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ception première, qui nous conduit à la seconde ac+ ception. Je reprends ainsi avec mon élève : quand j'entends, lui dis je, les coups distincts frappés sur cette porte, cela s'appelle les connaître ; cela s'appelle les savoir; cela s'appelle les voir.

Eh bien! quand ensuite mon esprit voit la conve nance d'une qualité avec son sujet, il est par rapport à cette convenance comme je suis quand j'entends" frapper les coups sur la porte; ainsi on dit alors qu'il entend, comme on le dit de mon oreille, qui entend aussi les coups distincts.

Voilà comment je fais pour me faire comprendre.

Vous devez vous rappeller, citoyens, ce que j'ai dit à propos du langage propre et du langage figuré. J'établis des analogies entre l'homme organique et l'homme intellectuel. J'établis des comparaisons et des rapports entre ces deux hommes, et je fais voir que les opérations de l'un sont à-peu-près les opérations de l'autre; que les mots qu'on emploie pour exprimer les mêmes opérations de l'un, sont les mots qu'on emploie pour exprimer les opérations de l'autre ; qu'il n'y a de différence qu'en ce que le sens qui est propre pour les unes, est figuré ou comparatif pour les autres.

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Butet. Je demande la parole sur les verbes auxiliaires. On ne dispute, je crois, contre les verbes auxiliaires. que parce que nous n'en avons pas une définition; voici celle que j'ai trouvée dans Condillac. « On doit › entendre par verbe auxiliaire celui qui, en se dés

pouillant en quelque sorte de sa signification » propre, ne fait plus qu'aider celui auquel il est joint, dans l'expression de ses tems 1. Or, d'après cette définition, on ne peut pas douter que le verbe avoir, le verbe être, le verbe aller, et le verbe venir ne soient quatre verbes auxiliaires ; que la signification des verbes aller et venir, étant l'idée de marcher, et la signification d'avoir et d'être, l'idée d'existence et de possession, lorsque ces quatre verbes sont joints à d'autres, ils n'ont plus cette signification là. Quand je dis, j'ai aimé, je n'ai point d'idée de la possession avec l'amour; j'ai l'idée d'exprimer l'amour passé. Lorsqu'on dit, il a été aimé, on n'a pas l'idée de l'existence, mais de l'amour passé. Pour aller et venir, lorsqu'on dit, je vais faire telle chose, on ne veut pas dire : je marche pour faire telle chose; on veut dire simplement que la chose va se faire dans l'instant.

Dumarsais est, je crois, le premier grammairien qui n'a plus voulu admettre les verbes auxiliaires ; et pour cela il a dit que les verbes étre et avoir ne se dépouillaient pas de leur signification propre, et il a dit que dans j'ai aimé, il y avait l'idée de la posses sion jointe avec l'idée d'amour. D'après cela, Dumarsais ne tombe dans aucune contradiction, mais je crois qu'il faut les prendre tels qu'ils sont. Condillac luimême admet ces quatre verbes auxilinirés ; et je crois qu'on ne peut disputer sur leur existence, en disant qu'un verbe auxiliaire est celui qui en quittant sa signification propre n'a plus qu'une force coadjutrice pour en aider un autre dans l'expression de ses tems.

LE PROFESSEUR. Citoyen, il y a deux manières de considérer les verbes auxiliaires ; d'une manière matérielle, et d'une manière logique. Condillac pour lequel vous savez que j'ai infiniment de respect, pense qu'on doit les considérer seulement d'une manière matérielle, et Dumarsais d'une manière logique. Je crois qu'il faut les considérer matériellement et logiquement; materiellement pour les tems. Le verbe avoir et le verbe être et les autres auxiliaires ne sont pour la plupart que des signes de tems, mais il est plus raisonnable de les considérer d'une manière logique; et quoique vous pensiez que le verbe avoir étant l'expression du passé et dépouillé de sa signification, j'espère vous montrer qu'il n'en est pas dépouillé; et qu'on n'emploie le verbe avoir que parce que réellement on a été en possession de la qualité dont on parle ; et que ce verbe exprime cette possession, en exprimant l'existence, au tems passé; qu'il n'y a pas, à proprement parler, de verbes auxiliaires ; qu'ils conservent tous leur force primitive, et qu'ils ne s'en dépouillent jamais ; qu'ils sont à cet égard comme les verbes auxiliaires anglais. Il est vrai que je ne bornerai pas les verbes auxiliaires à deux seulement, comme l'avaient fait presque tous les grammairiens; je ferai voir qu'il y en a au moins quatre et même davantage. Car il y a les verbes avoir, être, aller, venir, devoir, qui sont véritablement auxiliaires; s'il est vrai qu'il y en ait. On dit je DOIS faire telle chose, je VAIS faire telle chose, etc.

Deville. Pour répondre à mon collègue, il me

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semble qu'il a oublié que Condillac dit que le verbe auxiliaire est lui-même un substantif ou un objet d'action, et que le verbe être a la même signification, soit qu'il soit auxiliaire soit qu'il ne le soit pas; Condillac le dit en termes exprès, mon collègue l'a oublié sans doute.

Butet. Je sais bien que Condillac a dit que le verbe avoir était auxiliaire de l'action, et que le verbe être était auxiliaire de l'état; c'est là véritablement son expression: mais je dis que le verbe avoir, quand il est auxiliaire de l'action, perd sa signification première; et quand le verbe etre est joint à quelque verbe pour exprimer l'état, je dis qu'alors le verbe être en quelque sorte se dépouille de sa significa tion, et n'exprime que le tems.

Perrier. Citoyen Professeur, je pense que mes collègues qui viennent de vous présenter leurs doutes sur les verbes auxiliaires, ne vous ayant rien dit de nouveau pour appuyer leur opinion, votre réponse reste dans toute sa force et doit paraître victorieuse à tous ceux qui comme moi l'ont écoutée sans préjugés.

Je voudrais vous proposer quelques doutes sur la marche analytique des opérations de l'ame présentée analogiquement avec les opérations de l'esprit, ou plutôt avec les opérations du corps vous avez mis, citoyen, dans différens tableaux l'expression penser, je crois que ce ne sera qu'une dispute de mots), vous l'avez mis comme second échelon

des

des opérations de l'esprit. Je trouve sur un tableau de MASSIEU, imprimé par ordre de la convention, une série des opérations du corps, qui me paraît devoir être la marche essentielle des opérations de l'esprit t deux fois voir c'est regarder deux fois regarder c'est fixer, deux fois fizer c'est considérer, deux fois considérer c'est pénétrer, deux fois pénétrer c'est examiner, et enfin deux fois examiner c'est comparer; d'où suit naturellement le jugement.

Si c'est là la marche de l'homme physique, si l'homme tenant un corps quelconque, commence par le voir, ensuite le regarder, ensuite le fixer, le considérer, et enfin l'examiner, il me semble que ce sont autant d'opérations intermédiaires, qui paraissent re pousser de la seconde place, ou du second échelon, le mot penser; car la même analogie me paraît aussi devoir se trouver dans les facultés intellectuelles.

LE PROFESSEUR. Citoyen, je croyais avoir prévenu ces doutes-là, quand j'ai dit que le mot penser était ce qu'on appelle l'opération la plus éminente de l'homme, qu'il enveloppait à-peu-près toutes les autres opérations ; que, par conséquent, quand on parlait de ce mot penser, on pouvait le considérer ou comme étant la seconde opération de l'esprit,ou, par convention, comme renfermant toutes les opé rations de l'esprit. Je vous ai dit aussi ( et, à ce propos, je dois vous rappeler la comparaison que j'ai faite ) que le mot Epos signifie récit, qu'on pourrait, absolument parlant, appeler poëme épique, la simple fable ; mais on a réservé le mot du genre à l'espèce la plus Débats. Tome II.

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