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qui ont crucifié Jefus-Chrift par igno rance, & par un zéle pour la Loi. n'ont point péché en cela, & ne seront point damfiés pour cette action, mais pour leurs péchez précédens qui ont mérité cet aveuglement. La douxiéme eft une explication mystique de ces paroles de Jefus-Chrift: Tout ce que vous aurez lié fur la terre, fera lié dans le Ciel, entendant par le Ciel l'Eglife militante, & par la terre, la vie préfente. Mais il ajoûte que les fucceffeurs des Apôtres n'ont point cepouvoir, fi, comme eux ils n'ont le faint Efprit. On voit dans la treiziéme, que fon fentiment étoit, que ce n'est ni la fuggeftion, ni le plaifir qui la fuit, qui font le péché, mais le confentement à une mauvaise action, & le mépris de Dieu & de fes Loix. Enfin la derniere n'eft qu'une explication, ou une cir conftance ajoûtée à la feconde, dans laquelle il dit que la toute-Puiffance appartient au Pere comme une propriété perfonnelle.

Toutes les accufations de l'Abbé de Clairvaux aïant été réduites à ces 14. Chefs, le Saint s'efforça de prouver en présence des Peres du Concile, que c'étoit autant d'héréfies, & chacun fuiwit fon fentiment. Ainfi ces Propofi

tions furent déclarées hérétiques, & condamnées comme telles. Auffi-tôt on fe mit en devoir d'en informer le Pape, de lui demander la confirmation de ce jugement, & de prendre tous les moïens qu'on crut les plus propres, pour empêcher qu'Abeillard ne trouvât aucun appuy à Rome. Saint Bernard fut chargé par le Concile d'en dreffer toutes les Lettres.

X.

Le Con

par la

ep. 137.

Il en fit une au nom de l'Archevêque de Sens & de fes Suffragans, une cile écrit autre pour l'Archevêque de Reims, & au Pape les trois Evêques de fa Province qui piume de l'avoient accompagné ; l'une & l'au- S. Bern. tre font des plus fortes qu'on puiffe voir. Dans celle de l'Archevêque de S. Bern. Sens & de fes Suffragans, il fait au Pape un détail de tout ce qui s'eft pallé dans l'affemblée, & tâche de lui faire goûter qu'on avoit paffé outre, nonobftant l'appel qu'Abeillard avoit interjetté à Rome. Cet endroit effectivement étoit délicat à toucher, & il y avoit lieu de craindre que le Pape

le

n'en fût offenfé. Pour l'adoucir
Saint lui dit, que cette condamnation
avoit été faite, avant qu'on fçût qu'A-
beillard en devoit appeller au Saint
Siége (a). Mais je ne fçai comment il

(a) Pridiè ante factam ad vos appellationem damnavi ms. S. Bern. ep. 337.

l'entend, ni en quel quel fens cette Propofition peut être véritable. Car tout ce que nous avons de preuves hif toriques fur ce fait, nous montre qu'il n'y eût aucune difpute dans le Concile entre faint Bernard & Abeillard; que d'abord qu'on eût commencé à lire à celui-ci les articles qu'on croïoit ré préhensibles, pour fçavoir de lui-même s'il le les approprioit, il en appella au Pape, fans faire d'autre réponse. Saint Bernard lui-même en convient en d'autres endroits (a). Il n'y a donc aucune apparence que la condamnation de ces articles fût faite avant l'appel : fi ce n'eft que le Saint veüille dire que les Prélats s'étant affemblés en fecret le jour précédent, avoient réfolu entr'eux de condamner Abeillard fur la feule lecture du Mémoire que l'Abbé de Clairvaux leur préfentoit: ce qui pourroit bien être véritable, & qui confirmeroit ce que nous avons dit, qu’Abeillard aïanı fçû que fa condamnation étoit résoluë, ne voulut point répondre, & forma fon appel à Rome.

Au refte faint Bernard dans cette Lettre fait beaucoup valoir au Pape, de ce qu'en fa confidération on n'a

· (a) Fifus diffidere magister Petrus, refpondere noluit. S. Bern. cp. 189.

point

point porté de fentence contre la perTonne d'Abeillard, & qu'on s'eft contenté, parce que le mal preffoit, de condamner fes erreurs pernicieufes, dont il dit qu'il lui envoïe les articles & prie Sa Sainteté de confirmer le jugement du Concile, d'impofer un éternel filence à ce Philofophe, & d'en condamner tous les Livres. Tout cela eft dit au nom de l'Archevêque de Sens & de fes Suffragans.

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La Lettre pour l'Archevêque de Reims & fes Évêques, quoique plus courte, eft beaucoup plus forte, & Abeillard y eft moins épargné. Il y eft. Bern. traité d'orgueilleux, qui s'éleve juf- P. 19. qu'au Ciel, qui s'imagine ne rien ignorer, qui marche dans fa grandeur, & s'en fait à croire comme un fuffifant quoique toute fa fcience aboutisse à forger des héréfies. On fait souvenir le Pape que le Livre dont on fe plaint, a déja été condamné au feu par fes Légats en France; enfin on lui fait honneur de ce qu'on a laiffé le fort de ce Théologien entre fes mains pour achever de le réduire, & punir fon audace de la maniere que Sa Sainteté le jugera à propos.

Après ces Lettres qui font fignées x1. de ceux dont elles portent le nom, écric

Tome II.

F

Le Saiat

auffi au

fon par

d'autres

Prélats
de la

Cour de
Rome.

,

faint Bernard écrivit pour lui-même Pape en au Pape. C'eft alors que quittant ce ticulier, ftyle ferré & majeftueux qui convenoit & à à des Evêques, il en prend un plus: humble, mais fort propre à faire tomber le Pape dans toutes les pensées, & à cultiver fa bienveillance. Il commenS. Bern, ce par de grandes lamentations fur ep. 189. l'état de l'Eglife dont il déplore les malheurs, & fe veut du mal à lui-même d'être encore au monde pour la voir ainfi ravagée par tant de fchifmes, & d'héréfies, qui défigurent toute la beauté de cette Epoufe de Jefus-Chrift. Il fouhaite fa mort & demande avec faint Paul d'être bien-tôt réüni à Dieu. Après un Exorde fi touchant, il fait fouvenir le Pape de tout ce qu'il a fair pour l'honneur du Saint Siége, particulierement dans le fchifme de l'Antipape Pierre de Leon. Il tombe enfuite fur Abeillard dont il fait une affreufe peinture, & tâche de perfuader à Sa Sainteté, qu'il eft d'intelligence avec Arnauld de Breffe, contre lequel il fçavoit que le Pape étoit fort animé. Enfin après quelques loüanges fort délicates dont il flate le Pontife, il conclud qu'étant le véritable Succeffeur de faint Pierre, il ne peut fe perfuader qu'il accorde jamais l'honneur de fa

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