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être tout à lui; & quoiqu'elle fût en-
core jeune, n'aïant pas alors 36. ans,
on ne vit plus en elle aucun fentiment,
qui parût fortir de cette ancienne paf-
fion qu'elle avoit confervée fi long-
temps
fous un habit religieux. Elle ap-
prit à aimer la vertu pour la vertu mê-

me: fa beauté & fes attraits lui tinrent
lieu de tout ce qui l'avoit charmée dans
fon époux, il ne lui échappa plus rien,
ni dans fes Lettres, ni dans fes entre-
tiens, qui ne fût mefuré; ces fantômes
impurs qui troub loient fon imagina-
tion, s'évanoüirent, fon efprit devint
tranquile: en un mot, Heloïfe ne pen-
fa plus qu'à devenir fainte voïant
que fon époux l'étoit effectivement.

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Occa

mes

Dans le grand nombre de fujets que x111. la Providence lui avoit envoïez pour fon des foûtenir fon établiffement, il y avoit probie beaucoup de filles d'efprit, qui joi- Helorgnoient à la vertu une connoiffance des fe. Lettres peu commune aux perfonnes de leur fexe, & faifoient voir de grandes difpofitions à devenir fçavantes, pour peu qu'on fe donnât la peine de cultiver cet heureux fond. Abeillard qui connoiffoit leur portée, & qui d'ailleurs en étoit inftruit par les avis de l'Abbelle crut qu'on ne devoit point négliger ces avantages de la naTome 11.

D

ture, & que rien n'étoit plus capable de retirer des filles de ce fond de foibleffe, qui eft comme inséparable d'el les-mêmes, que d'élever leur efprit, & de leur infpirer le défir de devenir ha biles dans les faintes Ecritures.

Cette pensée lui fit écrire à la Communauté du Paraclet, l'excellente Lettre que nous avons encore, où après l'avoir cougratulée d'avoir à fa tête une fi fçavante Supérieure qui faifoit l'honneur de fon fexe, & la confufion de quelques-uns de ceux qui de fontemps prenoient la qualité de Docteurs; il exhorte puiffamment ces faintes Filles à étudier, pour fe rendre capables: de bien entendre l'Ecriture Sainte & les Ouvrages des Peres. Il leur met devant les yeux l'exemple des Paules, des Euftoquies des Marcelles, des: Afelles, & de tant d'autres DamesRomaines qui s'étoient renduës recommandables par leur érudition. Mais de crainte qu'elles ne lui répliquaffent, qu'elles n'avoient point de faint Jerôme pour former de fi habiles écoAbeil, iieres Vous pouvez, leur dit-il, fans Epift. ad fortir de vôtre Monaftere, trouver tous Paracl, les fecours dont vous avez befoin dans

Monial.

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cette étude, Profités du tréfor qui est entre vos mains: vôtre Abbeffe peut,

fi elle en veut prendre la peine, vous apprendre le Latin, le Grec & l'Hé breu, Langues fi néceffaires pour bien entendre l'Ecriture, dit-il, & dont l'étude cependant eft aujourd'hui fi négligée. Il les conjure de s'y appliquer & de faire revivre cette fcience que les hommes ont laiffé perdre. Loin de croi re qu'elles en font moins capables qu'eux, il les affûre qu'elles y feront d'autant plus de progrès, que leur vie eft plus tranquille & plus fédentaire. Enfin il leur repréfente que n'étant pas propres aux travaux manuels, & lá fragilité de leur fexe, les rendant d'ailleurs plus fufceptibles de tentations que les hommes, elles doivent, pour éviter d'y fuccomber, s'appliquer aux ouvrages d'efprit ce qu'il prouver par d'excellens paffages de faint Jerô me, & n'oublie prefque rien de ce que ce faint Docteur a écrit fur cette ma tiere. Il leur confeille enfin, pour bien prendre le fens des Ecritures, de les lire dans le texte original, c'eft-à-dire, dans l'Hébreu & dans le Grec : parce que, dit-il, toutes les verfions qui ont été faites en d'autres Langues, aïant été tirées de cette fource, elles font toûjours moins pures que dans l'origi nal; & les Traducteurs n'ont pas cu

cette affiftance fpéciale du faint Efprit, que nous ne pouvons douter avoir été accordée aux Auteurs facrés de ces divins Livres.

Abeillard ne fut pas long-temps fans connoître que fa Lettre avoit produit les effets qu'il s'étoit promis. Ces fçavantes Filles s'appliquerent fi fortement à tout ce qu'il leur avoit recommandé, qu'en moins d'un an elles fi rent un recueil des endroits les plus difficiles de l'Ecriture Sainte, qu'elles lui envoïerent fous le nom des Problêmes pour en avoir l'éclairciffement. Heloïfe avoit eu la direction de cet Ouvrage, & y avoit mis la derniere main, puifqu'il eft intitulé, Problêmes d'Heloife, &c. Mais elle avoue dans fa Préface que ce font fes Filles qui ont formé toutes ces difficultés, en lifant tous les jours l'Ecriture Sainte, & elle prie Abeillard de leur en envoïer le dénouement. Il y en a quarante deux, la plûpart fur le nouveau Testament, quelques-uns fur les Pfeaumes, & fur les Livres des Rois. Il eft facile de remarquer que ces Religieufes avoient beaucoup d'efprit & de difcernement, puifque tout ce qu'elles propofent, n'eft ni trivial, ni de petite conséquence, & qu'il a fouvent arrêté les plus habiles Docteurs.

problê

› d'Helo

Abeillard y répondit avec beaucoup Réponse de jufteffe quelquefois en deux mots, d'Abeillorfqu'il a cru que la chofe ne demandoit pas un plus grand éclairciffement, mes & quelquefois avec plus d'étendue, fe. lorfque la difficulté le mérite. Il fe fert particulierement de faint Auguftin, & fait voir qu'il le poffédoit affez bien. Ses décifions de morale font un peu séveres : il prouve fortement que les perfonnes mariées péchent au moins véniellement lorfqu'elles ufent de la liberté du mariage, hors la hors la pure néceffité d'avoir des enfans: quelques Cafuiftes de nos jours ne font pas fi rigoureux. Il faut avouer cependant que cette décision eft de faint Auguftin (a),. & que les raifons dont il fe fert pour prouver, font fans réplique.

la

Traité

tulé du

Qüi& du

Il eft aisé de fe repréfenter la joie de xiv.. ces Religieufes, lorfqu'elles reçûrent d'Abeilles éclairciffemens de leurs doutes: lard intimais l'ouvrage qui l'accompagnoit, les furptit agréablement. C'étoit comme Non. le fuplément de celui qu'elles luit avoient envoïé, dans lequel il rappor te tous les differens endroits de l'Ecriture Sainte qui femblent fe contredire,.

(a) Reddere debitum conjugale nullius eft criminis; exigere autem ultra generandi neceffitatem, culpa venialis Aug. de bono conjug.

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