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Je crois que ces trois classes de métaphysici toutes trois d'accord, c'est-à-dire, que ceux qui rap portent tout à l'ATTENTION, que ceux qui rapportent tout à la SENSATION, et ceux qui rapportent tout à l'IDÉE, pensent la même chose, et disent la même chose en termes différens.

Ainsi nous n'avons pas d'idées sans sensations: l'entendement ne procède que par l'attention; sans attention il n'y a pas de pensées; sans sensation il n'y a pas de pensées; sans idées il n'y a pas de pensées. Que faut il penser du mot pensée ? qu'il se prend en différens sens, qui tous ont l'idée pour point de départ, et pour premier anneau dans la chaîne des opérations intellectuelles, que l'idée est une première opération qu'on peut considérer comme non voulue, comme forcée, comme passive, comme l'effet d'une sensation involontaire, produite par le frappement d'un objet sur quelqu'un de nos sens; que par conséquent la faculté intellectuelle ne s'exerce que lorsqu'elle commence à être volontaire, qu'elle n'est volontaire qu'autant qu'il y a de l'attention,

gage naturel, pour se dire en quelque sorte à luimême ce qu'il doit écrire. Il démontre, je crois, la vérité que vous nous avez si bien développée, que nous ne pensons qu'autant que nous parlons; qu'en conséquence tout l'art de penser se réduit à une langue bien faite. Mais est-ce une preuve que nous ne pensons que dans notre langue maternelle ? Je croirais plutôt que des deux langages qu'a MASSIEU, celui d'action et celui de l'écriture française, il emploie pour penser celui qui est en lui le plus facile, celui qui obéit mieux à la rapidité avec laquelle il voudrait faire succéder les idées; dire que nous ne pensons qu'en notre langue maternelle, c'est dire qu'un français qui s'énonce en latin pense en français, et qu'il rend ce français en latin, formé d'après cette méthode.

"Pardonnez au desir que j'ai de m'instruire, la liberté que je prends d'interrompre vos importans travaux; et à la patience que vous avez eue de lire cette lettre, ajoutez celle de vouloir bien lever mes doutes sur une première observation, et de porter votre jugement sur la seconde.,,

Salut et fraternité,

P. VANMEENEN, élève de l'Ecole normale.

Voici la réponse que je crois devoir faire à cette lettre; il s'agit de savoir si penser se compose d'idéer.

Je sais, citoyens, à cet égard que chaque métaphysicien a son langage; mais je vous ai dit que le

langage ne faisait souvent rien aux opinions; qu'on voyait souvent la même opinion rendue par des expressions différentes. Condillac a tout rapporté à L'ATTENTION, et selon lui toutes les opérations de l'entendement ne sont autre chose que l'attention diversement modifiée. D'autres métaphysiciens ont tout rapporté à la SENSATION, et ont dit que les sensations diversement modifiées étaient toutes les opérations intellectuelles. J'ai dit que toutes les opérations de l'entendement se rapportaient à L'IDÉE. Eh bien! je crois que ces trois classes de métaphysiciens sont toutes trois d'accord, c'est-à-dire, que ceux qui rapportent tout à l'ATTENTION, que ceux qui rapportent tout à la SENSATION, et ceux qui rapportent tout à l'IDÉE, pensent la même chose, et disent la même chose en termes différens.

Ainsi nous n'avons pas d'idées sans sensations: l'entendement ne procède que par l'attention; sans attention il n'y a pas de pensées; sans sensation il n'y a pas de pensées; sans idées il n'y a pas de pensées. Que faut il penser du mot pensée ? qu'il se prend en différens sens, qui tous ont l'idée pour point de départ, et pour premier anneau dans la chaîne des opérations intellectuelles, que l'idée est une première opération qu'on peut considérer comme non voulue, comme forcée, comme passive, comme l'effet d'une sensation involontaire, produite par le frappement d'un objet sur quelqu'un de nos sens; que par conséquent la faculté intellectuelle ne s'exerce que lorsqu'elle commence à être volontaire, qu'elle n'est volontaire qu'autant qu'il y a de l'attention,

qu'autant qu'il y a du vouloir : alors je considérerais la pensée et le penser comme le regard de l'esprit, comme le regard de l'œil organique est aussi la seconde opération, dont la première est le voir. J'ai donc donné au mot penser une détermination précise qui le fait être le second anneau de la chaîne des opérations intellectuelles ; cependant comme c'est-là la faculté la plus intéressante, qu'elle fait le caractère distinctif de l'homme pensant, on a pu dire de toutes les facultés ensemble la faculté de PENSER; comme on a appellé ÉPOPÉE ou poëme ÉPIQUE par excellence, le poëme de récit, le plus noble et le plus grand dans tout le genre du récit. En effet Epos en grec signifie récit: on peut donc qualifier ainsi la fable et l'églogue; et cependant vous savez qu'on ne donne ce nom qu'au poëme héroïque, le plus grand, le plus noble, tels que l'Odyssée ou l'Eneïde.

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C'est la même chose par rapport au mot penser: lẹ mot penser peut se dire de toutes les opérations de. l'entendement; il vient du mot pensare, qui signifie peser. On pèse une idée, suivant qu'on s'y arrête plus ou moins alors la pensée devient ou méditation, ou pénétration ou réflexion; mais en général, le mot PENSER: est le terme générique employé pour exprimer toutes Jes opérations de l'entendement. Mais lorsqu'il s'agit du sourd-muet, il a fallu déterminer la signification précise de ce mot; et j'ai cru devoir le classer précisément au second rang, c'est-à-dire, à ce rang où l'idée est voulue: elle est voulue quand on s'y autête. J'ai donc cru devoir dire que toutes les fois

que l'on ajoutera à idéer un autre idéer, ce mot signifiera que l'on a eu l'intention d'idéer, qu'on l'a voulu; et alors cet idéer voulu sera le mot penser, c'està-dire, l'idéer pesé, l'idéer réfléchi. J'ai donc pu dire. qu'idéer était la première opération, l'opération la plus simple de l'entendement; qu'idéer pesé, idéer voulu, idéer réfléchi, devait être la seconde ; que la troisième devait être la réflexion, ainsi de suite: voilà la raison pour laquelle j'ai mis le mot penser au second rang ou à la seconde classe.

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Je me résume ainsi : L'homme a la faculté naturelle de recevoir, dans son entendement, l'image des objets qui frappent quelqu'un de ses sens; il a cette faculté, comme son œil organique, son œil sensible, son œil corporel a la faculté de recevoir les rayons de lumière qui tombent sur un corps, et qui, rẻfléchis par ce corps-là, viennent se réfléchir sur sa rétine. Et de même qu'il n'est pas le maître de recevoir, ou non, les rayons de lumière réfléchis par un objet; de même, il n'est pas le maître de ne pas recevoir une idée, ou la représentation, ou l'image d'un objet, aussitôt que cet objet frappe quelqu'un de ses sens alors l'idée est donc aussi involontaire dans l'homme intellectuel, que la vue est involontair dans l'homme organique.

De même, si je voulais passer à l'homme moral, je dirais que la volonté est aussi involontaire à l'homme si toutefois ces deux mots n'impliquaient 1 pas contradiction et ne s'excluaient pas). Le penchant qui nous entraîne vers les objets conformes

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