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en défaut, n'y faifoient d'autre façon que de changer quelque lettre à ce terme & d'y joindre une terminaifon latine d'où il eft aifé de voir, qu'un répertoire qui contiendroit un grand nombre de ces anciens termes prefque oubliés, ou prêts à l'être, qui ont fervi de modele à ce latin barbare, pourroit en donner l'intelligence à ceux qui dans cette Province s'occupent de cet utile travail.

C'est en effet de l'intelligence de ce latin que dépend quelquefois la décifion d'un point de Droit, le gain, ou la perte d'un procès. Ce terme, ou fon prototype languedocien fe fera confervé dans un canton de la Province; tandis qu'il fera ignoré par-tout ailleurs. D'où l'on comprend l'utilité d'un Recueil qui rassemblât tous les idiômes, qui de près ou de loin ont pu fervir de fujet à la latinité des anciens actes.

Le célebre Ducange en a reconnu le besoin dans la Préface de fon Gloffaire où il s'exprime en ces termes : » Optandum effet ut in fingulis nationibus prodeant viri » docti qui lingua fua idiomata, vim, eorum origines, » fed & defuetas & jam pridem obfoletas voces ad amuffim » inveftigent explicentque, &c. » Il rapporte un grand nombre de termes de ce latin inintelligible dont il fe contente de donner le paffage où ils fe trouvent, fans en donner l'explication: tels font entre autres, capfana, ou caffana, fáiffia, femalum, engrunagium, &c. qui ne font que du languedocien déguifé, & Ducange étoit Picard.

Un Recueil de l'efpece dont nous parlons ferviroit encore à faciliter l'intelligence non-feulement des actes latins, mais de ceux encore du vieux languedocien luimême, qu'on trouve dans la pouffiere des Archives de nos Hôtels de Ville. Ces dernieres pieces fervent comme les précédentes à établir d'anciens droits ou leur exemption; & l'on ne peut fouvent en faire ufage en les produifant en juftice, faute d'en comprendre bien des termes, dont l'explication tient à la comparaifon qu'on pourroit en faire avec les termes d'un autre diale&te, dans lefquels une lettre ajoutée ou retranchée donne fouvent la clef des premiers.

Nous n'avons rien négligé, autant qu'il a dépendu de nous pour donner à notre collection toute l'étendue qu'elle exigeoit ; nous avions besoin d'être aidés, n'étant

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pas poffible qu'un homme pût lui feul remplir une tâche qui demanderoit une longue habitation dans vingt endroits différens & à des distances confidérables l'une de l'autre. Nous adreffâmes des mémoires détaillés à des gens de lettres des principaux cantons de la Province auprès de qui nous nous renommions de perfonnes de leur connoiffance, ou de leurs amis; mais ces mémoires, nos follicitations & nos offres ne produifirent rien chez la plûpart; & ne nous procurerent de quelques-uns, qu'une partie de ce que nous défirions : en forte que quelque étendu que foit notre Recueil, nous voyons avec regret qu'on ne peut le regarder que pour un Ouvrage, pour ainfi dire, d'attente.

Outre l'utilité dont peut être cette collection de termes languedociens, tant anciens que modernes, nous avons vu ci-deffus, qu'ils nous donneroient occafion de nous arrêter fur des objets d'un moindre intérêt; tels que ceux qui ne feroient que curieux : & nous avons cru que certains Lecteurs nous fauroient gré de ne les avoir pas négligés, s'ils pouvoient contribuer à jeter de la variété & peut-être de l'agrément dans un Ouvrage fec & monotone de fa nature.

C'eft fur le pied d'articles purement curieux qu'on prendra ceux que nous avons ajoutés, tant fur les noms propres, que différentes remarques critiques, hiftoriques, grammaticales, &c. & diverfes obfervations de Phyfique & d'Hiftoire naturelle.

Les noms propres Languedociens auxquels, pour la plûpart, on n'attache aujourd'hui aucun fens, & qui font appliqués à différens lieux d'où ils ont paffé aux perfonnes, font des termes de l'ancien langage & dans le cas des noms propres Hébreux, Grecs & Latins; c'est-à-dire, qu'ils ont été dans leur origine noms communs, ou appellatifs, & ne font devenus noms propres, que lorfqu'ils ont ceffé d'être ufités dans leur acception commune, ou lorfque cette acception a été d'abord peu connue & enfuite entiérement oubliée. On peut citer pour exemple entre bien d'autres, les noms de lieu fuivans. Courbes, Keila, ou Cheila, Caffâgno, Mariuêjhë, la Nuêjho, Lichêiro, &c.

L'on a d'autant plus de raifon de penfer que ces noms ont été fignificatifs & qu'ils ont fait partie de l'ancien langage du pays, qu'on a donné de temps immémorial

le même nom à des lieux très-diftans l'un de l'autre ; & qu'il eft à préfumer qu'on a eu une raifon commune de le faire, à caufe d'une fignification qui convenoit également à chacun de ces lieux; comme on peut en voir un exemple à l'article Salo. De plus, quelques-uns de ces noms ont des augmentatifs & des diminutifs, comme les noms communs ; ce qui fuppofe encore une fignitication, ou un fens plus ou moins applicable aux chofes nommées & à des objets de même genre: tels font les noms précédens. Courbes, dont l'augmentatif eft Courbeffas. Keila, ou Cheila, dont les diminutifs font, Kêile, Keilade, le même que Chêiladë. Caffâgno, ou Chaffâgno, & fon augmentatif Caffanas, ou Caffagnas & fes diminutifs, Caffagneto, Caffagnôlo; & ainfi de Mariuêjhë, Mariuejhol, la Nuejho, la Nuéjhol. Licheiro, Licheirëto, &c.

Nous avons effayé de rappeler la fignification plus ou moins obfcure de quelques-uns de ces noms & de les réduire à leur forme primitive, en marquant les altérations que le temps pouvoit y avoir apporté; & nous avons été quelquefois affez heureux pour réfoudre cette forte de problêmes; ce qui vient à l'appui de notre affertion, que les noms propres languedociens ont été des noms communs de l'ancien langage.

Mais nous avouons que nos efforts ont prefque toujours échoué contre une claffe de ces noms, qui appartient à une langue plus ancienne que celle des Romains, & même celle des Grecs, & qui font probablement Celtiques. Cette claffe eft finguliérement remarquable par fes terminaifons en a ou ac. On en trouve beaucoup dans les différentes Provinces du Royaume; mais plus que par tout ailleurs, dans nos Provinces gafconnes; tels font, Torna, Corcona, Quezac, Lanfac, Fijac, Cofnac, Cabriliac, Vibrac, Maffiac, Larnac, Freffac, Clerac, Ceirac, Sauffenac, Larzac, & des centaines d'autres que nos conjectures n'ont pu même entamer; faute peut-être du fecours des livres qu'on ne trouve point dans la Province, & encore moins dans une petite ville.

Il eft à croire que ces noms qui d'âge en âge ont paffé jufqu'à nous, font les débris d'un ancien langage & qu'ils ont été d'autant plus à couvert d'une certaine altération, qu'étant devenus noms propres de lieux, ils devoient moins éprouver les changemens arrivés au lan

gage, dans des temps où l'on refpe&toit davantage cette propriété. Ce qui a pu y contribuer encore; ils étoient appliqués la plupart à des chofes ftables & qui fe faifoient remarquer; telles que des montagnes, des buttes, des collines, dont les noms pouvoient en exprimer la forme, l'étendue, & de plus, la qualité des rochers, des minéraux, la nature du terrain, les productions végétales, &c. &c. ce qui donnoit une grande variété pour les dénominations. Les mêmes montagnes ont fait dans la fuite partie de fiefs; on y a élevé des Châteaux, qui en ont pris le nom, de même que ceux qui en étoient les poffeffeurs les maifons de ces derniers fe font éteintes l'une fur l'autre, leur vrai nom eft perdu, ou à peine connu ; tandis que celui du Château en ruine, ou de la montagne, fubfifte & brave les changemens & l'oubli qu'amenent une longue fuite de fiecles.

En travaillant, au refte, à découvrir la fignification des noms propres, nous n'avons pas négligé ce qui pouvoit donner des lumieres fur l'origine de beaucoup de noms appellatifs languedociens. Nous en avons fuivi, pour ainfi dire, la généalogie & marqué la defcendance; nous les avons rapprochés de ceux des autres langues anciennes ou modernes auxquels ils reffemblent; fans décider toujours s'ils en dérivent, ou s'ils ont une origine

commune.

A l'égard du petit nombre d'observations de physique & d'hiftoire naturelle & des remarques historiques, critiques & grammaticales qui fe font préfentées dans quel ques articles; elles font la plûpart neuves, & celles qui n'ont pas ce mérite, font tirées de différens Ouvrages que peu de Lecteurs peuvent fe procurer. Nous employons fobrement ces ornemens étrangers qui nous ont fervi de délaffement, & qui peuvent produire le même effet, comme nous l'espérons, fur le Lecteur fatigué.

Nous ne pouvons finir ce Difcours, quelque long qu'il foit, fans avertir du fyftême d'orthographe que nous nous fommes fait & que nous fuivrons dans cet Ouvrage; à quoi nous ajouterons quelques remarques fur la prononciation languedocienne, qui feront une forte de Traité préliminaire, néceffaire pour la lecture & l'intelligence des termes languedociens.

on

Quoiqu'on parle généralement le Languedocien, ne l'écrit guere depuis bien du temps que pour quelques

couplets de chanfon, ou pour quelqu'autre petite piece de poéfie. Dans ces occafions chacun fe fait une orthographe à fa fantaifie, & celle qu'on fuit communément eft une imitation de l'orthographe françoife; cette orthographe eft fi incertaine, fi différente de notre prononciation, & les mots pour l'ordinaire y font fi défigurés, qu'un Languedocien y méconnoît fouvent sa propre langue & n'entend qu'en devinant la plûpart des chofes qu'il lit.

On fait que l'intelligence d'un mot dépend de la forme que l'écriture y donne & de la prononciation, foit expreffe, foit tacite qu'on y attache: car quoiqu'on life fans remuer les levres,on prononcetoujours tacitement; & s'il arrive que la forme de l'orthographe s'éloigne trop de la prononciation accoutumée, on ne comprend ce qu'on lit, ou ce qu'on entend lire qu'avec beaucoup de peine qu'un habitant de Londres peu fait à l'orthographe & à la prononciation françoife, nous life une page de la Henriade, ou de l'Éneïde, nous croirons entendre de l'Anglois, ou du Wifigot.

Pour éviter cet inconvénient, qui n'en étoit pas un petit pour cet Ouvrage, après avoir étudié les fons les plus difficiles de nos termes, nous avons pris le parti de les copier, fi l'on peut s'exprimer ainfi, de mot à mot & d'écrire le Languedocien précisément comme nous le parlons. (a)

(a) Nous avons eu occafion depuis la premiere édition de ce Dictionnaire de feuilleter dans la Bibliothèque de feu M. Falconnet, une nombreuse collection de petits Ouvrages écrits dans les différens dialectes gafcons : nous y avons fouvent remarqué les efforts des Auteurs pour rapprocher leur orthographe de leur prononciation; mais ils en venoient rarement à bout, faute fans doute d'avoir confulté l'oreille & de l'avoir prife pour regle: ils tomboient prefque toujours, & comme malgré eux, dans l'orthographe françoife, qui n'eft propre qu'à égarer un Lecteur, même dans fon propre idiôme.

C'est ce qu'on éprouve par rapport au françois dans les écrits de ceux qui n'ont pas fait une étude de cette langue & en particulier dans ceux des Dames, dont les lettres font quelquefois plus difficiles à déchiffrer que de vieilles écritures du XV. fiecle; & qui feroient cependant fupportables & bien plus intelligibles, fi au lieu de courir au hazard fans principe & fans regle après l'orthographe françoife, elles s'exerçoient à écrite comme elles parlent fans y mettre une lettre de plus ou de moins, & fans contrarier

Telle

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