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reté, s'il s'arrêtoit à défendre fa caufe à Jerufalem devant un Tribunal, & dans une Ville où fés ennemis étoient les plus forts, eut l'adreffe d'en appeller à Cefar, & de traduire à Rome fa partie adverfe, non feulement pour éviter d'être condamné malgré la juftice de fa caufe, mais d'être mis à mort par des gens qui fe faifoient un point de Religion de l'affaffiner ().

Embar

ras où le

Concile

Cependant le Concile de Sens fe trous VIII. va fort embarraffé par cet appel d'Abeillard & lorfqu'on vint à deman trouve le der les avis fur ce qu'il y avoit à faire, par cet les voix furent partagées. Quelques appel. uns foûtenoient qu'il n'y falloit avoir aucun égard, parce que cet appel étoit. nul, & contraire au droit, qui ne permet pas qu'on appelle des Juges qu'on s'eft choifi foi-même; qu'il falloit paffer outre, arrêter le coupable, & le condamner dans toute la rigueur des Loix comme hérétique. D'autres plus modérés difoient qu'il n'avoit point choifi le Concile pour Juge, mais feulement pour témoin de la difpute qu'il devoit avoir avec l'Abbé de Clairvaux, & des raifons dont il fe fervoit pour foûtenir contre lui les opinions que

(a) Devotione devovimus nos nihil guftaturos, donec occidamus Paulum. A&. 235.

Pautre improuvoir; que le Concile ne pouvoit pas être fon Juge, puifqu'Abeillard n'étoit point de fon reffort étant du Diocèfe de Nantes par fa naiffance, & de celui de Vannes par la fituation de son Abbaïe; qu'il n'y avoit au Concile aucun des Evêques de Bretagne, & que tout ce qu'on pouvoit faire, étoit de leur en donner avis, & les prier de prendre garde à la doctrine de cet Abbé; que d'ailleurs un Concile ne pouvoit condamner une perfonne fans l'entendre; qu'Abeillard n'aïant point voulu répondre, ni dire fi les fentimens qu'on lui attribuoit, étoient de lui, & s'il les approuvoit, il n'y avoit rien fur quoi on pût affeoir une fentence de condamnation. Quelques-uns peu habiles repréfenterent qu'après un appel au Pape on ne pouvoit paffer outre; que ce feroit faire une injure au Saint Siége; que le Pape en auroit du reffentiment, & qu'il valloit mieux lui renvoïer cette affaire.. Enfin on ouvrit un quatrième avis qui l'emporta, & qui fut fuivi de toute l'AL femblée,

C'étoit de séparer les dogmes de la perfonne, de prononcer fur la catholicité des Propofitions qu'on attribuoit. à Abeillard, ce qui étoit du reffort des

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Seconde

du Con

tous les Evêques, & de les approuver
ou les condamner, felon qu'on le ju-
geroit à propos, mais d'épargner la
perfonne, & de n'y point toucher par
refpect pour le Saint Siége, auquel
elle avoit appellé, puis d'informer le
Pape de tout ce qui fe feroit fait. feance >
Lors donc qu'on fe fut déterminé à
fuivre cet avis, on réduifit en quatorze cile.
articles tous les Chefs d'accufation qu'il
y avoit contre Abeillard. Le manufcrit
que l'Abbé de Clairvaux avoit préfenté
au Concile , en portoit dix-fept, on
en retrancha trois; foit qu'on ne trou
vât aucune erreur dans ces trois arti
cles; foit qu'on fût perfuadé qu'Abeil-
lard ne les avoit pas enfeignés : & de-
là vient la diverfité de ces articles qu'on
trouve en certaines Bibliotheques au
nombre de 17. & dans d'autres au nom
bre de 14. Mais comme on a décou
vert depuis peu dans celle du Vati-
can (a), l'original de ces articles que
le Concile de Sens avoit envoïez au
Pape, & qu'il ne s'y en trouve que 14.
nous nous en tiendrons à ce manufcrit
qui eft fans doute plus autentique, qué
tous ceux qu'on pourroit produire..
Voici l'abregé des quatorze Propofi

(a) Voyez le P. Mabil, dans fa Pref. fur le Traué des erreurs d'Abeillard, composé par S. Bern. Cette Pref. eft dans le 2. tom. des Quvres de ce Saint, p. 640.

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tions qu'il contient, & fur lesquelles les Péres du Concile prononcerent. IX. Dans la premiere, Abeillard voulant Propofi expliquer le myftere de la Trinité, fe d'Abeil- fert de la comparaifon d'un cachet de Jard con- cuivre, dont la fubftance eft d'être cuidans le vre, & la forme fpécifique d'être cuiConcile. vre figuré d'une telle maniere: ainfi,

tions

damnées

dit-il, quoique la toute Puiffance foit
comme la bafe & la fubftance de l'Eftre
Divin, elle eft néanmoins autrement
dans le Pere, que dans les deux autres
perfonnes. En lui elle fe trouve comme
puiffance abfolue, dans le Fils, com-
me puiffance éclairée, autrement fa-
geffe, dans le faint Efprit, comme
puiffance bienfaifante, autrement bon-
té. Dans la feconde, il dit que le faint
Efprit n'eft pas une puiffance, ni de la
fubftance du Pere comme le Fils, quoi-
que ces trois Perfonnes foient d'une
même substance.. Dans la troisième, il
avance que Dieu ne peut faire que ce.
qu'il fait. Dans la quatrième, il foûtient
que la fin de l'Incarnation de Jesus-
Chrift, n'a pas
été de délivrer les hom-
mes de la fervitude du Démon, mais
de les éclairer des lumieres de fa fa-
geffe, & de les reconcilier avec Dieu.
Dans la cinquième, il affûre qu'on ne
peut pas dire, en parlant exactement

de Jefus-Chrift, qu'il foit une troifiéme perfonne de la fainte Trinité. Dans la Tixiéme, il enfeigne que Dieu n'a pas donné plus de graces à celui qui eft sauvé, qu'à celui qui ne l'eft pas, avant que le premier eût coopéré à la grace; qu'il offre fa grace à tout le monde, & qu'il dépend de la liberté des hommes de s'en fervir ou de la rejetter. Dans la feptiéme, il déclare que Dieu ne peut, ni ne doit empêcher le mal. Dans la huitiéme, il veut faire voir que le péché originel que nous contractons, n'est autre chofe que la peine éternelle, qui nous eft dûë à caufe du péché de nôtre premier Pere. Dans la neuvième, il prétend prouver que les accidens qui reftent après la Consécration de l'Euchariftie, ne font pas attachez à la fubftance du Corps de Jefus-Chrift, comme ils l'étoient au pain & au vin, mais qu'ils fubfiftent dans l'air; que le Corps de Jesus-Chrift y retient fa figure & fes fineamens ; & que ce que nous voïons, font de fauffes apparences pour cacher le Corps de Jefus - Chrift. Dans la dixième, il prétend que ce n'eft pas l'action extérieure, mais la volonté & l'intention qui rendent les hommes bons ou mauvais. Dans la onzième que les plus fimples d'entre les Juifs

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