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Providence ordinaire. Enfin il fut réduit à ufer des cenfures de l'Eglife, & Abeil à les excommunier: châtiment qui eft lard les dû à des rebelles incorrigibles. Mais munie. loin que cette peine medicinale les fit

excom

rentrer en eux mêmes, ils devinrent plus furieux, cabalerent tout de nouveau contre la vie de leur Abbé, & rien ne les empêcha d'exécuter leur pernicieux.delfein, qu'un accident qui lui arriva, & qui le retint au lit pendant plufieurs mois.

On comprend aisément qu'au milieu des violentes persécutions que ces malheureux Moines fufcitoient à leur Abbé, il n'étoit pas lui-même fans quelque agitation. Il fe trouvoit fouvent obligé de fe donner des mouvemens, ou pour garantir fa vie, ou pour réduire ces rebelles, qui ne reconnoiffoient plus ni Dieu, ni Loi, ni Supérieur, cela l'engageoit de temps en Il tombe temps à quelques voïages. Or il arriva val. & fe qu'un jour étant en campagne, bleffe cheval fe cabra, & le jetta par terre dange- fi rudement, qu'il fe rompit la nuque ment. du col (a). Cette chûte fut fuivie de

de che

rente

fon

tous les fâcheux accidens qui accom

(a) De noftra lapfum equitatura, manus Domini ve hementer collifit, colli mei canalem confringens. Abil sp. calam, c 15.

pagnent une telle fracture. On douta quelque temps s'il en échapperoit. Ce n'étoit pas une nouvelle défagreable pour fes Moines: cependant il fut fi bien pensé qu'on lui fauva la vie, maïs il s'en reffentit jufqu'à la fin de fes jours. Il lui refta de cette plaïe une fi grande débilité de corps, qu'il avoue lui-même que celle que lui avoit causé autrefois la premiere difgrace dont il étoit redevable à la fureur de Fulbert, n'étoit rien en comparaison de celle-ci.

Après fa convalefeence, fe renouvella la persécution domeftique. Alors l'Abbé crut qu'il étoit inutile de ménager davantage des gens, qui par leur endurciffement faifoient allez connoî-* tre qu'ils étoient incorrigibles. Il obli gea- -donc les plus mutins par les voies de la justice de vuider le Monaftere dans 24 heures, & de ne plus inquié. ter à l'avenir leur Abbé en quelque maniere que ce pût être, ce qu'ils promirent devant les Juges avec ferment. Mais que fert un ferment juridique pour des gens qui ne fçavent pas même rendre à Dieu ce qu'ils lui doivent t Ils ne fe crurent pas plûtôt hors de ce mauvais pas, qu'ils recommencerent leurs violences & leurs attentats : ce qui obligea Abeillard d'avoir recours

de fes

font

Gildas

par or

au Saint Siége, occupé alors par InnoLes plus cent II. Ce Pape donna commiffion à mutins fon Légat Apoftolique d'examiner cetMoines te affaire: ce qu'il fit en présence du chaflez Duc de Bretagne & des Evêques de de Sunt- fes Etats. La fentence porte que ces rebelles feroient tenus de fe retirer dedre du Saint-Gildas, & d'y laiffer leur Abbé maître abfolu, avec pouvoir de choifir entre fes Religieux ceux qu'il voudroit pour former fa Communauté. Le Légat leur impofa encore d'autres conditions aufquelles ils s'engagerent avec ferment, mais qu'ils ne garderent pas: mieux, que celles que la juftice feculiere avoit déja reglées.

Pape.

III.

nent en

Cependant l'Abbé qui fe fioit fur un Il vien- accord fi autentique, retourna en fon fureur Abbaie, & fe mit en Communauté durant la avec le refte de fes Religieux qu'il pour le croïoit plus honnêtes gens; mais ceuxPoignar ci gagnés par les autres, lui firent bien

nuit

der.

tôt voir qu'ils étoient encore pires que ceux qu'on avoit chaffez. En effet aïant reconnu que le poifon jufqu'alors avoit été emploïé inutilement pour fe défaire de leur Supérieur, crurent qu'il falloit prendre une voie plus courte contre laquelle toutes les précautions feroient inutiles, ils réfolurent de lepoignarder. Animés de cet efprit de

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fureur, ils vinrent un foir dans fa chambre le poignard à la main. Il eut à ce coûp péri, files voiant entrer avec cet emportement que la paffion infpire, il ne fe fut promptement jetté dans un égoût qui rendoit dans le logis d'un Seigneur de fes amis, où il fe fauva ; de forte qu'à tous les momens du jour il fe voïoit à deux doigts de la mort; également en danger dehors & dedans fon Abbaie; dehors par les gens qu'ils avoient apoftés pour l'affaffiner lorf qu'il fortiroir; dedans par la cruauté de fes propres enfans, qui ne cherchoient qu'à tremper leurs mains dans Je fang de leur pere.

Réffe

xins

lard fur

fa trifte

La nuit, pour lui auffi périlleuse que le jour, ne le faifoit point jouir du re- d'Abeil. pos qu'elle procure à toute la nature. Effaroit-il de fommeiller, des affaffins fuaen fonge venoient lui mettre le poi- tion. gnard dans le fein. Prenoit-il fes repas? il fe regardoit comme cet Officier d'armée, qui étant allé faire fa cour à De nis le Tyran (a), admiroit l'opulence de ce Prince, l'étendue de fon autorité, la magnificence de fa table, le grand

(a) Ce Denis regnoit dans la Sicile, l'an quatre cens quarante neuf de la Fondation de Rome, trois cens cinq ans avant la venue de Jefus-Chrift felon la Chron. du P. Petau. Ration, temp. 2. P. p. 131. Et mourut dans fon exil à Corinthe, quelques années après.

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nombre de fes Officiers, les délices dont il joüiffoit, & envioit ainfi fon bonheur. Le Roi qui n'ignoroit pas la haine de fes fujets, & qui craignoit à toute heure de périr dans quelque fédition, voulut défabufer ce Capitaine, & lui faire voir le faux de fa félicité.. Dans cette vûë il l'invita à fa table qu'il fit fervir des mets les plus délicieux, & le fit traiter en Roi. L'or & l'azure éclatoient de toutes parts; un agréableconcert accompagnoit le feftin; une troupe d'Officiers & de Gardes richement vêtus, l'entouroient pour lui faire honneur; mais on avoit pendu au plancher par l'ordre du Prince une épée nuë qui ne tenoit qu'à un cheveux, & dont la pointe menaçoit directement la tête de ce Capitaine. Cet objet fur lequel il avoit fans ceffe les yeux attachez, l'empêchoit de manger; il ne penfoit ni au concert ni à toute la pompe qui l'environnoit; la crainte & la pâleur étoient fur fon vifage, il eût voulu n'etre jamais entré dans ce palais. Telle eft la condition des Rois, fui dit alors le Tyran, fur-tout lorf qu'ils ont à faire à des fujets rebelles ; leur vie toute charmante qu'elle paroît aux yeux des hommes, eft une mort continuelle, & le dernier de mon

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