Tout ce que je pouvois leur dire devenoit inutile: ils ne daignoient pas même l'écouter, tant ils étoient prévenus & entêtez de leur opinion. Je fuis perfuadé, Monfieur, que pour peu qu'on faffe attention aux chofes que j'ai l'honneur de vous dire, on ne s'avifera plus de confondre la prétendue Magie d'aujourd'hui avec celle des Anciens, ni les Magiciens avec les Sages, ou les Mages. Lorfque la curiofité vous á porté à lire les ouvrages des uns & des autres, vous n'avez rien trouvé dans les Livres de ces derniers, qui ne foit conforme aux Loix de Dieu, & de la nature, ni rien dans ceux des autres qui n'y foit contraire : vous n'avez vû dans les premiers qu'impieté profanation des noms facrez de Dieu, des paro les de l'Ecriture Sainte, des Prieres, & des Ceremonies de l'Eglife, que conjurations, facrileges, qu'impostures, &c. Ces Impofteurs ont abufé de tout tems de la fimplicité, de l'ignorance, & de la credulité des Peuples: ils leur ont fait croire qu'ils étoient en commerce avec les Demons; qu'ils les évoquoient quand ils vouloient; qu'ils leur faifoient faire tout ce qu'ils leur ordonnoient, en confequence de certains Pactes, de certaines paroles, de certains fignes dont ils étoient convenus avec eux; qu'ils évoquoient de même les ames des Morts; qu'ils les obligeoient à fortir des tombeaux, & à répondre aux demandes qu'on leur faifoit. Ils leur perfuadoient encore qu'ils étoient les Maiftres de la vie & de la mort, de la fanté & de la maladie, de la bonne & mauvaise fortune, &c. qu'ils avoient le même pouvoir fur les animaux que fur les hommes ; qu'ils l'avoient même fur les plantes & fur les élemens; qu'ils pouvoient exciter des Guerres, des Séditions, bouleverfer les Etats, détruire les Empires, &c. Vous fçavez de quelle maniere Virgile, Ovide, Lucain, & la plûpart desautres Poëtes enontparlé. Le Peuple qui croit tout ce qu'on lui dit, qui donne dans tout ce quile flatte, qui craint toutes les chofes dont on le menace, & tout ce qu'on lui pronostique de mauvais; qui admire tout ce qu'il ne conçoit point, fe laiffe furprendre par les difcours de fes Impofteurs; il ajoûte for à tout ce qu'ils lui difent. Il fuffit qu'une chose lui paroisse extraordinaire pour l'attribuer aux Demons, aux Pactes que les Magiciens ont fait avec eux: & quoiqu'on puiffe faire & qu'on puiffe dire, il n'eft pas poffible de l'en détromper. Nous voïons même des gens d'efprit des perfonnes d'un rang & d'un merite distingué, avoir le foible de donner dans cette fuperftition. Tout ce qui leur paroît fingulier, tout, ce qu'ils ne conçoivent point, est toûjours l'effet de quelque Pacte, de quelque convention faite avec le Diable: Voions ce qu'ils entendent par le mot de l'acte, par celui de convention avec le Diable; & quel fondement il peut y avoir à ce qu'ils en difent. Les mots de Pacte & de convention font fynonimes. On regarde l'un & l'autre comme un Contrat paffé entre le Magicien & le Diable, par lequel cet ef prit s'eft engagé lous certaines conditions, à faire telles ou telles choses. S'il y a ftipulation dans le Contrat, que le Pacte aura lieu à l'égard de tous ceux qui s'en ferviront cette intelligence eft obligée de l'executer d'abord qu'elle en eft requife par qui que ce foit : S'il n'y a point de ftipulation femblable, il n'y a que la perfonne qui a contracté avec elle, qui puiffe l'y obliger. : Ce n'eft pas toûjours avec le Diable qu'on paffe ces fortes de Contrats il a fes Agens qui.. ftipulent pour lui, qui s'engagent en fon nom à l'execution du Pacte, lequel a la même force que s'il avoit été fait perfonnellement avec lui; tout fe fait par écrit ou de vive voix lorfqu'on veut s'en tenir à la parole |