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Telle a été l'orthographe des langues dès l'invention de l'écriture: elle a dû peindre la parole & fe régler fur la prononciation: on n'avoit aucune raifon d'admettre des caracteres qui ne fe prononçant pas, n'étoient propres qu'à brouiller & embarraffer le Lecteur. On ne connoiffoit point les lettres muettes, on les faifoit toutes fonner en donnant à chacune le fon qui y eft propre. (a)

Un long ufage de la langue françoise rendit fi familiers certains termes, qu'on vint à les entendre, comme on dit, à demi-mot; on en vint en parlant, à les exprimer de même ; c'eft ainfi que certains petits marchands des rues ne font entendre qu'à demi leur cri à peine articulé, pour leur être devenu trop familier : c'est ce qui amena les ellipfes, les fyncopes dans la prononciation trop arrêtée par l'orthographe: dès que celles ci ne mit plus les mêmes entraves à la parole, ou qu'on s'en fut affranchi, on la laiffa fubfifter, pour être comme la dépofitaire de la forme primitive des termes.

Nous avons cherché à rappeler notre Languedocien à cette ancienne forme, ou à établir, à l'exemple de la langue Italienne, un rapport exact entre l'orthographe & la prononciation. Nous n'étions point gênés de ce côté par aucune des confidérations qui doivent rendre un Auteur réfervé, lorsqu'il écrit dans une langue déjà affuz jettie à des regles & dont l'orthographe eft en quelque façon fixée, ou par les Grammairiens, ou par l'ufage reçu des bons écrivains: il eft convenu qu'elle doit être relative à l'étymologie des différens termes & qu'il n'est

par leur orthographe la prononciation françoife; comme on eft cependant obligé de le faire dans les bonnes regles.

(a) Nous ditons à ce propos, qu'il nous femble entendre nos ancêtres du XV. fiecle prononçant leur françois à peu de chofes près; comme faifoient il y a 60 ans nos Notaires, diétant un actë à de jeunes Clercs qui péchent ordinairement par l'orthographe : le Notaire qui s'en défioit, appuyoit gravement fur chaque lettre des mots de fa dictée; & par conféquent d'une façon fi contraire à la prononciation même du temps où ils vivoient, qu'il falloit être bien attentif pour s'appercevoir fi c'étoit du françois qu'on entendoit ou un langage étranger: tant l'ancienne prononciation de nos ancêtres, que ces Notaires fembloient retracer dans leurs dictées, différe de la modetne! quoique l'une & l'autre føïë appuyée fur la même orthographe:

Tome I.

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que très-rarement permis d'y faire des changemens. Il n'en étoit pas de même du Languedocien, qui n'ayant rien de fixe à cet égard, a été pour nous une terre vacante où, comme en pays de conquête, nous avons pu faire des loix: mais ces loix ne font point arbitraires; nous n'avons ufé de notre droit, que pour choifir entre les orthographes, celle qui nous a paru la plus fimple & la plus facile, & nous nous flattons de l'avoir fi bien affujettie à la prononciation, qu'elle en eft une exacte & fidele expreffion.

Il a été pour cet effet indifpenfable, non-feulement de n'admettre dans un mot: que les lettres qui s'y prononcent; mais fur tout d'établir QU'ELLES SONNENT TOUTES, A QUELQUES EXCEPTIONS PRÈS, ET QU'ELLES ONT LA MÊME VALEUR QUE DANS L'ALPHABET, OU LORSQU'ON LES ÉPELLE SÉPARÉMENT. Ces excep❤ tions dont la connoiffance est nécessaire pour lire notre idiôme comme on le prononce & comme nous l'écrivons, tombent fur le fon de quelques lettres totale. ment étranger au françois fur quoi nos Compatriotes eux mêmes prendroient le change s'ils n'étoient prévenus. C'est ce que nous nous propofons de faire dans les Remarques fuivantes où l'on verra en quoi notre orthographe, & conféquemment notre prononciation, différent de la françoife. 19. Dans le fon de quelques confonnes compofées. 2°. Dans celui de quelques voyelles. 3. Dans les diphthongues & les triphthongues. 4°. Dans le temps plus ou moins court qu'on met à prononcer certaines voyelles foit fimples foit compofées.

Les habitans de nos Provinces méridionales pour qui nous écrivons, apprendront dans ces Remarques, nonfeulement à lire couramment leur langue d'après la plus fimple & la plus naturelle des orthographes; ils y verront encore dans les principes de la prononciation qui leur eft propre, la fource des fautes où ils tombent dans la prononciation du François.

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Sur les Confonnes, ch, jh, gh, gn, n, s.

POUR

OUR faire entendre l'efpece particuliere de fon qu'on attache à une lettre, & pour en inftruire ceux qu'on ne le peut faire de vive voix, il n'y a guere que deux moyens; dont l'un, qui a été pour Moliere un fujet de plaifanterie, eft de montrer comment il faut difpofer & faire agir les différens organes de la voix articulée, pour produire les fons proposés.

L'autre est d'inftruire par des exemples tirés des langues, où ces fons fe rencontrent, & dont on fuppofe la prononciation connue. Nous aurons recours à l'un & à l'autre moyen. Le dernier eft plus facile & plus abrégé; la mécanique de l'autre, qu'on emploie cependant avec fuccès, pour apprendre à parler aux fourds & muets de naiffance, étant quelquefois fi délicate & fi 'compliquée, qu'il eft mal aifé de la faifir & fur-tout de la faire exécuter; à moins qu'on n'ait à instruire des Lourds & muets de naissance.

Prononciation du ch Languedocien.

Nous commençons par la prononciation du ch Languedocien, elle eft la même que celle du ch Espagnol dans mouchacho; de l'Anglois dans church; du c Italien devant les voyelles e, i, dans cecita. Cette prononciation est une de celles qui réuffiffent le plus mal aux Parifiens qui s'étudient à parler le Languedocien, ou PI

talien, qui ont entre eux beaucoup d'affinité : ils y me lent d'après tous les Maîtres de Langues, ou peut-être tour naturellement le fon du, qui certainement n'y entre pour rien: ils prononcent en conféquence notre mot chamas, par ex. comme s'il étoit écrit tchamas, en donnant outre cela au ch le fon qu'il a en François dans, chiffe, chétron, charanfon, &c. ce qui eft une double méprife.

Ce tch a dans fa prononciation un fon compofé, ou plutôt deux fons diftin&ts qu'on ne peut confondre én un feul; favoir, celui du t & celui du ch. Le t fe forme en appliquant le bout de la langue fur les dents, ou fur le palais; d'où elle fe détache au moment de l'explofion brufque & momentanée de la voix, le ch François n'eft qu'un fifflement vif & permanent entre les dents prefque fermées.

Or il est évident à qui voudra l'effayer, que ces deux mécaniques ne fauroient s'exécuter à la fois; & quand même cela feroit poffible, on n'auroit pas encore le ch Languedocien, ou Efpagnol, ni le ceci Italien dont le fon eft fimple, momentané, fans fifflement; & fe fait par l'appli cation de prefque tout le plat de la langue au palais, d'où elle fe détache au moment de l'explosion de la voix.

On voit par-là que l'orthographe tch, défigure plutôt qu'elle ne repréfente le fon en queftion, & qu'elle n'eft propre qu'à induire en erreur. C'eft le défaut où font tombés Veneroni, Placardi, & leurs imitateurs, pour vouloir peindre la prononciation dont nous parlons, & quelques autres où ils n'ont pas mieux réuffi que l'Auteur de la prononciation Angloife; comme on le verra dans la prononciation de la confonne compofée fuivante.

Prononciation du jh Languedocien.

Notre j-confonne devant les voyelles, a, e, i, o, u, a la même rudeffe que l' Anglois devant les mêmes voyelles, ou que le g Italien devant les voyelles e, i; en forte que nous donnons à cette confonne dans, jêisso, barja, jinoufclo, jor, &c. le même fon que les Italiens donnent au g du mot giungere, & les Anglois à l'j des mots jeft, jilt, &c.

Cette prononciation de l'j-confonne ne differe de celle de notre ch, qu'en ce qu'elle est mêlée d'un fan guttural

qui lui donne une forte de rudeffe: elle fe forme d'ailleurs de la même façon, & produit de même un son mọ、 mentané très-fimple, dans lequel la lettre d n'a pas plus de part que dans les mots Italiens, giungere, giuoco germolare, &c. ou dans les mots Anglois, jeft, jail, jhon, jholt, &c. que les Maîtres des Langues veulent abfolument qu'on prononce comme dgiungere, dgiuoco, &c. & comme djeft, djail, djohn, &c. par une méprife pareille à celle que nous avons remarquée au fujet du ch. Nous avons cru devoir avertir par une orthographe particuliere de cette prononciation; & pour la caractérifer, de même que la fuivante, nous nous fommes fervi de la lettre h, la moins capable d'induire en erreur; puifqu'elle n'a pas de fon qui lui foit propre; & que fon aspiration n'a pas même lieu dans les mots où nous l'employons. C'est ainsi que nous écrivons les mots précédens, jhêiffo, barjha, jhinoûfclo, &c. plutôt que d'écrire djeiffo, bardja, ou que bargea, barjea, barga, &c. comme on le voit dans différentes petites feuilles dont les Auteurs ne favent comment s'y prendre, pour rendre le fon' de cette lettre, qui est tout entier dans notre jh, & très-indépendant de celui des lettres qui précédent, ou qui suivent.

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Prononciation du gh Languedocien,

Nous avons fait fuivre de même d'une h notre g dans les mots Languedociens tels que, ghêchë, ghincha, &c. où le g fonne comme dans les mots François, guerre, guinder, &c. Si au lieu de l'h, qui n'eft placé dans ces mots que comme un figne de convention, pour avertir du fon dur que le g doit avoir devant les voyelles e, i; nous avions mis un u, comme en françois, ayant déjà pofé pour principe, que toutes les lettres ont ici leur fon naturel ou qu'elles fe prononcent comme dans l'alphabet; le Lecteur auroit fait fonner cette voyelle & par tant fi nous avions écrit, guéchë, guincha, il auroit prononcé comme, gu-échë, gu-incha; de même qu'on prononce les mots latins, gueldria, guillelmus, ou comme les mots françois, aiguille, aiguiser, quadrupede, quadrangulaire; ce qui auroit défiguré ces premiers mots.

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D'ailleurs l'h jointe au g, ne peut induire en erreur ;

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