pas, & IV. Il écrit fa vie ; Roïaume eft plus heureux que moi. Ainfi en eft-il de ma fituation, difoit en foi-même Abeillard. D'un pauvre Religieux que j'étois, je fuis devenu un riche Abbé, rien ne me manque, & cependant je fuis le plus malheureux de tous les hommes, je ne vis pas, je meurs cent fois le jour. Il en étoit là, lorfqu'un de fes amis dans le voisinage du Paraclet, lui écrivit une Lettre de douleur, dans laquelle quelle en il lui faifoit part de tous fes chagrins, cafion. & d'une perte considérable qu'il venoit de faire; il demandoit à Abeillard un mot de confolation. L'Abbé de SaintGildas crut ne pouvoir lui en donner une plus folide, que de lui faire le dé tail de toutes fes fouffrances, & de cet enchaînement de persécutions qui l'a-voient accompagné depuis fa plus tendre jeuneffe, afin que venant à jetter: yeux fur celles dont il fe plaignoit, 3 fut l'oc les B de cet reufement de ce côté-là, & donner autant à la foi, qu'il paroiffoit donner à fes fens. Analyfe C'est ce qui fait le fujet de cette excellente Lettre qu'on a mise à la tête Burzage. de fes Ouvrages, & d'où nous avons tiré les principales circonftances de l'Hiftoire que nous donnons au public. Elle comprend toute fa vie depuis fa naiffance, jufqu'à la persécution que les Religieux de Saint-Gildas lui faifoient actuellement lorfqu'il l'écrivoit. Il accompagne de temps en temps fon récit de quelques réflexions morales; il y fait un aveu fincere de fes péchés ; il s'en humilie devant Dieu; il reconnoît fa mai toute-puiffante, qui l'a réduit en cet état par un effet de fa misé ricorde, pour le purifier de fes fautes paffées, & le détacher entierement du monde qu'il aimoit naturellement. Il parle fort modeftement de ses ennemis. Il ne dit rien de fon efprit, de fes rares talens, & du progrès qu'il avoit fait dans les fciences divines & humaines. Il la finit, en fe plaignant du peu de foi de la plupart des Chrétiens, qui au lieu de confidérer les évenemens de cette vie, & fur-tout les maux qu'ils y fouffrent, comme une conduite ado rable d'un Dieu, dont la bonté & la fagelle gouvernent toutes chofes pour fa gloire, & pour le bien de fes Elûs, les attribuent aux caufes particulieres dont il fe fert pour exécuter fes def feins, & perdent ainfi tout le mérite qu'ils auroient, s'ils vouloient entrer dans les vûës de Dieu, fe foûmettre humblement à fes volontés, & dire du fond du cœur, ce qu'ils difent fi fou vent du bout des levres : Seigneur, que wôtre volonté foit faite fur la Terre; comme elle l'eft dans de Ciel. Enfin cette grande Lettre qui pour fa longueur devroit paffer pour un Opufcule, approche des Confeffions de faint Auguf tin, à la réferve que ce faint Docteur parle prefque toûjours à Dieu, & qu'Abeillard ne parle qu'à fon amiz quoiqu'il lui parle de Dieu.s Mais cette Lettre qui n'avoit été écrite que pour un particulier, tombá par hazard dans les mains d'Heloife, contre des intentions de l'Auteur; foit que ce particulier la lui éût communi+ qués, comme il y a quelque apparen ce, font qu'en aiant entendu parler, elle eût demandé à la voir. Elle encon nur aufh-16t lelcaractere: certelvac réveillal dans Hom coeur des fentimens les plus tendres, & les plus vifs qu'elle avoit eus authefois. Le récit qu'Abeil! Abbaïe la D'ABEILLARD. lard y faifoit de toutes les avantures aufquelles elle avoit tant de part, toucha vivement. Elle ne put s'empê cher de lui écrire, & de lui faire des reproches de ce dur filence qu'il gardoit avec elle depuis tant d'années : c'eft ce qui produifit ce commerce de Lettres fpirituelles, fi pleines de piété & d'érudition entre ces deux beaux ef prits. On ne trouve rien dans celles que faint Jerôme écrivoit aux Dames qu'il dirigeoit, qui l'emporte fur celles-ci Nous nous contenterons d'en donner ici un extrait, aïant deffein, Si le Seigneur nous conferve la vie, d'en faire un jour une traduction fidelle. Mais en attendant, il faut voir en quel état fe trouvoit l'Abbaïe du Paraclet; depuis qu'Abeillard n'y venoit plus. La fagete d'Heloïfe avoit fuppléé Ytat de à fon abfence, & Dieu avoit telle Para ment beni fes travaux, que fon Mo.. sier en naftere augmentoit de jour en jour, au tant dans les biens de la vie préfente, e tens que Siége ac füt heureusement dédommagée, en lui cordez à Heloïfe 1 |