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III.

VIII.

! Je me repens d'avoir fait Saül Roi. L'Ecriture s'exprime d'une maniere CHAPITRE humaine. Car Dieu, toujours immua- ARTICLE ble, n'eft pas capable de repentir, qui eft une fuite ou de l'ignorance, ou de I. Rois, l'inconftance, ou de quelque faute. X V. XV. Mais il paroît fe repentir comme les *. 11. hommes, en retirant fes faveurs de ceux qui s'en font rendus indignes par leurs infidélités, & ce changement de leur conduite atire un changement extérieur de la part de Dieu.

On lui vint dire que ce Prince étoit ve- ¥. 12. nu fur le Carmel, pour y ériger un monumenta en b fon honneur. Saul, que nous avons vû fi humble & fi petit à fes yeux, fi éloigné de toute ambition & de tout fafte, commence à éprouver combien l'autorité & la profpérité font des poifons dangereux pour le cœur humain, & capables de corrompre en peu de tems les plus heureux naturels. Il fe laisse éblouir par l'éclat d'une victoire, qu'il ne tenoit que de la protection de Dieu. Il en atribuë le

a Le mot Hebreu eft iad, manus, qui eft le même mot qui eft emploïé II. Rois, Chapitre XVIII, , pour marquer le monument qu'Abfalom fit ériger pour fe confoler de n'avoir point de fils qui pût perpétuer fa mémoire.

b

Lett. pour foi.

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fuccès à fa prudence & à fa valeur. Il CHAPITRE se hâte d'ériger à fa vanité un monu ARTICLE ment de triomphe, qui immortalife fon nom. Son premier foin eft d'affurer fa gloire pour la poftérité : le foin 1. Rois, d'ofrir des facrifices d'actions de gra

VIII.

XV.

ces au Dieu des armées, ne viendra que dans la fuite, & ne fera peut-être que pour la forme.

2

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Il eft vrai que dans l'Ecriture on voit plufieurs monumens élevés après de fignalés bienfaits, pour en éternifer la mémoire, & pour y intéreffer la reconnoiffance des fiécles fuivans. Mais on n'en donnoit qu'à Dieu feul tout » l'honneur. « C'eft le Seigneur, difoit-on, qui a fauvé Ifraël : C'est le Seigneur qui a défait les ennemis en la préfence d'Ifraël. C'est lui qui a » fait fentir à fon peuple les éfets de fa miféricorde. Mais Saül cherche dans la victoire à rendre le peuple atentif à fa perfonne. Il veut arrêter fur lui-même fes aplaudiffemens, fon admiration, & fa reconnoiffance. Il fe met ainfi entre Dieu & le peuple, & le lui cache. C'étoit un des plus naturels, mais des plus funeftes éfets de la nouvelle forme de gouvernement, à laquelle pour cette raifon Samuel s'étoit fi fortement opofé. Aucun des Ju

CHAPITRE

ges n'avoit rien tenté de pareil. Après les fuccès les plus merveilleux, ces fidéles miniftres avoient grand soin de ARTICLE difparoître, pour ne montrer que leur

maître.

11 I.

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I. Rois, *Une fauffe compaffion voudroit en-X V. core excufer Saül d'avoir épargné* *. 14. Agag, & les plus prétieufes dépouilles des Amalécites, ou du moins en diminuer la faute. Saül donne la vie à un Roi malheureux : c'eft une action d'humanité, de clémence, & de générofité. Il réferve des troupeaux; mais c'eft pour les immoler à Dieu. Cer ufage n'étoit-il pas plus convenable, que de les abandonner à la pourriture & aux bêtes carnaffieres, après les avoir égorgés ? Pourquoi faire un dégât général fans aucun fruit: Ne valoit-il pas mieux en conferver une partie pour la fubfiftance de l'armée, & pour la récompenfer de fes travaux & de fon zéle? Enfin fi Dieu improuvoit cette réserve, ne feroit-il pas affez tems de les exterminer, quand il fe feroit expliqué de nouveau ?

Mais c'eft fe rendre le juge de la Loi de Dieu, & lui demander raifon de fes ordres. Dieu veut être fervi en Dieu; & il ne peut l'être dignement, fi après avoir parlé clairement, il n'est

obéi fans réplique. Il avoit fait écrire CHAPITRE par Moïfe dans un livre la condamnaARTICLtion d'Amalec: il l'avoit réitérée dans

III.

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le Deuteronome†, en recommandant
de ne le oublier: Cave ne oblivif-
pas
caris. Saül devoit avoir lût cet arrêt
felon l'ordre exprès de la Loi ; & Sa-
muël venoit de le lui anoncer de la part
du Seigneur. Y eut-il jamais comman-
dement plus précis & plus clair? Quel
prétexte peut couvrir l'infidélité de
Saül? Si c'eft une action d'humanité
& de clémence de fauver la vie à Agag,
Dieu peut donc être foupçonné de
manquer de l'une & de l'autre,en com-
mandant qu'on la lui ôte ? C'eft donc
préférer l'homme à Dieu. Saül réserve
des troupeaux pour les immoler: Mais

Dieu en avoit-il befoin? les avoit-il
demandés ? Qui fait mieux que lui-
même,quand il lui faut ofrir des facri-
fices? Et quand il en voudra, ira-t-il
prendre des victimes, qui lui font de-
venues odieufes à caufe des maîtres.
qui les poffedoient? Ce Prince impru-
dent quitte la fimplicité de la foi
comme fit la première femme. Il veut
raifonner comme elle fur le comman-
dement de Dieu, l'acommoder à fes
vûës, en retrancher ce qui lui paroît
moins convenable; & fubftituer les lu-
mieres à celles de Dieu.

CHAPITRE

* Eft-ce que les holocauftes. ... font auffi agréables au Seigneur que l'obeif- III. fance à fes ordres?... C'est commettre le ARTICLE crime de la magie.... c'est la même chofe que le culte des idoles...

C'eft avec grande raifon que le Prophéte traite la défobéiffance de Saül d'une véritable idolatrie, qui ne confifte qu'en ce qu'on met les créatures à la place du Créateur, de quelque nature qu'elles foient ; & qu'on leur rend la foumiffion & l'honneur, qui ne font dûs qu'à Dieu feul. Tout ce que nous lui préférons, tout ce que nous aimons, fans dépendre de lui; toutes nos paffions deviennent pour nous autant d'idoles, en devenant notre régle & notre fin. Il n'y a que l'obéillance qui rende à Dieu un culte parfait, & digne de fa fouveraine majefté, parce qu'il n'y a qu'elle qui lui affujétiffe le cœur pleinement. Pendant que les facrifices extérieurs n'immolent qu'une chair étrangere; elle feule facrifie l'homme tout entier, en immolant fa volonté avec tous fes goûts, fes répugnances & fes défirs. Par les autres vertus, dit S. Grégoire Pape, nous ofrons à Dieu ce qui eft à nous : mais par l'obéiffance nous nous dévoüons nous-mêmes fans réserve... Bb iiij

VIII.

I. Rois,

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X V.
*4.22-23

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