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de l'i, ou fi on l'y fait fentir, comme par exemple dans pantai; ce fera un ï tréma & alors les diphthongues précédentes, âi, éi, ôi, &c. changeroient de nature & de monofyllabes qu'elles font, elles deviendroient diffyllabes; puifqu'on y prononceroit l'âi, par ex. de pantai, comme l'ai de judaïfme; l'i tréma emportant avec foi un repos qui le fépare néceffairement de la voyelle qui le précéde.

ou

Si l'on vouloit chercher pourquoi les Parifiens, les habitans delà la Loire, changent en ï tréma l'i des diphthongues, âi, éi, ôi, oùi, & les prononcent comme aï, eï, oë, ouï; il faudroit diftinguer avec M. Duclos de l'Académie françoife, deux fons différens dans les diphthongues : l'un qu'il appelle transitoire ; parce qu'on le prononce rapidement; l'autre repofeur; parce que c'eft fur celui-ci qu'on fait la tenue & que la voix s'arrête or dans les diphthongues françoises le fon tranfitoire est toujours le premier & le repofeur le fecond comme on peut le voir dans, ciel, nuit, lui, contribution, moi, ou plutôt mouè, qui eft la vraie diphthongue auriculaire de ce mot.

Dans le languedocien au contraire, cet ordre des fons eft prefque toujours renverfé; & dès-lors il est tout fimple qu'un François en prononçant, par ex. notre pëcâirë, appuie fur l'i qui eft pour lui le fon reposeur; plutôt que fur l'a, qui eft le repofeur du Languedocien; & que celui-ci prenne le contre-pied, ou qu'il renverfe cet ordre des fons.

La diphthongue io, lorfqu'elle eft finale d'un mot est étrangere à la prononciation françoife: auffi ceux qui n'en connoiffent point d'autre, prononcent-ils les mots fuivans, gripio, gardio, bôrio, &c. comme gripi-e, gardi-e, bori e, &c. de même qu'on prononce plui-e", trui-e, appui-e, &c. en donnant à l'o final des premiers, le fon de l'e féminin plus analogue au françois : & comme le fon de cet e n'entre que pour fort peu dans la prononciation, la voyelle i devient, pour ainfi dire la finale de ces mots; c'eft fur elle qu'on appuie ; ce qui la fépare de l'e féminin qu'on ne fait presque pas fentir.

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Il n'en eft pas de même en languedocien où l'i & l'o fe prononcent pleinement en un feul temps & font une vraie diphthongue; telle qu'on peut en voir dans

les

tés mots Italiens, baccio, favio, foverchio, & dans l'Espagnol, perdio, fuccedio, & même en françois au commencement d'un mot dans pioche, fiole, &c. Il y a même des Vers dans l'Étourdi de Moliere où le io final étoit autrefois une vraie diphthongue & devoit être prononcé à la languedocienne pour la mesure du Vers; c'est dans le nom propre Zenobio.

Il s'appeloit alors Zenobio Ruberti.

Une longue habitude de cette derniere prononciation jette quelques Languedociens dans l'erreur : ils prononcent les mots françois analogues au mot languedocien puio; tels que pluie, truie, appuie & d'autres tels que tuiere, &c. comme fi l'i fonnoit avec la voyelle qui les fuit & que ces mots fuffent écrits de cette façon-ci, plu-ie, aappu-ie, tu-iau; au lieu que ces ¿ doivent être joints avec la voyelle qui précéde & ne faire enfemble qu'une diphthongue comme dans plui-e, appui-e, tui-au, &c.

S.

QUATRIEME

Des voyelles Languedociennes longues & breves.

EN

N parlant dans le précédent paragraphe des fons repofeurs & tranfitoires, nous avons indiqué d'avance nos voyelles longues & breves. Il y en a de compofées qui font partie des diphthongues dont nous avons parlé, il y en a de fimples fur lefquelles le repos & le passage rapide des deux fons fe font également. Nous n'avons marqué que les voyelles longues, foit fimples, foit compofées fur lefquelles nous avons mis un chevron, ou accent circonflexe; ce qui fuffifoit, parce qu'une voyelle longue qui eft la pénultieme d'un mot, ou de ce qui tient lieu de pénultième, rend breves dans notre langue toutes celles qui la fuivent.

Notre accent circonflexe eft en même temps accent profodique; puifqu'il indique par l'ufage que nous en faifons, non-feulement de peser sur les voyelles qui ea Tome I.

font marquées; mais encore d'y élever un peu la voir; laquelle tombe tout naturellement fur la voyelle, ou la fyllabe breve qui fuit; qu'on paffe rapidement, comme on peut le voir dans la diphthongue dou du mot cagaráoulo. (a)

Il eft effentiel de ne pas perdre de vue cet accent, qui eft la clef de la prononciation & de la profodie languedocienne : il y influe fi fort, qu'il femble changer la nature des fyllabes; & qu'un même mot prend deux fons différens, felon qu'il eft chargé de cet accent, ou qu'il ne l'eft pas, ou bien qu'il est différemment. C'eft ainfi que la diphthongue fou du mot sënëpiou paroît tout autre par la prononciation que l'accent y donne, que celle du mot sëghiou, où cette diphthongue n'eft point accentuée.

Et par rapport à deux mots écrits de même, on va voir dans les exemples fuivans la différence que l'accent peut y mettre. Ces mots ci ne diffèrent que par-là l'un de l'autre. Bigo; mât de vaiffeau, bigo; un hoyau. Palo; une pelle, palo; un lourdaud. Caliou de la cendre-chaude, caliou; un cochon. Coublë; un attelage, couble; une folive. Máou; mal, maoû; un carreau de terre cuite. Mêrlë; un merle, merlê; un créneau. diffo; plainte, aiffo; ceci. Poûgne; pondre, pougné, le poing. Margo; manche d'habit, Margo; Marguerite. Nêci; imbécille, nect, néceffaire. Lengâdo; coup de langue, trait fatyrique. Lëngadổ; le Languedoc, &c. où l'on remarquera que la mefure, ou quantité du premier lëngado, en particulier, eft une fyllabe fongue entre deux breves; & que le dernier eft un dactyle, ou une fyllabe longue fuivie de deux breves.

L'on remarquera auffi premiérement, que l'accent circonflexe placé fur la derniere fyllabe d'une diphthongue la féparant par cela même de la voyelle précédente, elle ceffe d'étre diphthongue. Ainfi la diphthongue dou qui eft monofyllabe dans máou; mal, devient de deux.

(a) Toutes les voyelles font fujettes à être marquées de l'accens circonflexe & par conféquent l'e très fermé, qui dans ce cas réunit les deux accens; savoir, les deux points & le chevron, que nous ayons marqué de cette façon ; comme on l'a déjà vu dâns, eëzës, tëon, fanabrégou, sëghiou, &c.

fyllabes dans maoû'; carreau. En fecond lieu, que le même accent placé fur la derniere voyelle d'un mot y produit le même effet que l'accent grave italien dans caftità, dormi, darò, virtù, &c. & que le même accent dans les mots latins, omninò tertiò, ufquequò, & femblables; c'est-à-dire, qu'il indique d'appuyer & d'élever en même temps la voix fur ces voyelles; comme dans diffô ceci. Margo; Marguerite. Merle; créneau, &c.

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Indépendamment de l'accent circonflexe, ou profodique que nous avons mis fur la premiere voyelle des diphthongues di, ei, ôi, oùi, nous en avons marqué encore la pénultieme des mots qui en font fufceptibles; parce que c'eft cette pénultieme qui influe comme dans I'Italien fur la prononciation des fyllabes longues, ou breves. C'eft du latin probablement que nous tenons cette maniere de prononcer : elle eft marquée par un accent aigu dans les livres de l'office public de l'Eglife; tels que les Miffels & les Bréviaires: ce qui est trèsCommode pour ceux qui ne feroient pas familiarifes avec cette partie de la profodie latine, qui fe borne à prononcer. Un Lecteur ou un Orateur choqueroient étrangement l'oreille de ceux qui y font un peu exercés, & donneroient une mauvaise idée de leur favoir ou de leur éducation, s'ils faifoient longues les fyllabes que doivent être breves & réciproquement.

1

Les Lecteurs des livres précédens ne fauroient fe tromper, s'ils font attentifs aux accens qui ne font placés dans ces livres, comme fur notre languedocien que fur la pénultieme ou fur l'ante-pénultieme de certains mots; comme dans ceux-ci, fenióres audite, principes pópuli, &c. L'accent indique, comme nous l'avons déjà dit, qu'il faut appuyer & élever en même temps la voix fur les voyelles qui en font marquées, paffer rapidement, ou faire breves celles qui fuivent, & faire d'une même mefure les fyllabes d'un mot qui n'ont aucun accent. C'est le point principal pour ceux qui en public lifent, chantent, ou récitent du latin.

L'ufage de notre accent, ou fes effets fur la pénultieme d'un mot languedocien, font exactement les mêmes que celui de l'accent aigu pour le latin. Cette pénultieme eft clairement marquée dans les mots précédens, pâlo, ouble, &c. On ne la diftingue pas de même au premier

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coup-d'œil, dans les mots pareils à cagarâoulo flouge figâou, &c.

La difficulté de l'appercevoir vient de nos diphthongues dont l'un des membres marqué de l'accent indique le fon principal & tient lui feul lieu de pénultieme; tandis que le membre fuivant se prononce fi rapidement & fi peu, qu'il n'eft prefque compté pour rien: ainfi dans le mot cagarâoulo, par ex. la diphthongue dou entiere eft la pénultieme mais comme la tenue, ou le repos ne fe fait que fur l'â; cette voyelle eft proprement la pénultieme, parce qu'elle a le fon principal, l'autre membre ou n'eft qu'un accessoire fur lequel on insiste si peu dans la prononciation, qu'il n'empêche pas que la fyllabe lo ne foit confidérée comme venant immédiatement après l'â.

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La pénultieme d'un mot languedocien n'eft pas toujours une fyllabe diftinguée de la derniere, comme dans les mots précédens; elle se trouve quelquefois dans Punique fyllabe qui forme le mot; tels que dans nôou, fiáou, &c. Le premier o du mot nôou marqué du circonflexe, tient lieu de pénultieme, de même que l'a de fa triphthongue idou dans fiáou ; & la voyelle ou de lun & de l'autre mot a le fon & tient la place de la derniere fyllabe. Cette fyllabe ou la voyelle qui la forme eft non-feulement breve; lorfque celle qui la précéde eft longue; mais elle a de plus un fon foible & fourd qui caractérise les voyelles féminines.

L'o final des mots languedociens eft dans le cas des voyelles dont nous venons de parler qu'on prononce foiblement & à demi.

Tous les fubftantifs féminins fe terminoient autrefois dans nos Provinces en o: cet ufage a changé depuis environ un fiecle dans une partie du bas Languedoc, où l'on a fait ces mêmes fubftantifs en a. On s'est rapproché en cela de la terminaison que ces noms ont en latin & dans la langue Romance; terminaifon qui s'eft perpétuée dans l'idiôme Auvergnac.

La voyelle o n'a pas dans ces mots le fon plein & entier qu'elle a dans les noms françois, vertigo, indigo, domino, &c. ou dans les noms languedociens dont la pénultieme eft breve, telle que dans vëssaro: il en eft de cette voyelle comme de la diphthongue io dans bôrio, dont la pénultieme longue fait paffer rapidement

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