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cune perfonne Séculiere ou Eccléfiaftique, ne pourroit les contraindre d'én fortir pour cet effet: mais que l'Evêque Diocéfain ou autre député par le Saint Siége, prendroit la peine de fe tranfporter au Paraclet pour en faire la cérémonie, fans néanmoins être à charge à la maifon, ni rien exiger des Religieufes pour ces fonctions.

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. L'amour que cette digne Abbeffe avoit pour la retraite, les dangers ou elle fçavoit que les Religieufes s'ex pofoient lorfqu'elles fortoient de leur Monafteres, lui fit prendre ces précautions & le Pape Innocent II. lui accorda volontiers ces deux privileges par fa Bulle du mois de May de l'an née 1136. adreffée à Heloïfe & à fes Religieufes, à condition de paier tous les ans à l'Eglife de Rome une obole d'or (4). Il eft remarquable que dans cette Bulle le Pape y parle de la Béné diction des -Abbelles comme du Sacre des Evêques, fe fervant même plus fieurs fois du terme de Consécration,

Un vénérable Piêtre nonimé, Goni dric, avoit auffi donné depuis peu à Heloife & à fes Religieufes, une maiJda.

(a) L'obole d'or pouvoit valoir icing ou her fols, puifqu'il eft certain que l'obole d'argent ne ville qu'un fol. Foyez le Dict. de Eurt, & la Gloff. de Ducange fur le mot obole.

fon, & des jardins qu'il tenoit de l'héritage de fes Peres. Le même Pape: confirme cette donation par la Bulle du mois de Décembre de cette même an-née: & c'est la premiere Bulle ou Heloïfe eft traitée d'Abbeffe du Paraclet; les autres l'avoient nommée Abbeffe du Monaftere de la Sainte-Trinité.

tion de

Enfin Heloïfe étoit devenue fi puif- Fondafante & fr riche en fonds de terre, Abbaïe qu'elle fe trouvoit en état de faire part de la Poaux autres de fon abondance. C'est ce mercy. qui l'engagea à ne pas refufer à la Comteffe de Champagne (a) le domaine de Pomerey qu'elle lui demandoit pour fonder un Monaftere de fon Ordre.

Mais la prudente Abbeffe fit fes condi tions fi bonnes, que fon don même lui devenoit avantageux & à toute la Communauté. Car le contrat dont l'Archevêque de Sens (6) étoit le médiateur & le garant, portoit expreffément que la Comteffe donneroit tous les ans trois muids de bled au Paraclet, à prendre fur fon moulin de Crevecœur dont elle fe rendoit refponfable; que la premiere Supérieure de la Pomerey feroit prise. de la Communauté du Paraclet; que

(a) Cette Comtefle s'appelloit Matilde, & avoit époufé Thibaut II, du nom, Comte de Champagne. (b) Cet Archevêque eft appellé Hugues dans le con trat. La Pomerey étoit de fon Diocèse,

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VI. Analyfe

miere

dans la fuite les Religieufes de la Po merey en pourroient élire une de leur Corps; mais que s'il ne s'en trouvoit point parmi elles, capables d'exercer: cette charge, elles feroient tenuës d'en prendre encore du Paraclet; enfin que I'Abbelle du Paracletiroit tous les ans faire la vifite reguliere à la Pomerey, avec droit d'inftruire, de corriger, & d'ordonner tout ce qu'elle jugeroit à propos pour le bien de cette maifon Mais ce qu'il y a de fingulier dans ce contrat, expédié au nom de l'Archevêque, témoin & médiateur ; c'eft qu'il eft porté que pour rendre cet accord ftable, les parties contractantes, & celles, qui à l'avenir leur fuccéderont dans leurs droits, ne fouffriront ja mais que ni le Pape ni aucun Prince Seculier ou Eccléfiaftique (a) y falle le moidre changement, comme fi dèslors on eût prévu le concordat de Leon X. & de François I.

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Tel étoit l'état de l'Abbaie du Pa de la pre- raclet, lorfque la Lettre dont nous ve nons de parler, tomba entre les mains Helo d'Heloife. Elle la lut avec toute l'avi beillard, dité, que fon attachement à la perfonne

Lettre

fe à A

(a.) Ce Contrat eft contre les regles, mais dans le temps qu'il s'eft fait, les regles n'étoient pas exactemeni obforvé:s, comme elles le font présentement..

Abeillard pouvoit lui infpirer. Mais fa curiofité lui coûta cher. Elle fentit: fon ancienne paffion fe réveiller par les plus fecrettes circonftances de fon amour qui y étoient décrites. Son cœur perdit beaucoup de fa tranquillité; fon oraifon en fut moins pure, fon efprit plus diftrait dans le chant des Pleaumes: enfin elle éprouva toutes les agitations qui accompagnent une paffion mal éteinte, ou qu'on ne combat que foiblement. Elle pouvoit alors. dire à Dieu avec autant de vérité

:

que

le Prophete Roïal Seigneur, mon Pfal. 370 cœur eft rempli de trouble, toute ma.force m'a abandonnée, & la lumiere de mes yeur n'est plus avec moi.

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Elle ne trouva de foulagement à ses maux, qu'en les expliquant à la perfonne qui les caufoit: & ce fut le fujet de la premiere Lettre qu'elle lui écrivit: Lettre toute pleine d'Efprit, d'érudition, d'éloquence. La piété, la générofité, la force de l'amour conjugal y paroiffent tour à tour, & tout y eft exprimé avec tant de grace & de délicateffe, qu'on ne fçait ce qu'on doit plus admirer, ou des généreux mouve mens de fon cœur, ou de la beauté de fon efprit. Elle commence ainfi :.

.

C'est à fon maître, c'eft à son pere,

C'est à fon frere, c'est à son époux
Qu'une fervante, une fille,
Une fœur, une épouse.

Et pour renfermer en un mot tout ce que ces noms ont de foûmis, de ref pectueux & de tendre,

C'est à fon Aveillard qu'Heloïfe écrit. Après ce début ingénieux, elle lui avouë que la lecture de fa Lettre, l'avoit beaucoup affligée, en lui remettant devant les yeux tous les malheurs qui lui étoient arrivés, & le péril où il étoit encore actuellement. Elle le conjure de lui donner fouvent de fes nouvelles afin qu'elle puiffe participer à fa douleur ou à fa joie. Elle lui repréfente qu'après l'avoir perdu, il ne peut fans injustice la priver de la confolation que fes Lettres lui donneroient, s'il vouloir prendre la peine de lui écrire; qu'il lui eft honteux de faire pour un ami, ce qu'il ne fait pas pour une époufe qui l'a aimé, & qui l'aime encore au-delà de tout ce qu'on peut penfer, puifqu'el'e n'a jamais aimé en lui que lui-même & fa propre gloire fans aucun retour

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