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plaint point à fon mari : elle ne profite point de la préférence qu'il lui don- CHAPITRE ne dans fon amitié, pour la mortifier ARTICLE à fon tour. Sa patience lui impofe un

1.

profond filence, & elle ne cherche de 1. Rois I. confolation que dans fes larmes. Le vieux Tobie, & la jeune Sara ont fuivi cet éxemple avec fruit. Il devroit être plus imité.

Mais pourquoi Anne s'aflige-t-elle fi amérement de fa ftérilité? N'a-t-on -pas lieu d'être fcandalifé de voir une fi fainte femme s'abandonner à un excès de douleur, qu'on auroit de la peine à pardonner à une Chrétienne médiocre ?

I.

I. Cette douleur lui étoit commune avec les plus faintes femmes de l'Ancien Teftament; avec Sara, avec Rébecca, avec Rachel, qui va jufqu'à Gen. XXX. dire à Jacob: « Donnez-moi des en- «". fans, ou je mourrai ». Elles fe fouvenoient que la derniere faveur acordée à nos premiers peres,& qui avoit mis le comble à toutes les autres, étoit la promeffe de la fécondité;& que les premieres paroles que l'homme innocentavoit entendues de la bouche même de fon Créateur,étoient : « Croissez,& mul- « tipliez-vous ». Elles favoient que cette ancienne bénédiction aïant été révo

Gen. 1. 28.

quée par le déluge, Dieu, pour premiere marque de fa réconciliation avec le ARTICLE genre humain, lui avoit rendu la fécondité dans les mêmes termes, qu'il

CHAPITRE
I.

1.

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1. Rois I. l'avoit autrefois acordée à Adam innocent. Dieu bénit Noé & fes enfans,& Gen. IX. 1. » il leur dit: Croiffez, & multipliez» vous,& rempliffez la terre ».Les perfonnes ftériles avoient lieu de craindre qu'elles n'euffent mérité, par quelque crime particulier, d'être exclues de l'abolition générale qui avoit réhabilité le genre humain dans fes anciens priviJéges.

Cette efpéce de flétriffure étoit devenue encore plus vifible & plus affiExod. XXIII.geante, depuis que Dieu avoit propofé la fécondité comme une des pre& Lev. II. 9. mieres récompenfes aux obfervateurs de fa Loi ; & qu'il avoit fait au con

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traire de la ftérilité une malédiction XXVIII. 18. expreffe contre les prévaricateurs.

II. Anne avoit des raifons particulieres de pleurer fa ftérilité. 1. Elle fe croïoit excluë de l'héritage de fon mari, qui paffoit tout entier entre les mains de fa rivale, fans y pouvoir rien prétendre, n'aïant point de fils. 2°. Autant que Phénenna avoit d'enfans, c'étoit autant de nouveaux liens, qui lui atachoient plus étroitement fon

CHAPITRE
I.

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mari; & Anne favoit qu'il eft bien dificile que le cœur ne fe tourne pas pas enfin du côté où font fes ataches. 3°. Elle ARTICLE prévoïoit, que fi fa rivale la traitoit avec tant d'outrages fous les yeux mê-1. Rois I. mes de fon mari dont elle étoit tendrement aimée, à quels emportemens elle feroit expofée, fi elle venoit à le perdre, fans qu'elle eût un fils qui pût lui fervir d'afile & d'apui.

III. Anne n'avoit renoncé à l'avan tage de la virginité, que pour celui de la fécondité. Elle avoit cru échanger un bien pour un autre : mais fe voïant fruftrée dans fon atente, elle pleuroit amérement fa méprife. Ses larmes condamnent bien des femmes de notre fiécle, qui craignent d'avoir des enfans, ou par avarice, afin de donner de plus grands établissemens à un petit nombre ou par vanité, de peur faire quelque tort à leur beauté: ou par atache à leurs commodités, craignant un fardeau qui leur eft à charge, & les dégoûts qui l'acompagnent, & les douleurs par lefquelles elles s'en délivrent: ou par amour de la liberté, qui leur fait éviter tout ce qui peut les gêner dans le plan de la vie molle qu'elles fe font fait.

de

C'est-là une des grandes plaïes des

CHAPITRE 1.

1.

mœurs de ce fiécle. C'est ce qui éteint dans les

peres & les meres l'amour ARTICLE pour leurs enfans ; & dans ceux-ci le refpect & la reconnoiffance pour ceux I. Rois I. qui ne leur ont donné la vie que contre leurs fecrets défirs & contre leur atente. Les freres font devenus ennemis. par la qualité même de freres. Les maris, après un fils ou deux, ont tremblé au nom de peres. Le mariage n'a fervi qu'à couvrir de grands excès, fans être ni un frein, ni un remede à la cupidité. Son augufte inftitution, & la fin d'une alliance fi vénérable ont été méprifées.

IV. La vertu de la chafteté étoit comme liée dans l'Ancien Testament, & cachée fous un autre bien, qui eft celui de la fécondité. Dieu ne tournoit pas alors les yeux des justes de ce côtélà. Il ne l'avoit pas encore mise en honneur. Il étoit réservé à JESUS-CHRIST, vierge & fils d'une vierge, de la mettre en liberté, & d'en faire connoître l'excellence & le prix. Son éxemple, les louanges magnifiques qu'il lui a données, les récompenfes qu'il lui a promises, ont réveillé l'atention des hommes. Ces mots jétés de tems en tems par le Fils de Dieu : « Qui peut comprendre ceci,le comprenne:Tous

CHAPITRE

1.

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ne font pas capables de cette vertu : « C'est un don d'enhaut, qui n'eft pas a- « cordé à tous » : Ces mots, qui en mar- ARTICLE quant l'excellence de la virginité, faifoient auffi sentir la dificulté d'y atein-I. Rois I. dre, ont enflammé le défir d'une infinité de perfonnes de tout fexe & de tout âge, & ont piqué leur émulation pour s'élancer à l'envi vers un bien fi fubli

me.

Elcana fon mari lui dit donc : An- v.8. ne, pourquoi pleurez-vous? Pourquoi ne mangez-vous point? Et pourquoi votre cœur eft-if dans la douleur ? N'est-ce pas pour vous un plus grand avantage de m'avoir, que d'avoir dix enfans?

Ne retrouvez-vous pas en moi ce qui vous manque ? Ne m'êtes-vous pas auffi chere que fi vous m'aviez donné un grand nombre d'héritiers? Mon eftime & mon amitié ne peuvent-elles vous fournir de dédommagement de vôtre ftérilité; & dans un mariage auffi uni que le nôtre, ne peut-il y avoir plus de douceur & plus d'avantage que

dans la fécondité?

Après le repas, Anne, qui avoit v. 9-10. le coeur plein d'amertume; alla au

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