point d'autre repas que le fouper. On n'ufoit ni de chair, ni d'œufs, ni de beure, ni de laitage, ni de fromage: on ne bûvoit ni

6.

Jeûre

des an très- au

ciens

ftere.

vin

vm 'ni rien qui pût enivreri difcip'ine qui a fubfifté jufqu'au tems de faint Bernard, c'eft-à-dire, près de douze cens ans. Le Carême fe fait encore de cette forte aujourd'hui dans l'Eglife Grecque. Il y a même encore parmi nous des gens de bien qui ne font qu'un repas fur le foir, & qui font le Carême fort auftercment. Et dans le dernier ficcle, qui étoit le dix-feptiéme, on a vû dẹs Laboureurs, des gens de la campagne le pratiquer avec édification en plufieurs endroits de la France, nonobftant leurs travaux, & leur mauvaife nourriture. Et même faint Augustin aimoit mieux qu'on retranchât quelque chofe de fon travail & de fes affaires ordinaires, afin qu'on pût entendre la prédication de la parole de Dieu & obferver le jeûne, que de permettre qu'on fe difpensât du jeûne, fous prétexte de fon travail. Il est vrai qu'on faifoit voir aux riches l'obligation où ils étoient de donner aux pauvres ce qu'ils retranchoient de leurs repas ordinaires, afin qu'ayant de quoi fubfifter fans travailler beaucoup, il ne leur reftât aucune excufe pour s'exempter du jeûne.

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Il n'y a point d'excufe aujourd'hui pour ceux qui n'obfervent pas le jeûne du Carême felon l'ufage préfent.

Moleffe fi auftere, tout le monde l'obfer

Orfque le jeûne du Carême étoit

& lâche

té des Chré

tiens. d'aujour

d'hui.

voit: & aujourd'hui que le jeûne est si modere, fi doux, fi facile, prefque perfonne n'a le courage de l'embraffer. On a la douleur de voir que la plupart des Chrétiens s'en dispensent, riches & pauvres, tant ceux qui font dans la neceffité de travailler pour vivre, que ceux dont toute la vie n'eft qu'une oifiveté perpétuelle. La délicateffe, ou plutôt la lâcheté & la moleffe font telles, que la plus legere incommodité fait peur, fait vio ler la Loi de l'Eglife. On ne fait pas même l'effai de fes forces: & fi on ne jeûne pas, ce n'eft nullement qu'on ait été incommodé du jeûne; puifqu'on n'ofc pas même en approcher de loin: c'eft qu'on craint de l'être. Des foibleffes & des infirmités à venir, fort incertaines, qui ne feront peut-être jamais, mais qu'on veut s'imaginer pouvoir être, des fantômes de maladies fans réalité, font les raifons & les motifs qu'on allegue, pour ne pas même l'entreprendre. On les fuppofe, comme fi elles étoient réelles, & on ne

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