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CHAPITRE VIII.

Claffe VIII. Maladies extravagantes, ou Folies.

CETTE maladie (1) eft bien affligeante pour l'humanité, & on ne peut être témoin d'un auffi triste spectacle, fans en être profondément affecté. Dans toutes les autres efpeces de maladies, le fujet eft en proie à la douleur & au mal-aife; ici ce font les feuls fpectateurs qui fouffrent. Les anciens ont appelé ces maladies paraphroniques, du mot grec paraphronia, qui fignifie aliénation d'efprit. Elles font accompagnées d'une dépravation confidérable des fonctions de l'ame. La caufe matérielle de ces maladies, qui réfide ou dans le cerveau, ou dans les organes des fens, eft une difpofition vicieuse, extraordinaire, anomale des fibres nerveufes, à laquelle les idées, les jugemens, & les appétits répondent plutôt qu'à l'impreffion des objets extérieurs.

(1) Cette claffe eft bien peu riche en observations, & il eft à fouhaiter que quelque électricien zélé pour le bien de l'humanité, & pour le progrès de la science, dirige fes vues fur cet objet.

Les principales maladies de cette claffe font, la démence qui eft un délire général, doux & chronique, fans fievre; la folie (mania), qui eft un délire fouvent furieux, ordinairement général & périodique, fans fievre aiguë. La démonomanie n'existe point felon nous; c'eft une fourberie infigne, ou bien ce genre rentre dans les autres qui lui font analogues; le tranfport ou délire (paraphrofine delirium), est une aliénation d'efprit aiguë, paffagere, fouvent fébrile. L'infomnie, l'oubli, la ftupidité, la berlue le tintouin, le fomnambulisme, la frayeur nocturne, la boulimie ou faim canine, la fantaisie & l'antipathie, font des maladies peu importantes, fur lefquelles il feroit fuperflu de s'appefantir. Nous dirons cependant deux mots de la nostalgie, du fatyriafis, de la nymphomanie & du tarentisme.

Ces maladies en général dépendent de bien des causes; & qui oferoit nier que dans la manie, il n'y ait une trop grande quantité de feu, de fluide électrique, de fluide nerveux ? dénominations qui annoncent le même fluide modifié différemment, ou des fluides qui ont entr'eux une très-grande analogie. Il fuffiroit peut-être, pour en être convaincu, de réfléchir fur les principales caufes des maladies de cette claffe; mais quelques expé

riences relatives à ce fujet, peuvent encore nous confirmer dans ce fentiment. Dans l'année 1777, j'eus une grande occafion d'observer, pendant plufieurs mois, un maniaque qui étoit dans la même maison où je demeurois; je profitai de cette circonftance pour faire quelques expériences fur l'électricité animale. J'appliquai fur le front de ce maniaque un ruban de foie, joint à une efpece de ruban de laine, & en les retirant un certain tems après, je trouvai dans ces rubans tous les fignes d'électricité. Cette expérience, répétée avec des rubans femblables fur le front d'une autre perfonne qui fe portoit bien, ne donna pas, à beaucoup près, des fignes auffi forts; la différence étoit très-fenfible. Le résultat a été le même avec des rubans blancs, fur des rubans noirs, &c. Ces expériences analogues à celles de M. Symmer, lues à la Société Royale de Londres, en 1759, & de M. Cygna de celle de Turin (1), prouvent, si je ne me trompe, que dans la manie il y a une quantité de fluide électrique, plus grande, que la quantité ordinaire & naturelle; & conféquemment, que l'électricité négative eft très-propre à cette maladie, fur-tout fi

(1) Troifieme volume des lettres fur l'électricité, par l'abbé Nollet.

on a foin de l'appliquer immédiatement à la tête, & en particulier aux tempes. Alors, en diffipant l'excès de ce fluide, elle détruira la caufe du mal: maisje me hâte de propofer le chocélectrique comme beaucoup plus efficace.

La commotion électrique, donnée à la tête, eft certainement très-propre à calmer le trouble, & à enchaîner la violence & la fureur, qui font particulieres à ces fortes de maladies. Des expériences déjà faites confirment finguliérement ce que je viens d'avancer, & montrent que le choc électrique donné dans certaines bornes, n'est point dangereux, comme on pourroit d'abord fe l'imaginer. « C'est par le moyen de deux de mes grandes jarres, qui n'étoient pas chargées complétement, que fix hommes ont été renversés par terre. Je pofai un des bouts de ma baguette de décharge fur la tête du premier, qui pofa fa main fur la tête du fecond, celui-ci fur celle du troifieme, ainfi fucceffivement jufqu'au dernier, qui prit en sa main la chaîne attachée aux ventres des jarres. Après les avoir difpofés ainfi, j'appliquai l'autre bout de ma baguette au premier conducteur, & ils tomberent tous à la fois. Lorsqu'ils fe releverent, ils déclarerent tous qu'ils n'avoient reffenti aucun coup, & ne com

prenoient pas comment il leur étoit arrivé de tomber, aucun d'eux n'ayant entendu le craquement, ni vu la lumiere. Vous suppofez que cette expérience eft dangereuse; néanmoins j'en ai effuyé moi-même une semblable, ayant reçu, par accident, un coup pareil au travers de la tête, qui me renversa par terre fans me faire de mal; & j'ai vu une jeune femme, qui, en voulant fe faire électrifer les pieds pour quelque indifpofition, reçut une plus grande décharge dans la tête, s'étant, par inadvertence penchée en avant pour placer fes pieds, au moyen de quoi, fon front, (comme elle étoit fort grande) toucha prefque à mon premier conducteur, elle tomba par terre, & fe releva auffitôt, fans fe plaindre de rien. Une perfonne ainfi frappée, s'abat, pour ainfi dire, pliée en double, les articulations perdant tout-à-la-fois leur force & leur roideur, de forte qu'elle coule dans l'inftant fur la place, fans chanceler le moins du monde auparavant, & fans jamais tomber de fon long. Une trop forte charge, à la vérité, pourroit tuer un homme; mais je n'en ai point encore vu qui en ait été même bleffé (1). »

(1) Euvr, de Franklin, tom.I, pag. 186 & 187, 1773•

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