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qui eft remplie de peintures champêtres & de fentiments de bienfai fance & d'humanité, offre des tirades pleines de verve, & a été comparée par quelques admirateurs enthoufiaftes aux meilleures Epîtres de Boileau. Ces divers ouvrages indiquoient l'auteur à l'académie Françoife: cette compagnie le nomma à une de fes places au commencement de 1776; mais il ne put prononcer fon difcours de réception. La mort l'enleva à la fleur de fon âge, le 7 avril de la même année, avant même qu'il eût été reçu. Des mœurs douces, un caracere indulgent & ennemi de la fatyre, rendoit fon commerce facile & fa fociété agréable. Il avoit des amis, & il faifoit tout ce qu'il faut pour en avoir. Ayant appris que M. Watelet traduifoit la Jéru falem délivrée du Taffe, il difcontinua une traduction qu'il avoit com mencée du même poëme. Il fit plus encore: il eut le courage de jeter au feu, avant fa mort, plufieurs chants dé à traduits. Ce poëte, qui a fi bien peint la nature dans fes vers, & qui favoit même deffiner, ne voyoit dans les couleurs que le noir & le blanc, & que les nuances diverfes des clairs & des

ombres. Cette conformation particuliere n'affoiblit point les charmes de fon imagination. Ses Cuvres ont été recueillies en 2 vol. in-8°,à Paris, fig., 1779. Outre les ouvrages que nous avons cités, on y lit une comédie intitulée les Perfidies à la mode, où l'on remarque quelques jolis vers, deux ou trois portraits affez bien faits, & pas une étincelle de comique. On y verra encore, avec plaifir, quelques pieces fugitives échappées à fa mufe facile, & pleines de naturel & de grâces.

COLASSE, (Pafchal) maître de mufique de la chapelle du roi, na

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1. COLBERT, (Jean-Baptifte) marquis de Seignelei, naquit à Reims, le 31 août 1619, d'une famille originaire d'Ecoffe, fuivant Moréri, & établie en Champagne dans le XIII fiecle. Cette famille étoit tombée dans l'obfcurité; auffi l'abbé le Laboureur appliquoit à Colbert ces vers de Fortunat:

Mens generofa tibi pretiofo lumine
fulget,
Qua meritis propriis amplificavit

avos.

Nicolas Colbert, fon pere, fut nom-
mé Confeiller d'Etat, après l'élé-
vation du fils. Jean-Baptifte Colbert
avoit un oncle fecrétaire du roi
& riche négociant à Troyes, qui
le plaça chez Maferanni & Cena-
mi, banquiers du cardinal Maza-
rin. Ce miniftre connut fes ta-
lents, & lui confia fes affaires.
Prêt à mourir, il le choifit pour
être un de fes exécuteurs teftamen-
taires. On doit compter parmi les
fervices que ce cardinal rendit à la
France, celui d'avoir tellement
préparé la confiance du roi pour
Colbert, dit le préfident Hénault,
qu'elle fe trouva toute établie
quand il mourut. Il le recommanda
comme un homme d'une appli-,
cation infatigable, d'une fidélité
à toute épreuve, & d'une capa-
cité fupérieure dans les affaires.
Je vous dois tout, SIRE, dit-il au

roi;
mais je crois m'acquitter en
quelque forte envers Votre Majefté,
en vous donnant Colbert. Après la
difgrace de Foucquet, à laquelle
il eut beaucoup de part, & qu'il
poursuivit avec un peu trop
d'acharnement, Colbert gouverna
les finances, fous le titre de Con-
trôleur-général. Tout le monde
connoit le fonnet injurieux que
le poëte Hefnault lança contre Col-
bert; & fa réponse à ceux auxquels
il demanda fi le roi y étoit offcnfé:

Non, dirent-ils. Je ne le fuis donc pas. Le nouveau miniftre rétablic bientôt l'ordre que fon prédéceffeur avoit troublé, & ne ceffa de travailler à la gloire du roi & à la grandeur de l'état. Le beau fiecle de Louis XIV commença à éclore. On accorda des gratifications aux favants de la France & aux favants

étrangers. Les lettres dont le miniftere accompagnoit ces grâces, étoient encore plus flatteufes que les préfents mêmes. Quoique le roi ne foit pas votre fouverain, (écrivoit-il à Ifaac Voffius,) il veut néanmoins être votre bienfaicteur. Recevez cette lettre de change, comme une marque de fon eftime & un gage de fa protection. Le roi connoiffant par luimême le mérite de Colbert, le fit furintendant des bâtiments en 1664. Perfuadé, comme il le difoit luimême, que, dans cette charge, il ne s'agiffoit pas feulement de mettre pierre fur pierre, il fit revivre tous les arts qui ont quelque rapport aux bâtiments. La France vit des chefsd'oeuvres de peinture, de fculpture, d'architecture; la façade du Louvre, la galerie de la colonade, les écuries de Verfailles, l'obfervatoire de Paris, &c. De nouvelles fociétés de gens-de-lettres & d'artiftes furent formées par fes foins. L'académie des infcriptions prit naiffance dans fa maison même, en 1663. Celle des fciences fut érigée trois ans après, & celle d'architecture en 1671. Les compagnies qui avoient été fondées long-temps auparavant, comme l'académie Françoife & celle de peinture & de fculpture, fe reffentirent de la protection que le nouveau Mécène accordoit à tous les arts. Non content d'avoir rétabli les finances, & d'avoir encouragé tous les gens de mérite, il porta fes vues fur la juftice, fur la police, fur le commerce, fur la marine. Un confeil

formé pour difcuter toutes ces matieres, donna ces réglements & ces belles ordonnances, qui font encore aujourd'hui le fondement de notre gouvernement. Le commerce, que la France n'avoit exercé jufqu'alors qu'imparfaitement, fut généralement cultivé. Il fe forma trois compagnies, l'une pour les Indes Orientales, l'autre pour les Indes Occidentales, & la troifieme pour les côtes d'Afrique: toutes ces compagnies furent encouragées & récompenfées. Le confeil de commerce fut rétabli. Le canal de Languedoc, entrepris pour la communication des deux Mers, tranfporta jufque dans le coeur de la France les denrées & les marchandifes de toutes les parties du monde. Un grand nombre de vaiffeaux & de galeres fut conftruit en peu de temps. Des arfenaux bâtis à Marfeille, à Toulon, à Breft, à Rochefort, renfermerent tout ce qui étoit néceffaire à l'armement & à l'équipement de plufieurs flottes. Les draps fins, les étoffes de foie, les glaces de miroirs, le fer-blanc, l'acier, la belle faience, le cuir marroquiné, que les étrangers nous vendoient très-chérement, furent enfin fabriqués dans le royaume. Chaque année de fon miniftere fut marquée par l'établiffement de quelque manufacture: on compta, dans l'année 1669,44 mille 200 mé tiers en laine dans le royaume. Le but du grand Colbert étoit d'enrichir la France & de la peupler. En entrant dans les finances, il fit remertre trois millions de tailles, & tout ce qui étoit dû d'impôts depuis 1647 jufqu'en 1656. Telles étoient les occupations continuelles de ce digne miniftre, lorfqu'il mourut le 6 feptembre 1683, à foixantequatre ans & fix jours, confumé (dit un hiftorien) par les chagrins que lui donnoit Louvois, en

le forçant à ruiner par des vexat tions, le peuple qu'il avoit enrichi par le commerce; feul martyr que le bien public ait eu, feul miniftre des finances qui foit mort dans fon emploi. Il ne fut que huit jours malade. Le roi lui écrivit une lettre, telle que le méritoit un homme qui, en créant le commerce & en animant tous les arts, avoit donné cent millions de rente à fa patrie: le mourant la mit fous fon chevet, fans l'ouvrir, difant qu'on étoit peu fenfible à ces attentions, quand on étoit prêt à rendre compte au Roi des Rois. Il répondit à Made Colbert, qui ne ceffoit de lui parler d'affaires: Vous ne me laisserez donc pas même le temps de mourir !... Au milieu des occupations du miniftere, il trouvoit le temps de lire chaque jour quelques chapitres de l'Ecriture-fainte, & de réciter le Bréviaire : il en fit imprimer un pour fon ufage & celui de fa maifon, Paris 1679, in-S°, qui eft peu commun. Colbert eft regardé, avec raifon, comme le plus grand miniftre des finances qu'ait eu la France. Avec l'exactitude & l'ardeur pour le travail qu'avoit SULLI, (voy. ce mot) il eut des vues beaucoup plus étendues pour la grandeur du fouverain & le bonheur des peuples. La populace de Paris voulut pourtant le déterrer à Saint-Euftache; mais les bons citoyens rougirent de cette frénéfie, & penferent fur ce grand homme comme la poftérité. Il avoit dédaigné, pendant fa vie, les murmures, fouvent injuftes, de cette populace. Ayant fupprimé quelques rentes fur l'hôtel-de-ville, acquifes à vil prix depuis 1656; les rentiers, pius fenfibles à leurs intérêts particuliers qu'à l'utilité de tous les établiffements que Colbert procuroit à la France, cherchoient à décrier fon miniftere. Ils oferent

même le menacer; & foit qu'il entrât ou qu'il fortit, ce miniftre étoit affiégé, à toute heure, par ces gens qu'il dépouilloit. Un jour que Colbert fe trouvoit chez le chancelier Seguier, plufieurs d'entr'eux fe préfenterent à lui, & après les plaintes, oferent en venir aux menaces. Le miniftre les écouta avec un grand fang-froid & beaucoup de tranquillité; il parut même entrer dans leur peine. Enfuite il leur demanda leurs noms, qu'ils eurent l'indifcrétion de lui dire, fe flattant de l'avoir touché. Colbert ne les oublia pas; il en rendit compte au roi, qui fit arrêter les plus coupables. Cet exemple, loin d'effrayer les mécontents, acheva de les irriter. Les rentiers crierent fi haut, que les commis de Colbert, moins courageux que leur maître, craigairent que l'orage ne crevât enfin fur leur tête. Picon, fon premier commis, homme habile dans les affaires, mais livré au vin, s'étant couché demi-ivre, & les menaces des rentiers dans la tête, s'éveilla en furfaut, s'imaginant que ces gens le tenoient à la gorge. Il fit un bruit épouvantable, & réveilla toute la maifon. Colbert fe leva comme les autres, fans témoigner aucune crainte. Informé de la caufe de ce grand bruit, il fe retira, & le lendemain Picon fut renvoyé. Ce miniftre avoit dans la figure quelque chofe de repouffant. Ses yeux étoient creux, fes fourcils noirs & épais. Il parloit peu, & affectoit même une forte de filence négatif. Md de Cornuel, femme d'un tréforier, & connue par fes reparties, F'entretenoit un jour d'affaires; le miniftre ne lui répondoit rien : Monfeigneur, lui dit-elle, faites quelque figne que vous m'entender. Ce pendant, malgré fon air froid & auftere, il étoit dans la fociété bon, oficieux, & fa probité étoit à toute

épreuve. Il ne put jamais prendre ni le ton, ni les vices des courtifans, & Louis XIV difoit qu'il avoit confervé à la cour l'air d'un bourgeois de Paris. Le préfident de Lamoignon, qui l'avoit beaucoup connu, lui reproche encore de vouloir fortement tout ce qu'il vouloit, de conduire toutes chofes defpotiquement, de craindre trop le partage de fon autorité, & d'être fufceptible des différentes impreffions que fes commis vouloient lui donner. Sa Vie fe trouve dans le tome ve des Hommes illuftres de France, par d'Auvigni: ( Voyez l'article COURTILZ.) Il avoit époufé Marie Charron, fille de Jacques Charron, feigneur de Menars, & de Marie Begon; il en eut fix fils & trois filles.

II. COLBERT, (Edouard-François) comte de Maulevrier, frere du précédent, miniftre d'état & chevalier des ordres du roi, fut lieutenant-général de fes armées. Sa valeur éclata dans plufieurs occafions. Les qualités de fon coeur & de fon efprit lui mériterent l'eftime du roi. Il mourut le 31 mai 1693. Voyez VI. COLBERT.

Ill. COLBERT, (Jean-Baptifte) marquis de Seignelei, & fils aîné du grand Colbert, naquit à Paris en 1651. Il marcha fur les traces de fon pere, fut miniftre & fecrétaire d'état, acheva d'élever la marine & le commerce au plus haut degré de fplendeur, protégea les arts & les fciences, & mourut d'une maladie de langueur le 3 novembre 1690, à 39 ans. Son patriotifme, fon goût pour les arts, fes manieres nobles & généreufes, le firent vivement regretter. Il eut cinq enfants de fon fecond mariage avec Catherine-Therefe de Matignon.

IV. COLBERT, (Jean Baptifle) marquis de Torcy, frere du précédent, naquit le 19 feptembre 1665.

Envoyé de bonne heure dans différentes cours, il mérita d'être nommé fecrétaire d'état au département des affaires étrangeres en 1686, fur-intendant général des poftes en 1699, & confeiller au confeil de la régence pendant la minorité de Louis XV. Il remplit, avec beaucoup de diftinction, ces poftes différents. Ses ambaffades en Portugal, en Danemarck & en Angleterre, le mirent au rang des plus habiles négociateurs. Il mourut à Paris, le 2 feptembre 1746, à 81 ans, honoraire de l'académie des fciences. Il avoit époufé une fille du miniftre d'état Arnauld de Pomponne, dont il eut plufieurs enfants. On a publié, dix ans après fa mort, en 1756, fes Mémoires pour fervir à l'Hiftoire des Négociations, depuis le Traité de Ryfwick jufqu'à la Paix d'Utrecht, 3 volumes in12, divifés en 4 parties. La premiere eft confacrée aux négociations pour la fucceffion d'Efpagne; la feconde aux négociations avec la Hollande; la troifieme à celles faites avec l'Angleterre, & la quatrieme aux négociations pour la paix d'Utrecht. Ces mémoires, dit l'auteur du fiecle de Louis XIV, renferment des détails qui ne conviennent qu'à ceux qui veulent s'inftruire à fond. Ils font écrits plus purement que tous les mémoires de fes prédéceffeurs : on y reconnoît le goût de la cour de Louis XIV. Mais leur plus grand prix eft dans la fincérité de l'auteur : c'eft la vérité, c'eft la modération elle-même qui conduisent fa plume. On a peint avec raison Torcy, comme intelligent dans les grandes affaires, génie de reffource dans les temps difficiles, fachant porter avec la même fageffe le poids de la bonne & de la mauvaifefortune. Quoique fon cara&ere fût férieux, il étoit dans la fociété plein d'a

gréments, fur-tout quand il fe livroit à un ton de plaifanterie fin & délicat qui lui étoit propre. Son humeur toujours égale ne fut ni dérangée, ni obfcurcie par les circonftances les plus épineufes. A cette qualité il joignoit celles de bon mari, de pere tendre, d'ami fidele, de maître doux & humain.

V. COLBERT, (Jacques-Nicolas) autre fils du grand Colbert, docteur de la maifon & fociété de Sorbonne, abbé du Bec, & archevêque de Rouen, mourut à Paris le 10 décembre 1707, à 53 ans. Son zele, fa charité, fa fcience le mirent au rang des plus illuftres évêques du regne de Louis XIV.

VI. COLBERT, (Charles) marquis de Croiffy, 2° frere du grand Colbert, fut chargé par Louis XIV de plufieurs négociations & ambaffades importantes, & s'en acquitta avec fuccès. Il mourut le 28 juillet 1696, à 67 ans, emportant les regrets des bons citoyens.... Son fils Charles-Joachim COLBERT, qui embraffa l'état eccléfiaftique, ne regarda point l'habit clérical comme une fimple décoration; il eut toutes les vertus que cet habit annonce. Il n'étoit que bachelier, & il fe préparoit à fa licence, lorfque le pape Innocent XI mourut. Cet événement lui fit naître le defir d'aller à Rome; le cardinal de Furftemberg le prit pour un de fes conclaviftes. En partant de Rome, après l'élection d'Alexandre VIII, il fut enlevé par un parti Efpagnol, bleffé, conduit à Milan, & enfermé dans le château de cette ville. Il eut beaucoup à fouffrir dans cette captivité, dont il profita pour apprendre la langue Efpagnole. Dès qu'il eut recouvré la liberté, il revint à Paris, entra en licence, & prit le bonnet de docteur, Nommé à l'évêché de Montpellier en 1697, il édifia le

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