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fable mais il croïoit, & c'eft en cela: qu'il fe trompoit, que les Juifs qui avoient crucifié Jefus-Chrift, & lapidé faint Etienne, l'avoient fait par une ignorance invincible, & que c'eft ce qui les rendoit excufables.

Car enfin, dit-il, s'ils croïent rendre fervice à Dieu en les faifant mourir comme Jefus-Chrift lui-même l'affûre; ils auroient donc péché en ne les condamnant pas à la mort, puifqu'ils auroient agi contre les lumieres de leur confcience, contre la Loi même, qui ordonnoit qu'on fît mourir les blafphé mateurs, tels qu'étoient ceux qui s'attribuoient la Divinité. S'ils auroient péché en ne les condamnant pas à la 3. mort, ils n'ont donc pas péché quand ils les ont fait mourir. C'est ainsi que kaifonnoit ce Theologien.

Mais il devoit fçavoir que c'eft lemalheureux fort d'une confcience er

ronée de pécher de quelque côté qu'elle fe tourne (a). Agit-elle conformément à fes lumieres? Elle péche, parce qu'on fuppofe qu'elle eft dans l'erreur & par confequent qu'elle agit contre la vérité, & qu'elle fait une mauvaise action. Agit-elle contre fes lumieres 2

(a) Confcientia erronea, ligat & obligat. S Thom. 2. 2.

Elle péche encore, parce que c'eft pécher que d'agir contre fa confcience : & quiconque croit offenfer Dien par quelque action, dès-là il l'offenfe s'il la fait, quand même elle feroit bonne & très-innocente d'elle-même.

аров.

deles

C'est ce qu'Abeillard ne comprenoit pas alors, & c'eft ce qu'il a reconnut dans la fuite, lorfque dans fon Apo- «e Abtit logie il confeffe que les fautes que «d fi nous commettons par ignorance, nous « rendent coupables devant Dieu, lorf- « que nous fommes dans cette ignorance « par pareffe, faute de nous être inftruits « des chofes que nous fommes obligez de « fçavoir, & par confequent que ceux « qui ont crucifié Jefus-Chrift, ont con- c mis un très-grand crime, quelque bon « zele qu'ils puffent avoir.

17.

Il eft certain que les Juifs ont agi par ignorance, lorfqu'ils ont fait mourir Jefus-Chrift. C'est le principe de S. Pierre qui le dit formellement : Et A&. 3. nunc fcio, Fratres, quia per ignorantiam feciftis, ficut & principes veftri. C'eft faint Paul qui le dit auffi, lorfqu'il affûre, qu'ils n'auroient jamais crucifié le 1. Cor. 2. Roi de gloire s'ils l'euffent connu. Enfin 8. c'eft Jelus-Chrift qui le reconnoît luimême, lorfqu'il adreffe ces paroles à fon Pere Man Pere, pardonnez-leur

Luc.

-934.

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parce qu'ils ne fçavent ce qu'ils font: Mais il n'eft pas moins indubitable que cette ignorance étoit criminelle, Toa. 15. puifque le même Sauveur dit : Si je ne fuffe point venu, & que je n'euffe point fait parmi eux des œuvres qu'aucun autre n'a faites, ils n'auroient point be péché qu'ils ont. Maintenant ils les ont vûës, & ils ont hai moi & mon Pere. Et ailleurs : Si vous étiez avengles, vous n'auriez point de péché. Maintenant vous dites que vous voïez,

Joa. 16,

c'est pour cela

en vous.

que

من

vôtre péché demeure

C'est pourquoi il affure fes Difciples, que lorfque le faint Efprit fera venu, il convaincra les Juifs de péché parce qu'ils n'ont point cru qu'il fût le Fils de Dieu, quoiqu'il leur eû donné des preuves inconteftables de fa divinité. Voilà ce qui rend leur ignorance criminelle.

Il faut pourtant avouer qu'Abeillard ne parloit pas de tous les Juifs qui ont fait mourir le Sauveur; car il ne doutoit point que la plupart, fur-tour parmi les Scribes & les Pharifiens, ne fuffent très-criminels dans les pourfuites qu'ils faifoient de fa mort: foit parce que fon innocence leur étoit affez connue, foit parce qu'ils n'agif

foient que par un motif d'envie & de jaloufie contre lui: & c'eft ce qui di minue beaucoup l'erreur de nôtre Théologien. Il croïoit donc feulement, & en cela il fe trompoit lourdement, que parmi ce grand nombre de Juifs qui avoient demandé fa mort à Pilate, & qui s'étoient écriez : Que fon fang foit répandu fur nous & fur nos enfans ; il y en avoit plufieurs qui étoient dans une ignorance invincible de la divinité de Jefus-Chrift, parce que n'étant pas fi-éclairés dans la Loi que les autres, ils ne pouvoient dif tinguer les véritables marques du Meffie fi facilement, que ceux qui avoient tous les jours cette même Loi entre les mains, & qui étoient obligez de la feur enfeigner. J'avoue que cela n'est pas fans difficulté; fur-tout fr l'on confidere que la plus grande partie du peuple dans cette occafion, n'agiffoit que par l'instinct & fur le rapport des Pharifiens, comme l'Evangile le remarque (a).. Mais l'on peut toûjours dire que les miracles faits par le Sauveur à leurs yeux, étoient d'une telle évidence, qu'ils les rendoient, quoique moins. éclairez, abfolument inexcufables...

(a) perfuaferunt plebi ut Barrabam peterent, Jefun verò perderent. Matth, 27: Ιν

D'autres ont voulu dire qu'Abeillard ne parloit que des foldats Romains qui avoient attaché Jefus-Chrift à la Croix, & qui dans ce meurtre n'étoient pas. plus coupables que l'eft un exécuteur de haute-juftice, qui pend un homme, que d'injuftes juges ont condamné fans raifon. Mais ils fe-trompent, & il faut qu'ils n'aïent jamais lû l'endroit que nous venons de citer, puifqu'il y parle expreflément des Juifs qui agiffoient par un bon zéle pour la Loi. De plus l'exemple de faint Etienne qu'il rapporte, ne peut s'entendre des foldats. Romains.

XII. CHEF D'ACCUSATION.

Je

Le pouvoir dé lier & de délier que fus-Chrift a accordé à fes Apôtres n'a point été communiqué à leurs fucceffeurs, fi ce n'est à ceux qui ont reçû le Saint Efprit.

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L'amour de la vérité qui nous a em pêché d'excufer Abeillard fur le précédent article nous oblige de direque celui non feulement ne fe trouve point dans fes Ouvrages, mais qu'il ya des propofitions toutes contraires.. Dans fon Livre contre les hérétiques de fon temps, il déclare que Jefus

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