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des cabales & des intrigues. Il fut mis à la Bastille en feptembre 1616, & n'en fortit qu'en 1619. De nouveaux défagréments l'obligerent, en 1625, de quitter la cour. En 1636, il commanda une armée en Franche-Comté, & ne fut pas heureux devant Dole, dont il avoit formé le fiége. Il réuffit mieux dans le Rouffillon, où il prit le château de Salfes en 1639, & la ville d'Elne, en 1642. Après la mort de Louis XIII, il fut etabli chef du confeil, & miniftre d'état fous la régente. Il fervit utilement dans ces places importantes, & mourut à Paris le 26 décembre 1646. Sa plus grande gloire eft d'avoir été le pere du Grand Condé, qui fuit.

IV. CONDÉ, (Louis II DE BOURBON, prince de) premier pance du fang & duc d'Enguien, naquit à Paris en 1621, de Henri II, prince de Condé. Il montra un génie précoce. Le cardinal de Richelieu, qui fe connoiffoit en hommes, dit un jour à Chavigni: Je viens d'avoir avec M. le Duc une converfation de deux heures fur la guer, la religion & les intérêts des Princes; ce fera le plus grand capitaine de l'Europe, & le premier homme de fon ficcle, & peut-être des fiecles à venir. La plupart des grands capitaines, dit un hiftorien, le font devenus par degrés: Condé naquit génésal; l'art de la guerre fembla en lui an inftinct naturel. A 22 ans, en 1643, il gagna la bataille de Rocroi fur les Espagnols, commandés par le comte de Fuentes. On a remarqué que le prince, ayant tout réglé le foir veille de la bataille, s'endormit fi profondément, qu'il fallut le réveiller pour la donner. Gaffion craignoit d'engager une action générale entre l'armée Espagnole & l'armée Françoise, inférieure en nombre. Mais fi nous perdons la bataille, que deviendrons-nous ? Je ne m'en mets point en peine, répondit le prince,

parce que je ferai mort auparavant. Il në mourut pas, & il fut vainqueur. Il remporta la victoire par lui-même, par un génie qui fe paffoit d'expérience, par un coup d'œil qui voyoit à la fois le danger & la reffource, par fon activité exempte de trouble. Les Efpagnols per dirent 10,000 hommes dans cette journée; on fit 5000 prifonniers. Les drapeaux, les étendards,le canon & le bagage refterent au vainqueur. Le duc d'Enguien honora fa victoire par fon humanité: il eut autant de foin d'épargner les vaincus, & de les arracher à la fureur du foldat, qu'il en avoit pris pour les vaincre. Cette victoire fut fuivie de la prise de Thionville & de plufieurs autres places. L'année fuivante 1644, il paffa en Allemagne, attaqua le général Merci, retranché fur deux éminences vers Fribourg, donna trois combats de fuite en quatre jours, & fut vainqueur toutes les trois fois. Il fe rendit maître de tout le pays, de Mayence jufqu'à Landau. On dit que, dans un de ces combats, le jeune héros jeta fon bâton de commandant dans les retranchements des ennemis, & marcha pour le reprendre, l'épéc à la main, à la tête du régiment de Conti. Le maréchal de Turenne, auquel il laiffa fon armée, ayant été battu à Mariendal, Condé vole reprendre le commandement, & joint à l'honneur de commander Turenne, celle de réparer encore fa défaite. Il attaque de nouveau Merci dans les plaines de Norlingue, & y gagne une bataille complette le 3 août 1645; le général ennemi refta fur le champ de bataille, & Glefne, qui commandoit fous lui, fut fait prifonnier. La gloire du duc d'Enguien fut à fon comble. Il affiégea,l'année fuivante, Dunkerque, à la vue de l'armée Espagnole, & il fut le premier qui donna cette place à la

en

France. La cour le tira du théâtre de fes conquêtes pour l'envoyer en Catalogne; mais ayant affiégé, 1647, Lerida avec de mauvaifes troupes, mal payées, il fut obligé de lever le fiége. Bientôt les affaires chancelantes obligerent le roi de le rappeler en Flandre. L'archiduc Léopold, frere de l'empereur Ferdinand III, affiégeoit, en 1648, Lens en Artois; Condé rendu à fes troupes, qui avoient toujours vaincu fous lui, les mene droit à l'armée ennemie, & la taille en pieces. C'étoit pour la troifieme fois qu'il donnoit bataille avec le défavantage du nombre. Sa harangue à fes foldats fut courte, mais fublime. Il ne leur dit que ces mots : Amis, fouvenez-vous de Rocroi, de Fribourg & de Nortlingue. Tandis que le prince de Condé comptoit les années de fa jeuneffe par des victoires, une guerre civile, occafionnée par le miniftere de Mazarin, déchiroit Paris & la France. Ce cardinal s'adreffa à lui pour l'appaifer; la reine l'en pria les larmes aux yeux. Le vainqueur de Rocroi & de Lens termina à l'amiable ces querelles funeftes & ridicules, dans une conférence tenue à Saint-Germain-en-Laye. Cette paix ayant été rompue par les factieux, il mit le fiége devant Paris, défendu par un peuple innombrable, avec une armée de 7 à 8 mille hommes, & y fit entrer le roi, la reine & le cardinal Mazarin, qui oublia bientôt ce bienfait. Ce miniftre, jaloux de fa gloire & redoutant fon ambition, fit enfermer, le 18 janvier 1658, fon libérateur à Vincennes ; & après l'avoir fait transférer, pendant un an, de prifon en prifon, illui donna la liberté. La cour crut lui faire oublier cette févérité,en le au gouvernement de Guienne. Condé s'y retira tout de fuite; mais ce fut pour fe prépa

nommant

rer à la guerre & pour traiter avec l'Efpagne. Il courut de Bour- / deaux à Montauban, prenant des villes & groffifint par-tout fon` parti. Il paffa d'Agen, à travers mille aventures, & déguifé en courrier, à cent lieues de-là, pour fe mettre à la tête d'une armée commandée par les ducs de Nemours & de Beaufort. Il profite de l'audace que fon arrivée imprévue donne aux foldats, attaque le maréchal d'Hocquincourt, général de l'armée royale campée près de Gien, lui enleve plufieurs quartiers, & l'eût entiérement défait, fi Turenne ne fût venu à fon fecours. Après ce combat, il vole à Paris, pour jouir de fa gloire & des difpofitions favorables d'un peuple aveugle. Déjà il fe faifit des villages circon voifins, pendant que Turenne s'approchoit de la capitale pour le combattre. Les deux généraux s'étant rencontrés près du faubourg Saint-Antoine le 2 juillet 1652, fe battirent avec tant de valeur, que la réputation de l'un & de l'autre, qui fembloit ne pouvoir plus croître, (dit un historien célebre,) en fut augmentée. Cette journée auroit été décifive contre lui, fi les Parifiens n'avoient ouvert leurs portes pour recevoir fon armée. La paix fe fit peu de temps après; mais il ne voulut pas y entrer. Il fe retira dans les PaysBas, où il foutint, avec affez de gloire, les affaires des Efpagnols. Il en acquit beaucoup par le fecours qu'il jeta dans Cambrai, & par la fameufe retraite qu'il fit à la levée du fiége d'Arras en 1654. Deux ans après, il fit lever le fiége de Valenciennes; mais il fut batiù à la journée de Dunes, où Turenne fut vainqueur. La paix des Pyrẻnées rendit ce prince à la France en 1659. Le cardinal Mazarin, qui traita de cette paix avec Don Louis

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de Haro, ne confentit au rétabliffement du Grand Condé, que par l'infinuation que lui fit le miniftre Efpagnol, que l'Espagne, au cas de refus, procure roit à ce prince des établiffements dans les PaysBas établissements qui auroient caufé peut-être bien des inquiétudes. Le prince de Condé, rendu à fa patrie, la fervit utilement dans la conquête de la Franche-Comté en 1668, & dans celle de Hollande en 1672. Il prit Wefel, fut bleffé près du fort de Tolhuis, & continua les années fuivantes à rendre des fervices importants. En 1674, il mit en sûreté les conquêtes des François, s'oppofa au deffein des armées des Alliés, & défit leur arriere-garde à la célebre journée de Senef. Oudenarde affiégée lui dut fa délivrance. Après la mort du vicomte de Turenne en 1675, il continua la guerre d'Allemagne avec avantage. La goutte, dont il étoit tourment, l'obligea de fe retirer; & dans la douce tranquillité de fa belle maifon de Chantilli, il cultiva les lettres, & fortifia fon ame par la pratique des vertus chrétiennes. I mourut à Fontainebleau en 1686, à 65 ans; il s'y étoit rendu pour voir madan e la ducheffe fa petite fille, qui avoit la petite-vérole. Peut être que le defir de faire par-là sa cour au roi, ajoutoit encore à l'intérêt qu'il prenoit à cette princeffe: on ne Fen auroit pas foupçonné en 1652, dans le temps des troubles de la Fronde. Il voulut, fans doute, après avoir fait les mêmes fautes que fon pere, (dit le préfident Hefnault,) donner le même exemple d'un retour fincere & d'un dévouement f ns réferve. Le génie du Grand Condé pour les fciences, , pour les beaux-arts, pour tout ce qui peut être l'objet des connoiffances de l'homme,

ne le cédoit point dans lui à ce génie prefque unique pour conduire & commander les armées. Il donnoit toujours par écrit fes ordres à fes lieutenants, & leur impofoit la loi de les fuivre. Turenne difoit aux fiens ce qu'il croyoit convenable, & s'en rapportoit à leur prudence. Il arriva de-là que celui-ci eut beancoup d'illuftres éleves, & que l'autre n'en forma point, ou peu. Ces deux grandshommes s'eftimoient : Si j'avois à me changer, difoit Condé, je voudrois me changer en Turenne, & c'est le feul homme qui puiffe me faire fouhaiter ce changement-là. Sa physionomie annonçoit ce qu'il étoit : il avoit le regard d'un aigle. Ce feu, cette vivacité qui formoit fon caractere, lui firent aimer la fociété des beaux-efprits: Corneille, Boffuet, Racine, Defpréaux, Bourdaloue étoient fouvent à Chantilli, & ne s'y ennuyoient jamais. Dans ces entretiens littéraires, il parloit avec beaucoup de grâce, de nobleffe & de douceur, quand il foutenoit une bonne caufe. Mais fon fang & fes yeux s'enflammoient, lorfqu'il en foutenoit une mauvaife, & qu'il étoit contredit. Boileau fut tellement effrayé un jour du feu de fes regards, qu'il dit tout bas à fon voifin: Dorénavant, je ferai toujours de l'avis de Monfieur le Prince quand il aura tort. Cette ardeur de génie qui l'animoit, le porta à examiner les différentes religions du monde. Il lut avec avidit les livres les plus fameux des Sectaires, des Athées, des Déiftes. I conféra fouvent avec les plus habiles docteurs & les plus grands philofophes de fon fiecle. Enfin, après des lectures immenfes & des difcuffions infinies, il conclut que la religion Catholique étoit la feule véritable, & que toutes les autres étoient l'ouvrage de l'impofture

du de la friponnerie. Des flatteurs de fa cour s'efforçoient de lui infinuer l'incrédulité; mais ce prince tint toujours ferme contre leur féduction. Il leur difoit fouvent: Vous avez beau faire, la difperfion des Juifs fera continuellement une preuve invincible de notre Religion. Ce feroit donc témérairement que l'on voudroit accréditer des foupçons injuftes fur fa foi; car, au lit de la mort, où il faut bien enfin que les flatteurs laiffent aborder la vérité, le prince déclara, pour détruire ces foupçons, qu'il n'avoit jamais douté des myfteres de la Religion, quoi qu'on eût dit... M. le prince, fils du grand Condé, ayant voulu faire peindre l'hiftoire de fon illuftre pere dans la galerie de Chantilli, fans oublier fes exploits contre la patrie, fit deffiner la Muse de l'histoire, tenant un livre, fur le dos duquel on lifoit Vie du Prince de Condé. Cette Mufe arrachoit des feuillets, fur lefquels on lifoit: Secours de Cambrai, fecours de Valenciennes; retraite de devant Arras : actions qui lui auroient fait le plus grand honneur, s'il n'avoit pas fervi alors contre fon roi. M. Deformeaux a donné la Vie de ce prince; à Paris, 1766, 4 vol. in12; elle a effacé celle de Cofte, in4° & in-12. On en trouve une autre dans les Hommes Illuftres de France, par Ch. Perrault.

V. CONDÉ, (Henri-Jules DE BOURBON, prince de ) fils du Grand Condé,) né en 1643, & mort en 1709, étoit un prince très-éclairé, aimant les gens d'efprit, & en ayant beaucoup lui-même: (Voyez CRETIN.) Il fe fignala dans diverfes occafions fous fon illuftre pere, & fur-tout en 1672, au paffage du Rhin, & en 1674, à la bat, de Senef... Voyez IV. BOURBONCONDÉ.

CONDE, (la Princeffe de)

Voyez x.

MONTMORENCY. CONDILLAC, (Etienne Bonnot de) de l'académie Françoife, & de celle de Berlin, abbé de Mureaux, ancien précepteur de S. A. R. l'infant D. Ferdinand, duc de Parme, naquit à Grenoble en 17**, & mourut d'une fievre putride, dans fa terre de Flux, près Baugenci, le 2 août 1780. Un grand fens, un jugement fûr, une métaphyfique nette & profonde, une littérature auffi choifie qu'étendue, un caractere folide, des mœurs graves fans auftérité, un ton un peu fentencieux, plus de facilité d'ecrire que de parler, plus de philofophie que de fenfibilité & d'imagination: tels font les traits principaux du portrait de l'abbé de Condillac. On a recueilli en 3 vol. in-12, fous le titre de ses Œuvres, fon Efai fur l'origine des Connoiffances humaines; fon Traité des Senfations; fon Traité des Systêmes: ouvrages excellents, pleins d'idées juftes, lumineufes & neuves, écrits avec clarté, penfés avec profondeur, & dans lefquels le ton philofophique paroît la langue naturelle de l'auteur. Son Cours d'Etudes, en 16 vol. in-12, 1776, composé pour l'inftruction de fon illuftre éleve, mite les mêmes éloges. Toutes les fois qu'il raifonne, qu'il difcute, qu'il étudie la morale & la politique à travers les révolutions des empires, on eft très-content de lui: mais dans la partie hiftorique, d'ailleurs affez bien faite & pleine de vues nouvelles, on desire fouvent plus de chaleur & plus de vivacité, & un ftyle plus pittorefque. Ce livre, qui respire l'humanité la plus fincere, & le plus vif defir de rendre les fouverains bienfaifants & les hommes heureux, n'eft pas écrit avec ce ton pénétrant & touchant, que prenoit Fénelon pour parvenir au même but. Sa

narration eft foible, feche & commune. On a encore de lui: Le Commerce & le Gouvernement confidérés relativement l'un à l'autre, in12: livre qui a été décrié par les anti-économistes, quoiqu'il y ait des chofes bien vues; mais on auroit voulu qu'il n'eût pas étayé certains fyftêmes fur le commerce des grains, qu'il eût donné à fes principes un air moins profond & moins abftrait, & que dans des matieres, qui intéreffent tous les hommes, il eût écrit pour tout le monde. On a remarqué dans quelques ouvrages de l'abbé de Condillac, qu'il avoit une haute opinion de fon mérite; il ne fe faifoit point un devoir de la cacher. Un homme qui favoit fi bien faire l'analyfe & le calcul des idées, devoit favoir exa&ement combien il en avoit eu de nouvelles, & cette connoiffance pouvoit excufer fon amour-propre. On lui a encore reproché que, dans fon Traité des Senfations, il a établi des principes dont les matérialifies ont tiré de funeftes conféquences; que dans fon Cours d'Etudes, il a jugé, en connoiffeur inhabile, plufieurs tirades de Boileau, en foumettant la poefie, libre, irréguliere & audacieufe de fa nature, au compas de la géométrie, &a. Mais s'il a adopté quelques-unes des opinions de la philofophie moderne, peut dire qu'il les a fouvent rempérées par un caractere modéré & un efprit fans enthouGafme.

on

CONDREN, (Charles de) II°. général de la congrégation de l'Oratoire, docteur de la maifon de Sorbonne, fils d'un gouverneur de Monceaux fort chéri de Henri IV, naquit à Vaubuin près de Soiffons, en 1588. Son pere, qui avoit deffein de le pouffer à la cour ou dans les armées, voulut l'empêcher

d'embraffer l'état eccléfiaftique; mais fa vocation étoit trop forte. Le cardinal de Berulle, auquel il fuccéda, le reçut dans fa congrégation, & l'employa très-utilement. Le P. de Condren fut confeffeur du duc d'Orléans, frere unique du roi. Il refufa conftamment le chapeau de cardinal, l'archevêché de Reims & celui de Lyon. Ses vertus ne parurent pas avec moins d'éclat dans fa place de général. Après avoir travaillé long-temps pour la gloire de Dieu & pour le falut du prochain, il mourut à Paris le 7 janvier 1641, à 53 ans. Son idée du facerdoce de J. C., in-12, ne fut mife au jour qu'après fa mort: il ne voulut jamais rien donner au public pendant fa vie. On a de lui des Lettres & des Difcours en 2 vol. in12. C'est lui qui comparoit les vieux docteurs ignorants aux vieux jetons, qui, à force de vieillir, n'avoient plus de lettres. Le P. Amelotte a écrit fa Vie in-8°.

CONFUCIUS ou CONGFUTZÉE, lé-pere des philofophes Chinois naquit à Chanping, d'une famille illuftre, qui tiroit fon origine de Ti-Y, xxvii empereur de la fe conde race, vers l'an 550 de J. C. Il parut philofophe dès fon enfance, & fa philofophie s'accrut par la lecture & par la réflexion. Deve. nu mandarin & miniftre d'état du royaume de Lu, aujourd'hui Channton, il montra combien il étoit important que les rois fuffent philofophes, ou euffent des philofophes pour miniftres. Il n'avoit accepté le miniftere, que dans l'efpérance de pouvoir répandre plus aifément d'un lieu élevé fes lumieres. Le défordre s'étant gliffé à la cour, par la féduction de plufieurs filles que le roi de Tci avoit envoyées au roi de Lu, il renonça à fon emploi, & fe retira dans le royaume de Sin pour y enfeigner la philofophie.

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