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Nous ne nous fommes point arrêtez à juftifier nôtre Docteur, lorfque nous avons donné l'Analyfe de cet Ouvrage dans le cours de fa vie; & en nous contentant de remarquer que ce paffage fouffroit quelque difficulté, nous en avons renvoïé l'éclairciffement à cette Differtation; perfuadez que rien n'eft plus défagreable au Lecteur que ees fortes de digreffions, qui leur font perdre le fil de l'Hiftoire, & les mettent fouvent de mauvaise humeur contre un Ecrivain: mais à préfent que ces confidérations ne nous retienitent

plus, il eft jufte de lever ce fcrupule, & d'effacer les mauvaises impreffions que ce foupçon d'erreur auroit pu laif-fer dans les efprits..

Pour le faire avec ordre, il faut premierement établir le fentiment d'Abeillard, examiner ce qu'il veut dire & à quel fujet il a avancé cette propofition. Il s'agiffoit de refuter certains hérétiques de fon temps, qui prétendoient qu'on ne devoit point baptifer les enfans, mais qu'il falloit attendre qu'ils fuffent dans un âge plus avancé, & capables de fçavoir ce qu'ils recevoient. Leur raifon étoit que Jefas-Chrift avoit dit: Celui qui croira,

qui fera baptisé, fera Sauvé. D'où

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ils inferoient que les enfans n'étant pas en état de croire, ils ne pouvoient pas être baptifez légitimement.

Abeillard répond que l'Eglife croit pour eux, & que la foi de leurs parains fuffit pour leur juftification : & pour donner plus de jour, & en même temps plus de force à fa réponse, il ajoûte: (a) Nous voïons par les Epîtres de faint Paul, que dans la primitive Eglife les difciples des Apôtres fe faifoient baptifer pour les morts qui n'avoient pû recevoir ce Sacrement durant leur vie, & croïoient par-là contribuer au falut de ces défunts. Si donc F'on a cru anciennement que le Baptême des vivans profitoit aux morts qui ne l'avoient point reçû, à plus forte raifon devons-nous croire que la foi des parains fuffit pour procurer aux enfans la grace falutaire de la régéneration fpirituelle, qui fe donne dans le Baptême qu'on leur fait recevoir. C'eft ainfi que raifonnoit ce Théologien.

(a) Habemus in Epiftolis B. Pauli, quod in primitiva Ecclefia difcipuli Apoftolorum pro mortuis baptifabantur, credentes eis conferre ad eorum falutem animarum. Si ergo Fides primitive Ecclefiæ erat gnod Baptifmus vivorum pro mortuis, falutem æternam, illis mortuis conferebat quod illi non acceperant, & ideò pro illis baptifaban.tur quantò magis fideles credere debent, quod fide patrinorum baptifati parvuli, falutem æternam & gratiam fpiritualem in baptifmo confequentur. Abeil. lib. cont. hær. c. 12.

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Je pourrois premierement remar quer qu'Abeillard ne dit point que ce foit à prefent le fentiment de l'Eglife, mais feulement que c'étoit une pratique du temps des Apôtres. Ainfi la cenfure qui déclare que c'eft une erreur, parce que l'Eglife ne croit pas cela: Errat non enim hoc tenet Ecclefia, eft vaine, injuste, & ne tombe nullement fur l'opinion d'Abeillard.

En fecond lieu, je pourrois dire que c'eft ici uu argument hypotetique : Si ergo Fides primitiva Ecclefiæ erat, &c. C'eft comme s'il difoit: Suppofons que telle ait été la croïance des premiers Gécles de l'Eglife. Or, une fuppofition ne peut être cenfurée, parce qu'elle ne contient aucune erreur de la part de celui qui la fait, quand ce qu'il fuppofe feroit faux, & même une héréfie. Sije difois, par exemple: Si le corps de JefusChrift n'eft point réellement dans le Sacrement de l'Autel, le Sacrement ne doit point être adoré:ma fuppofition eft hérétique, cependant ma propofition eft véritable, & ne mérite point de cenfure, non plus que celui qui l'avance. Il en eft de même de la propofition d'Abeillard: Si Fides primitiva Ecclefia erat, &c.

Mais venons au fond de la difficulté.

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Accordons que ce Théologien a parlé abfolument, & qu'il a dit: Dans l'aneienne Eglife on fe faifoit baptifer pour les Morts, & on, croïoit, que ce Baptême leur étoit utile à plus forte raifon la foi des parains: fera-t-elle utile aux enfans que nous faifons baptifer. La confequence eft jufte, perfonne n'ofe roit ni la nier, ni la cenfurer. Il ne s'agit donc plus que du principe. Or ce principe n'eft point d'Abeillard, il eft de faint Paul. Voici comme parle l'Apôtre dans fon Epître aux Corinthiens: Puifqu'on vous a prêché que Je- 1. Cor. fus-Chrift eft reffufcité d'entre les Morts, s. comment fe trouve-t-il parmi vous des perfonnes, qui ofent dire que les Morts ne reffufcitent point? Car fi les Morts ne reffufcitent point, Jesus-Chrift n'eft pas non plus reffufcité. De plus, que feront ceux qui fe font baptifer pour les Morts, L'il eft vrai que les Morts ne reffufcitent point? Pourquoi fe font-ils baptifer pour les Marts? Ainfi raifonnoit l'Apôtre.

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Il fuppofoit donc que de fon temps, au moins dans l'Eglife de Corinthe, tl y avoit des Chrétiens qui fe faifoient baptifer pour ceux de leurs parens ou de leurs amis qui étoient morts fans Baptême, & oroïoient que ce Baptême qu'ils recevoient pour eux, ferviroit à

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leur falut. De cette pratique que l'Apôtre n'approuve ni ne condamne, il en tire cette confequence, que ces genslà étoient perfuadés qu'il y avoit une autre vie que celle-ci, & que les hommes reffufciteroient deux points par faitement indivifibles; celui qui nie la résurrection des Morts, étant auffi obligé de nier l'immortalité de l'ame, & une autre vie que celle-ci.

La confequence de faint Paul eft jufte. Il prouve fort bien la refurrection des Morts par cette pratique des Chrétiens de Corinthe, qui ne fe feroient pas mis en peine de fe faire baptifer pour leurs amis défunts, s'ils n'avoient été perfuadez que Le Baptême eft abfolument néceffaire pour être fauvé, & par confequent qu'il y a une autre vie à laquelle nous reffuscite

rens.

Je fçai que tous les Interpretes le font donnés la torture pour expliquer ce paffage de faint Paul. Chacun en a raisonné à sa façon, & a tâché de deviner ce qu'il entendoit par ce Baptême pour les Morts. Comme la céré monie leur paroiffoit sextraordinaire, ils n'ont pas cru devoir s'en tenir à la lettre, ils ont cherché des fens figuez, & ont eu recours à des explica

tions

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