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dont les forces étoient entierement épuisées, devenir furieux quand ils entroient dans le transport, brifer les cordes dont on les attachoit pour les arrêter ; monter comme les Somnambules, fur les toits des maifons ; paffer par des endroits où les perfonnes les plus intrepides. n'auroient ofé fe commettre. L'on a des exemples de perfonnes ftupides, qui étant dans le délire, raifonnoient avec justeffe parloient avec éloquence, faifoient fur les fujets qu'on leur proposoit, des Vers auffi juftes, & auffi naturels que ceux d'Adam, Menuifier de Nevers.

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Le délire paffé, elles retomboient dans la ftupidité; & il ne leur reftoit aucune idée de ce qui s'étoit paffé, de ce qu'elles avoient dit,de ce qu'elles avoient fait.

Ces exemples me font fouvenir de ceux que rapportent Vanhelmont, & l'Abbé Roufseau, des effets du Napel, dont la racine & la fleur touchée feulement du bout de la langue dégagent fur le champ l'imagination de tout ce qui peut l'obfcurcir, & l'embarraffer, & donnent à l'efprit une facilité merveilleufe de concevoir les chofes les plus difficiles, de de penetrer dans les plus obfcures & les plus cachées de penser aux plus fublimes, & aux plus relevées.

Ne cherchez point, Monsieur, d'autre caufe des effets de cette plante, que , que les petites parties qui fe détachent de fa racine & de fa fleur; quife gliffent le long des nerfs, qui aboutiffent à l'extrêmité de la langue ; & fe tant au cerveau, le dégagent de

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la matiere qui embarraffoit les organes, & ralentiffoit le mouvement des efprits, ou les obfcurciffoit.

La partie la plus fubtile de l'humeur, ou de la matiere, qui cause le mal, produit le même effet dans les malades dont je vous ai parlé lorsqu'elle fe porte au cerveau par fon action fur les organes, & fur les efprits.

L'imagination des malades contribue beaucoup aux chofes extraordinaires que nous leur voïons faire. Quand elle est une fois attachée à un objet, elle ne le quitte point: elle ofe tout, elle entreprend tout, elle vient à bout de tout. Le mouvement qu'elle donne aux efprits, quife portent dans les parties, qui fervent aux actions qu'elle veut faire, les rend capables des chofes

les plus hardies, & les plus furprenantes. Lifez à cette occafion le Livre de Fienus de viribus imaginationis, & le Traité du fameux Monfieur Lanoi, Medecin de la Faculté de Paris, de l'ame fenfitive.

ni

, que toutes

L'hiftoire des Coureurs, n'est ni moins merveilleufe, moins naturelle celles que je viens de rapporter. On leur voit faire cinquante, & foixante lieuës par jour, & quelquefois davantage : on diroit qu'ils volent au lieu de marcher. Ils n'appellent pas pour cela le Diable à leur fecours : Leur agilité dépend de la difpofition particuliere des parties, & du mouvement qui donne les efprits. Je pourrois encore vous parler des effets des Houragans du Tonnerre, de la Poudre à Canon, de l'Or fulminant, du Mi

roir ardent, des Encres sympa thiques, & de mille autres chofes dont les actions nous furprennent, & nous jettent dans l'admiration, fi j'avois deffein de faire un Livre, au lieu d'une Lettre: Ce que j'en ait rapporté fuffit , pour vous faire connoître que mal-à-propos l'on impute fouvent au Diable des effets, dont on a peine à découvrir la cause. Le Peuple qui l'ignore en eft étonné, & comme il ne peut fe perfuader qu'ils puiffent fe faire naturellement, il a recours auffi-tôt à cette intelligence.

Que répondroient les Partisans outrez des Pactes, fi on leur demandoit quelle raifon ils ont de faire le Diable Auteur de tant de chofes il faudroit qu'ils fiffent voir par des preuves autentiques , par des exemples incontestables, par des témoi

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