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s'excuser de l'avoir commis, ou pour ne pas chercher quelque moyen de défense dans le droit naturel or, si des scélérats osent bien réclamer des titres si respectables, à combien plus forte raison les gens de bien peuvent-ils y recourir!

Mais si la crainte de la peine et du supplice, en empêchant les hommes de mener une vie injuste et criminelle, fait sur eux ce que l'infamie d'une pareille vie ne sauroit faire, il n'y a personne d'injuste; et l'on ne doit regarder les méchants que comme des gens qui ne se tiennent pas assez sur leurs gardes.

41. Tout de même nous, qui nous portons au bien, moins par la considération de l'honnéte que de l'utile, nous ne sommes pas, à proprement parler, des gens de probité, nous ne sommes simplement que plus avisés que les autres. Car, supposez-moi un homme dans l'obscurité, de quoi ne doit-il pas être capable, s'il ne craint uniquement que les regards d'un témoin ou d'un juge? A votre avis, comment traitera-t-il un pauvre malheureux qui se trouvera sous sa main, dans un lieu écarté, seul et sans défense, mais chargé d'or dont il pourra le dépouiller impunément? En pareille rencontre, notre honnête homme, je veux dire celui qui suit les principes d'une justice naturelle, parlera amiablement avec le voyageur; il le soulagera de son fardeau ; il le remettra dans son chemin; mais pour celui dont la maxime est de ne rien faire pour l'amour d'autrui, et de ne consulter en tout que ses intérêts je vous laisse à penser de quelle manière il

quo quæreret. Quæ si appellare audent impii, quo tandem studio colentur à bonis?

Quòd si poena, si metus supplicii, non ipsa turpitudo, deterret ab injuriosa facinorosaque vita, nemo est injustus: at incauti potiùs habendi sunt improbi.

41. Tum autem qui non ipso honesto movemur, ut boni viri simus, sed utilitate aliquâ, atque fructu, callidi sumus, non boni. Nam quid faciet is homo in tenebris, qui nihil timet nisi testem, vel judicem? quid in deserto loco nactus, quem multo auro spoliare possit, imbecillum, atque solum? noster quidem hic naturâ justus vir, ac bonus, etiam colloquetur, juvabit, in viam deducet. Is verò, qui nihil alterius causâ facit, et metitur suis commodis omnia, videtis, credo, quid sit acturus. Quòd si negabit se illi vitam erepturum, et aurum ablaturum, nunquam ob eam causam negabit, quòd id naturâ turpe judicet, sed quòd metuat, ne emanet, id est, ne malum ha

se comportera. Quand il me soutiendroit qu'il n'attentera point à sa vie; qu'il ne lui ôtera point son or: il ne s'en défendra certainement pas par la raison de la noirceur naturelle de cette action, mais par la crainte d'être découvert et d'en porter la peine. O indignité capable de faire rougir, je ne dis pas des Philosophes, mais tout ce qu'il y a de gens les plus grossiers dans nos campagnes!

XV. C'est encore une autre extravagance de la même secte (59), de dire que tout ce qui est réglé par les coutumes ou par les loix des peuples, est juste. Quoi! les loix mêmes que des tyrans auroient faites, le seroient? si les trente tyrans en avoient voulu imposer aux Athéniens, ou si tous les Athéniens s'étoient déclarés en faveur de ces loix, seroit-ce une raison suffisante pour s'y soumettre aveuglément? Pour moi, je crois qu'on n'en devroit pas faire plus d'état que de celle qui fut portée pendant l'interrègne, qui étoit, que le dictateur seroit en pouvoir de faire impunément mettre à mort ceux des citoyens qu'il jugeroit à propos, sans les entendre dans leurs défenses; car il ne peut y avoir qu'un droit qui cimente la société, et qu'une loi qui établisse ce droit. Cette loi est la droite raison, qui est la règle des commandements et des défenses. Quiconque l'ignore écrite ou non écrite, celui-là est injuste.

Mais si la justice consiste à se soumettre aux loix écrites et aux coutumes des peuples; et si, comme disent encore les Epicuriens, il faut tout mesurer à son utilité propre, celui

beat. O rem dignam, in qua non modò docti, verùm etiam agrestes erubescant!

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XV. Jam verò stultissimum illud, exis timare omnia justa esse, quæ scita sint in populorum institutis, aut legibus. Etiamne, si quæ sint tyrannorum leges? si triginta illi' Athenis leges imponere voluissent, aut si homines Athenienses delectarentur tyrannicis legibus, num idcircò ea legis jussa habentur? nihilo credo magis illâ quàm in terrex noster tulit, ut Dictator, quem vellet civium indictá causa impune posset occidere: est enim unum jus, quo jus, quo devincta est hominum societas, et quod lex constituit una. Quæ lex est recta ratio imperandi, atque prohibendi : quam qui ignorat, is est injustus, sive est illa scripta uspiam, sive nusquam.

Quòd si justitia est obtemperatio scriptis legibus institutisque populorum, et si, ut iidem dicunt, utilitate omnia metienda sunt:

qui la trouvera à les mépriser ou à les enfreindre, n'en manquera pas l'occasion: ensorte que la justice demeure sans effet, si elle n'est pas soutenue de la nature; et que cette prétendue justice est renversée, par l'utilité même qu'on lui donne pour fondement.

43. Ce n'est pas tout: si la nature n'assure pas le droit, toutes les vertus ne tiennent plus à rien; que deviendront la libéralité, l'aniour de la patrie, la tendresse pour ses proches? Dans qui trouvera-t-on de la bonne volonté à faire plaisir, ou des dispositions à reconnoître un service? car toutes ces vertus procèdent du penchant naturel que nous avons à aimer nos semblables; c'est-là la véritable base du droit, et on n'interdit pas seulement la pratique de ces devoirs mutuels entre les hommes, on bannit absolument les cérémonies et le culte des Dieux, qu'il est, selon moi, à propos de retenir, non pas par principe de crainte (60), mais à cause de l'étroite liaison que l'homme a avec Dieu.

XVI. Si la volonté des peuples, les ordonnances du sénat, les jugements des magistrats, suffisoient à établir le droit, il ne seroit question que de gagner des suffrages, et de s'assurer des voix du plus grand nombre, pour que le brigandage, la fausseté, les suppositions de testaments devinssent permises. Mais, si les opinions et les suffrages des fous ont assez de poids pour balancer la nature des choses, pourquoi n'arrêtent-ils pas entr'eux, que ce qui est mauvais et pernicieux, passera désor

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