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Anne, qui n'avoit point fait éclaCHAPITRE ter fa reconnoiffance par de publiARTICLE ques actions de graces lorfqu'elle II. mit Samuel au monde, chante un I.Rois II. Cantique public dans le tems qu'elle

le confacre à Dieu pour toujours. S'élevant au-deffus de la foibleffe des autres meres, qui déshonorent souvent ces fortes de facrifices par des larmes infidelles, elle fent plus de joie de remettre fon fils à Dieu, que de l'avoir vû naître. Elle comprend combien il ya de gloire pour elle d'ofrir quelque chofe à celui qui eft l'unique fource de tout bien, & à qui perfonne n'a jamais rien donné le premier; elle fent quel bonheur c'eft pour fon fils de paffer d'une maifon privée & profane, dans le Tabernacle du Seigneur, pour y éxercer des fonctions dignes des Anges.

Tant de faveurs lui rendent la liberté de paroître avec affurance, & de produire au dehors les fentimens que la honte de fon premier état & la vérité des reproches la forçoient de fuprimer. Mais elle n'abufe point. de cette liberté pour infulter à fa rivale à fon tour. Elle en cache le nom fous le terme général d'ennemis.

Mais en lifant ce Cantique avec a

trop

CHAPITRE
I..

II.

tention, il eft facile de remarquer que les expreffions en font trop grandes & fublimes, pour se borner à chan- ARTICLE ter fimplement le triomphe d'une petite victoire domeftique remportée I.Rois II. par une femme fur fa rivale: que ni s. Auguft. I. le commencement, ni la fin n'y ont xvII. c. 4. aucun raport à la naiffance, ni à l'o- de Civitate frande qu'on fait à Dieu de cet enfant, ni à la deftinée de la famille de Phenenna; & que la joïe d'Anne eft une joïe toute religieufe & toute fainte, digne des tranfports d'une Prophéteffe & de la majefté de Dieu, qu'elle en donne pour auteur.

Deix

On s'aperçoit aifément que Dieu éleve ici tout d'un coup l'efprit de cette fainte femme à des objets aufquels elle ne s'atendoit pas; & qu'il lui en montre plus qu'elle n'en avoit demandé. C'eft ainfi que Daniel, ne s'é- Dan, IX, tant propofé d'abord que de connoître par les Livres facrés quand arriveroit la fin des foixante-dix années de la captivité de Babylone; & que d'obtenir par le fac & la cendre le rétablissement de Jerufalem, fut inftruit par un Ange, que le terme d'une fervitude plus générale & plus acablante venoit d'être abrégé : que le péché du monde alloit être détruit

par une juftice éternelle; & que le CHAPITRE CHRIST, le Saint des Saints, devoit ARTICLE bien-tôt faire avec les hommes une

I.

11. alliance nouvelle. Anne fe voit auffi I.Rois II. tranfportée tout d'un coup au

coup au fpec

tacle de merveilles d'un ordre nouveau; & les plus profonds mysteres lui font révélés contre fon atente avec toute l'économie de la Religion.Elle aprend que ce qui s'eft paffé dans l'obfcurité de fa maifon, comme autrefois dans celle d'Abraham, eft l'image de la deftinée du monde. qu'elle-même, par sa stérilité devenuë: féconde, représente celle, qui étant Vierge, doit néanmoins devenir Mere: du Sauveur des hommes: que Phé-nenna fa rivale eft le fymbole de la Synagogue, la mieux partagée pour les biens terreftres, énorgueillie par fes avantages temporels, la premiere féconde, mais en enfans charnels, qui feront rejétés avec leur mere: qu'Elcana tient la place de Dieu même, qui a deux époules, mais qui a toujours réfervé toute fa tendreffe pour celle qui étoit d'abord ftérile. Elle fent avec. admiration le bonheur qu'elle a de repréfenter cette unique bien-aimée, qui eft l'Eglife, qui après avoir été long-tems oubliée, ftérile, rejétée en

CHAPITRE

I.

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aparence, va fortir bien- tôt de fon état d'humiliation & de larmes, pour être à jamais relevée en gloire; & ARTICLE verra paffer chez elle tous les priviléges de fa rivale. Anne portant en-L.Rois IL tre fes bras cet enfant de la promeffe, né felon l'efprit & par la foi, partage avec cette Epoufe éternelle la douceur de ces paroles confolantes de l'E

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poux célefte:: Réjoüiffez-vous, sté-« If. LIV.. rile, qui n'enfantiez point: chantez « 4 6. des cantiques de louanges, & pouffez des cris de joïe, vous qui n'aviez point d'enfans; parce que celle qui étoit abandonnée, a maintenant plus « d'enfans que celle qui avoit un mari, dit le Seigneur.... Il ne vous reftera « plus de fujet de honte, parce que «

vous oublierez la confufion de votre «< jeuneffe.... Car le Seigneur vous « apellera à lui comme une femme qui « étoit abandonnée, dont l'efprit étoit « dans la douleur, comme une femme « qui a été répudiée dès fa jouneffe ».

Anne voit que ce fils, qui lui a été donné par miracle, fera comme l'arbitre entre les deux alliances: Qu'il facrera le premier Roi d'Israël, qui avec tous les avantages extérieurs qui le releveront aux yeux des hommes, fera néanmoins rejété pour fon inf

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II.

délité, comme le peuple dont il fera le CHAPITRE chef & la figure: Qu'après la réproARTICLE bation, Samuel lui en fubftituëra un autre, qui fera felon le cœur de Dieu, L.Rois II. & auquel les hommes ne s'atendoient pas, parce qu'il fera pauvre, obfcur méprifé des liens, & perfécuté par les grands; & qu'il l'oindra Roi pour être le pasteur du peuple de Dieu, & pour régner à jamais fur fon héritage.

V. I.

Sous cette idée, elle commence à regarder avec des yeux bien diférens fon fils, qui doit avoir un jour des liaifons fi étroites avec David, cet ami fi chéri de Dieu, le pere du Meffie & fa plus vive image, ce dépofitaire des promeffes les plus circonftanciées de fa venue, le plus inftruit des Prophétes fur fes myfteres, l'hiftorien le plus éxact de fes actions & de fes foufrances, & l'interprète le plus fidéle de fes fentimens. Elle fe réjouit de ce que Samuël par une fonction fi augufte, a une part fi glorieufe à l'avénement du CHRIST, & qu'il femble, comme fon Précurfeur, le montrer déja aux hommes, en défignant celui dont il doit naître.

Anne remplie de ces grandes vues fur l'Incarnation future, & fur les moïens extraordinaires dont il plaira

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